PACIFIC PARK (TOPIC DE GROUPE)

La lettre se froisse entre mes mains. Fine, elle s'arrache. Le message s'efface, s'enfonce dans la brume blanche et devient tâche. Oscar est là, tout sourire, caché sous une chemise qui semble taillée pour lui. D'un regard, il me communique sa prochaine cible. Les mots ne sont plus assez discrets pour nos opérations. Il suffit d'un mouvement de cil pour comprendre ce que l'autre prépare. Il me quitte, s'évade à l'horizon et devient une  vulgaire ombre au loin.

J'approche une table face à l'entrée du restaurant. Des coupes de champagnes fredonnent à l'unisson. Ma main se resserre sur la robe de verre. Ma salive recouvre d'un voile étincelant ma lippe. Je trempe mes lèvres un instant et cesse pour faire durer le plaisir. Le plaisir, ce plaisir, liquide, dosé, doré. La sensation que m'apporte le fait d'absorber ce breuvage réservé aux personnes qui peuvent se permettre de dépenser à perte est inexplicable. « Tu ne chasses pas de Pokémons ? » La jeune brune (Sofya) reste plantée là, seule. Solitude, moi aussi je connais, moi aussi je te connais. Je sais tout de toi, tu sais tout de moi. Tu connais mes crises, mes peurs, mes paniques. Tu connais ce qui fait de moi un être à part entière, tu es la seule.  Seule, oui seule, solitude. Tu jubiles car à ce même instant, je suis seul.  

Dorian s'était levé bien tôt en espérant ne croiser personne au studio de danse. La soirée de la veille avait été arrosé et il se doutait que certains de ses camarades ne prendraient pas le temps de se lever avant une heure indécente. La nuit était encore noire lorsqu'il posa les imposantes portes en bois menant à un havre de paix. Comme il s'en doutait, il n'y avait personne en vue, et il pourrait donc s'exercer en doute quiétude. Il désirait notamment s'entraîner sur quelques pas appris avec Greta. La danse contemporaine n'avait jamais été son forte mais il souhaitait donner son maximum avant de la revoir. Les heures défilèrent, passèrent, à l'instar des gouttes de sueur qui coulaient sur son corps. La fatigue le regagna cependant vite, signes précurseurs d'une gueule de bois à laquelle il n'avait pas laisser le temps de s'installer mais qui reprenait naturellement ses droits sur le corps exténué du jeune homme. Il ramassa ses affaires, prit une gorgée d'eau avec quelques médicaments pour le faire tenir quelques heures avant de repartir. Son esprit était encore vif mais son corps ne réclamait qu'une seule chose. Dormir. S'allonger sur un doux lit et s'endormir. En sortant du studio, Dorian fût surpris par la masse de personnes qui semblaient tous se diriger vers le parc à quelques blocs de là. Il en fût tellement surpris qu'il trébucha sur les marches et s'étala de toute sa longueur devant une audience non-désirée. Être danseur et être aussi maladroit, cela m'étonne parfois. Son justaucorps blanc sous un sweat-shirt noir était tâché par la saleté du trottoir et des tâches rouges commençaient à apparaître au niveau de ses genoux. Oh for fuck sake. La seule chose à faire aurait été de retourner au plus vite dans son appartement, soigner ses blessures et dormir. Mais le cœur a parfois ses raisons, et, inconsciemment, Dorian décida de suivre une foule plus obnubilée par leurs téléphones portables que par ce qui se passait autour d'eux. Le parc revivait d'une nouvelle jeunesse, tout semblait avoir été repensé. Il n'y avait jamais encore mis les pieds et c'était une occasion qu'il allait falloir saisir. Attiré par l'odeur de la nourriture – et surtout l'odeur du champagne – Dorian se faufila rapidement vers le restaurant. Il avait besoin de quelque chose. Il remarqua d'ailleurs à quel point son ventre gargouillait. Mais peu lui importait la nourriture. Il n'avait que de yeux pour les coupes de champagne alignées qui n'attendaient que lui pour être vidées. Prêtant peu attention une nouvelle fois à ce qui l'entourait, il se précipita vers le bar, pris deux verres avant de se retourner pour examiner la salle. Ne voyant rien à son goût, il décida de prendre l'air frais et trébucha de nouveau sur le pas de la porte, déversant ses coupes sur une belle inconnue (@Calypso E. Rockefeller). En se relevant, il se déversa lui-même en plates excuses. « Je suis affreusement désolé, Mademoiselle. » Affreusement est bien le mot. Il chercha à l'intérieur de son sac du papier et un crayon. « Voilà mon numéro. N'hésitez pas à m'envoyer la facture. » Il n'avait qu'une hâte. Retourner boire du champagne. Il faut en profiter. Se rendant compte de son erreur, il se retourna de nouveau vers elle pour ajouter. « Ce n'est pas une mauvais technique de drague. Juste la politesse. » Il esquissa un sourire  et chercha du regard quelqu'un pour lui fournir un alibi. Il avait désespérément besoin de normalité.