Ce jour-là, je devais rencontrer le leader d'un nouveau gang local accompagné de mon bras droit, nous avions pris ma voiture, une Chevrolet Suburban.
Je conduisis a travers le quartier cherchant le symbole qu'il nous avait fait parvenir, guettant chaque ruelle à la recherche d'indices pouvant nous mener jusqu'à lui, et c'est là que j'aperçue Myra, cette femme que j'avais rencontré à une galerie d'art, nous avions échangés quelques mots, puis nous étions revues à nouveau mais un jour, elle ne donna plus de nouvelles, je pensais qu'elle était alors partie de la ville.
Pourquoi avait-elle rompu le contact d'un coup ? Avait-elle découvert par un quelconque moyen  que je ne gérais pas que le Legacy ? Je devais le découvrir.
Je me gara alors un peu plus loin dans une ruelle et dit à mon bras droit:

«Je te laisse gérer avec le petit nouveau du secteur, j'ai une importante affaire à gérer. On se retrouve à l'endroit habituel pour faire le point.»

Je remis en place ma cravate, mis mes lunettes de soleil et mon chapeau noir, puis me dirigea en direction de Myra.
A chaque pas qui me rapprochait d'elle, le doute qu'elle puisse connaître quelque-chose sur mes activités grandissait, je devais savoir pourquoi elle était partie, et pour obtenir ces informations je devais jouer finement.

Alors qu'elle était entrain d'observer une sculpture dans une vitrine, je me positionna derrière elle et lui dit à l'oreille:

«Bonjour Myra, cela fait longtemps que je n'ai pas eu de nouvelles de vois. Je pensais que vous aviez quittée cette belle ville qu'est Los Angeles.»

Allait-elle me répondre directement le motif de son "absence", allait-elle s'enfuir, ou allait-elle me surprendre et se prêter au jeu des devinettes.
Je n'étais sûr de rien.

Une année, voilà tout ce qui me manque. Une année pour obtenir ce diplôme qui m'ouvrira les portes d'un emploi, d'un emploi que j'aurais choisi et que j'exercerai avec passion. Une dernière année qui n'a pas été la bonne. Qui n'a pas été bonne. Et une année de plus, que je suis peut-être encore prête à gâcher.  

Pourtant j'arpente les rues du centre ville, me faufile avec légèreté à travers les corps agités, pour trouver la bonne librairie. Celle qui détiendra les précieux sésames, la base de toute bonne année universitaire : des livres de cours. J'en ai déjà réuni deux, politique et sociologie que je porte à bout de bras. Deux premiers pas vers cette université que je n'ai toujours pas visitée et le chemin est encore long, semé d'embuches et de distractions.

Des distractions qui m'obligent à m'arrêter. A m'ancrer dans ce bitume qu'ils ne semblent que fouler. Un instant, je suspends le temps. Pour quelque chose qui n'a pas d'intérêt ou celui de me questionner, celui d'apprécier un peu de beauté.  

Et dans cette bulle que je me suis créée, sa voix pénètre et me fais légèrement sursauter. Je ne suis plus seule puisque je sens sa masse dans mon dos, puisque je détoure sa silhouette dans la vitrine, puisque sa voix grave résonne encore en moi. Lui celui que j'apprécie autant que je fuis. « Bonjour Sven. » Tu vois, je ne t'ai pas oublié, toi le symbole, le symptôme de mon passé.  

« Je suis là et partout à la fois vous savez … » Ce qui n'est pas vrai et pourtant pas faux non plus puisque tout est une question de positionnement, d'interprétations. Les livres que je porte au creux de mes bras donneront leur version. « Le temps m'a manqué … »

Et je me tourne vers lui pour qu'il puisse apprécier la sincère culpabilité qui s'affiche sur mon visage, tout en détaillant l'impassibilité de son propre visage que m'offre ses lunettes et son chapeau. Qui est celui qui se cache maintenant ? « Et pour tout vous dire, je ne pensais pas que vous attendiez réellement de mes nouvelles … »  

La question est peut-être embarrassante. Mais c'est exactement ce que je souhaite parce qu'ainsi, peut-être qu'il oubliera que je n'ai pas répondu à la sienne.

Je passa de longues secondes à observer son reflet dans la vitrine, son visage fin, sa longue chevelure blonde, rie n'avait changé depuis notre dernière rencontre.
Elle portait dans ses bras quelques livres, dont je n'arrivais pas à apercevoir le nom, elle s’apprêtait sûrement à reprendre ses études, nous en avions parlé lors d'un déjeuner, elle devait cette-année même finir celles-ci et décrocher son diplôme.

Elle sursauta légèrement avant de prononcer calmement:

« Bonjour Sven. »

Une année entière était passée et malgré cela elle me reconnaissait à travers le reflet déformé d'une vitrine d'un petit magasin alors même que je portais un chapeau et des lunettes. Comment pouvait-elle me reconnaître rien qu'a ma stature et ma voix ?
La seule raison que je trouva était qu'elle m'avait gardé dans un coin de son esprit pour de bonnes ou mauvaises raisons, je n'en avais encore aucune idée.
Elle esquiva ma question et me répondit:

« Je suis là et partout à la fois vous savez … »

Comment devais-je interpréter sa réponse évasive, tout cela me laisser perplexe, pourquoi ne pas me donner une vrai raison, le mystère restait total quant à sa "disparition".
Myra prétexta alors:

« Le temps m'a manqué … »

Elle avait coupée toute communication avec moi, que ce soit sur les réseaux sociaux ou les sms, et pourtant envoyer un message ne prends pas beaucoup de temps, elle avait donc volontairement coupée les ponts avec moi.
Myra se retourna alors vers moi et me dit:

« Et pour tout vous dire, je ne pensais pas que vous attendiez réellement de mes nouvelles … »

Quel événement ou qu'avais-je dit pour qu'elle pense ça ? La question restait entière.
J'enleva alors chapeau et lunettes que je prirent dans ma main droite.
Je lui répondit d'une voix calme:

« Je comprends que le temps vous soit précieux mais je pensais que vous m'auriez expliqué la raison de votre départ. Nous avons partagés de bon moments j'espérais donc justement avoir des nouvelles de vous.»

J'espérais qu'avec cette réponse elle ne soit pas plus évasive et m'expose les causes de la distance qu'elle avait décidée de mettre entre nous.
Je sortis un paquet de cigarette de ma poche lui en proposa une, puis en pris une.
J'ajouta alors:

« Que diriez-vous que nous prenions un peu de temps tout les deux pour discuter ? »