Elle était si légère. Si proche et lointaine à la fois. Mais surtout si belle avec le rouge aux joues, avec cette envie de plus en plus pressante qui prenait naissance entre ses cuisses. Je ne pouvais pas me douter qu’un seul événement inopiné pourrait la renvoyer dans un tel retranchement. Qu’à la chaleur de sa peau et de son laisser-aller, un froid glacial et une résistance prendraient bientôt le dessus. Les gloussements provenant de derrière la porte de sa chambre ne deviennent qu’un fond sonore peu intéressant quand je la regarde, ses jambes repliées contre sa poitrine. “On ne devrait pas …” Eden est métamorphosée. La jeune femme concupiscente laisse place à une adolescente que l’on viendrait de surprendre en plein ébat et sur l’instant, cette vision me dérange plus qu’elle ne m’intrigue. Je plisse les yeux, toujours fixés sur elle, et me redresse pour me planter face à elle, maintenant tout de même cette distance qu’elle nous impose. “Qu’est-ce qu’il t’arrive ?” Je réponds, refroidie malgré la frustration qui gronde. “Je suis désolée, mais …” Mais tu es décidément incapable d’abandonner tes principes de fille guindée? Alors ces quelques minutes de sensualité c’était quoi ? Un cadeau du ciel ? J’attends la fin de sa phrase, déjà déçue et presque blessée qu’elle puisse solder ce moment à deux de la sorte. “… Tu devrais partir.” La conclusion frappe ; à l’expression que je peux lire sur son visage, je sais pertinemment que la discussion pour la faire changer d’avis ne fonctionnera pas. Le forcing quant à lui la renfermera davantage. Comment ai-je pu croire que c’était dans la poche ? Elle n’est pas comme les autres que j’ai l’habitude de côtoyer. Elle vit entourée de barrières qui ne tiennent que par la force de sa raison. Et peut-être que les plaisirs de la vie ne lui sont accessibles que quand le cadre est idéal, voire parfait… Mais quelle vie barbante ! Quel gâchis ! Pour un si beau potentiel… Que j’aurais volontiers dévoré. “Bien sûr… A quoi je m’attendais…” J’en soupire de découragement, cette fois bien décidée à fuir ce guet-apens embarrassant. Mes pieds retrouvent le sol et en moins de temps qu’il n’en a fallu pour me dévêtir, je récupère mes vêtements et me rhabille illico presto. Mon regard se pose un instant sur la fenêtre de sa chambre et j’ignore pourquoi, je me rêve fumeuse pour avoir le prétexte de devoir fumer un coup. Mimétisme des soirées désastreuses. Un verre de tequila fera l’affaire, l’une de mes sœurs Alpha se joindra certainement à moi. Quand je suis prête à m’en aller, je ne jette qu’un bref regard vers l’étudiante encore nue sous sa couverture. Ma main enclenche déjà la poignée de la porte. “Bon courage pour les explications que tu devras leur donner.” A tes sœurs barbantes. J’ouvre la porte et me retrouve face à deux filles en pyjama qui, à l’évidence, auraient regardé par le trou de la serrure si elles avaient pu. Visiblement, elles sont bien gênées par la situation, mais moi, je m’en fous comme de l’an quarante. Ne leur jetant qu’un regard désinvolte, je me dirige sans tarder vers la porte de sortie et claque la porte sans me faire prier. L’air frais du milieu de la nuit s’écrase sur mon visage et fait virevolter mes cheveux. Je resserre les pans de ma veste contre moi pour ne pas ressentir la fraîcheur, mais c’est elle qui réussit encore à hanter mon esprit, c’est elle et son repli qui me donnent si froid. C’est rare, vraiment, mais ce soir je suis perdue. Perdue par ce qu’elle m’a fait ressentir.

FIN.