1988, Rome, Italie.

   11h54, 15 mai. Une jeune femme est en train de donner naissance à son premier enfant. Le travail est dur, la femme doit donner toute son énergie pour réussir à donner la vie à ce bambin qui tarde à pointer le bout de son nez. Les efforts portent enfin fruit et une magnifique fillette voit le jour. Le père fait le fier dans le corridor de l'hôpital. Toute la famille est là, celle du père seulement. Les grands-parents, les parents, les oncles, les tantes, les cousines, les cousins... je n'énumérerai pas tous les gens qui étaient présents pour ma naissance. Eh oui, Alyssia Kaileen Mancinelli est arrivée, et c'est moi. La raison pour laquelle autant de gens sont présents ? Je suis l'espoir de cette famille. L'héritière. Dit ainsi, cela paraît superficiel, mais pour les italiens, la naissance d'un enfant et tout ce qu'il y a de plus important sur terre. Mon père a 6 sœurs, chacune ayant pris le nom de leurs maris à leur mariage, perdant ainsi le nom de famille. Mon père était le seul fils de la famille, et le seul qui n'avait pas de rejeton pour perpétuer la lignée des Mancinelli. Certes, il aurait aimé avoir un fils, qui aurait pu perpétuer la lignée à son tour. Mais il m'aime bien. Et plusieurs années plus tard, je lui ferai la promesse, si j'ai un enfant, qu'il portera notre nom. Je crois avoir gagné son cœur ainsi. Mon âge lors de cette promesse ? 4 ans.

1992, Los Angeles, USA.

4 ans, c'est jeune pour avoir une pensée comme celle-là. 4 ans, c'est l'âge des découvertes, de l'apprentissage, des jeux et du plaisir. Moi dans tout cela, ce ne fut que peine et désolation. Ma mère est tombée malade... c'Est-ce que mon père m'a dit, lorsque nous avons quittés l'Italie pour les États-Unis. Je perdais mes amis. Je fus triste, mais par chance, cela ne dura pas longtemps, puisqu'il y avait d'autres amis en Amérique. Facile est la vie d'une enfant, me dirai vous. Cependant... Ma mère... est décédée cette année-là. Elle est mon père faisaient leur possible pour me donner un frère ou une sœur, mais les fausses couches s'accumulaient. La dernière fut fatale. La douleur de mon père, ma douleur, la douleur de la famille... je la ressentais comme si elle n'était que mienne. Et du haut de mes 4 ans, je réalisais maintenant que j'étais maintenant la seule qui pourrait consoler mon père. A bien y penser, j'étais mature pour mon âge. Trop. Nous étions à des lieux et des lieux de mon pays natal, et je crois que mon père n'y retournera jamais. Trop de souvenirs.  

Aujourd'hui, je comprends ce qu'il a pu ressentir.

J'ai pris très dur la disparition de ma mère. Grandissant dans un milieu entouré d'homme, je ne pouvais que me débrouiller pour tout ce qui était féminin. Oh que mon père en a vu de toutes les couleurs avec moi. Surtout à l'adolescence.

2003, Los Angeles, USA.

J'ai eu ma petite phase rebelle. J'avais besoin de m'émanciper, de prouver que j'étais ''adulte'' à 16 ans. Il ne fut pas rare de me voir à plusieurs fêtes, alcool et toute autre substance dansant devant mes yeux. Qu'est-ce que je recherchais à agir ainsi ? L'attention de mon paternel, car à la mort de ma mère, il se tourna rapidement vers le boulot, rentrant tard le soir et repartant très tôt le lendemain matin. Je fus pratiquement élevée par ma grand-mère paternelle, qui est venue nous rejoindre à mes 5 ans. Mon père ne pouvait s'occuper seul de moi. Je me laissais donc entrainer dans toutes sortes d'aventures, me sentant invincibles.  

Mais je dû me calmer, mon père ayant des idées de grandeur pour moi. Il faut avouer qu'il n'a jamais entendu parlé de mes écarts de conduite, ma grand-mère préférant tout passer sous silence par peur de la réaction du paternel. Il avait changé ses dernières années. Auparavant, l'idée de frapper une femme lui était insupportable. Mais je reçu plusieurs corrections, allant d'un simplement serrement des bras aux gifles plus violentes. Elle avait peur. Et moi je le provoquais.  

Donc je disais, il avait des idées de grandeur. À notre arrivée aux États-Unis, il créa sa propre compagnie, la Mancinelli Construction. Je ne veux pas me vanter... mais s'il y a quelque chose de nouveau dans le pays, il est presque assuré que la compagnie de mon père y est associée. Il est rapidement devenu imposant dans le milieu, écrasant ses compétiteurs sans pitié. Je vis, durant les années, plusieurs petites compagnies fermer leurs portes par manque de contrat, alors que mon père en avait de plus en plus. Ne me demandez pas comment il a réussi, je me doute qu'il n'y a pas que des transactions honnêtes dans tout cela. Mais c'est mon père, et si le navire coule, je devrai couler avec. Il veut donc me voir prendre la relève lorsqu'il sera trop vieux.

2009, Los Angeles, USA.

Mon père a fini par entendre parler de mes recherches pour trouver mon agresseur. Il engage un garde du corps pour veiller sur moi 24h/24h, 7 jours sur 7, de peur que je fasse une connerie. Ou plutôt qu'il m'arrives un autre malheur. Il me rend totalement dingue! J'ai beau vouloir être libre de mes actes, j'ai tout de même 22 ans et j'ai presque terminé mes études afin de devenir inspectrice en bâtiment. Certes, je veux l'aider, mais il y a des limites.

Cependant... je me rappellerai toujours de cette journée. 13 juillet 2009. Xavier (Mon gardien, en quelque sorte) doit absolument aller porter quelque chose à mon père. Étant dans le véhicule, je n'ai donc pas le choix de l'accompagner. C'est cette journée que je l’aperçu. Cheveux foncés, grand, musclé... La petite femme en moi se senti aussitôt intimidée. Remarquant qu'il était en grande conversation avec mon père, j'attendis qu'il parte avant d'aller le saluer, ne quittant pas l'inconnu des yeux. Pas avant qu'il ne disparaisse de mon champ de vision. À ce moment-là, je ne savais pas que cet homme allait prendre une place dans ma vie. Hemrick est un bon employé, me dit mon père. J'haussai un sourcil. Avoir un compliment de mon père est très rare. Il me tardes de le revoir. Par curiosité, bien entendu!

2011, Los Angeles, USA.

J'entrepris ensuite des études en gestion d'entreprise. Je me devais de connaître les ficelles du métier. Certes, mon père allait me former, mais cela prend plus qu'une petite formation.  Cependant, mon entrée dans l'entreprise fut retardée... Je fus victime d'un hold-up assez violent. J'ai dû rester deux semaines hospitalisées. Après cette agression, je devins très méfiante envers les hommes, mais je devins beaucoup plus motivée. Je veux remplacer mon père, avoir des hommes sous la main qui m'obéiront. Pourquoi ? Pour retrouver celui qui m'a retiré de force mon innocence. En parler à la police ? Déjà fait, et rien n'a bougé en 4 ans... mais j'ai une piste.

2016, Los Angeles, USA.

Aujourd'hui, j'ai terminé mes études. J'ai fait mes premiers pas dans la compagnie. Et dans mes temps libres, je continue mes recherches. Mon père ne le sais pas, et je n'ai pas l'intention de lui en reparler.