Comment ai-je pu en arriver là ?
C’est un jeu. Tout cela n’est qu’un jeu. Rien qu’un jeu. Les règles sont floues, la seule qui compte vraiment est de ne pas se faire attraper. Je suis entrée. Personne ne m’a remarquée. Les agents de sécurité ne sont pas très efficaces. Tant mieux. Le plus dur est fait, maintenant, ce n’est qu’une question de temps. C’est le troisième ce soir. Là, les fondations. C’est ici. Ici que tout va se jouer. Je contourne le dernier mur. Visiblement, je n’ai toujours pas été remarquée. Bombe, bombe, bombe. Tout est prêt ici. Il en faut une dernière pour la porte de sortie, une que personne ne remarquera. Tout est en place. Je regarde l’heure. Je suis dans les temps, je vais probablement gagner. Je presse une touche. Boum. Ça a fonctionné, mais j’ai donné un gros coup de pied dans la fourmilière. Je souris. De toute façon, ça sera probablement réparé dès demain. Je me faufile par l’ouverture, en prenant soin d’effacer mes traces. Je regarde mon téléphone qui vient de vibrer pour afficher un sms. “GG”. Je souris. Personne ne saura jamais que je viens de gagner cinq cent dollars sur un pari. Une nuit fructueuse. Ça fera ça de moins à déduire des mes économies. Et puis, de toute façon, je ne fais pas ça pour l’argent. Je ne fais pas ça pour nuire. Je ne fais pas ça pour aider. Je fais ça pour le frisson. Cette adrénaline, c’est ce qui me fait vivre. Et puis, au fond, c’est un art aussi… Tout aussi beau que celui qui constitue mon métier.
C’est un jeu. Tout cela n’est qu’un jeu, mais à ce jeu je perds tout le temps. Mon style serait dépassé. Il paraît que je ne sais pas suivre des consignes. Je n’y peux rien, quand un réalisateur ne veut pas s’impliquer artistiquement, il faut bien que quelqu’un le fasse. Mais non, ça ne passe pas, je dois devenir une yes woman à la solde d’un yes man. De quoi tu te plains, mon grand ? Même si tu fous rien et que je fais un boulot d’artiste, c’est toi qu’on récompensera ! Personne ne retient jamais le nom des chefs opérateurs. Personne ne se souviendra jamais de Rebecca Sinlaw, mais on se souviendra de Grey. Dès que je saurai comment signer sans me mettre en danger. Je ne voudrais pas finir comme mon père… Lui non plus, personne ne se souviendra de lui. Il faut dire que des efforts ont été faits pour ça. Si je pouvais mettre la main sur… Enfin. Inutile de ressasser, n’est-ce pas ? De toute façon, je ne l’aimais pas tant que ça… Je suppose. Je m’assois sur mon lit, regardant mes jambes nues, perdue dans mes pensées. Et si quelqu’un était remonté jusqu’à moi ? Non, c’est impossible. J’ai bien pris toutes mes précautions. J’éteins la lumière. Je ferme les yeux. Je finirai bien par trouver le sommeil.
Si je m’étais douté...