Il n'était pas rare de voir Kai se pavaner dans Los Angeles, à se balader ou faire son footing. Juste perdre son temps, depuis qu'il était revenu d'Honolulu. Il s'était rendu compte qu'il était passé à côté de beaucoup trop de choses et notamment de sa propre ville. Il n'était plus possible, d'après lui, de louper d'autres choses. Tous les petits détails, il en était devenu accro. Et cela incluait aussi de s'amuser. N’importe quand avec n'importe qui. Tout ce qu'il voulait, c'était profiter. Toujours et encore. Ne plus rien regretter. La mort de sa sœur lui avait enseigné une chose. Tout peut s'arrêter bien vite. Et bien trop tôt. Il était trop jeune à ses yeux pour se laisser disparaître sans pouvoir affirmé qu'il avait vu assez dans sa vie. Il n'avait plus les même ambitions. Plus les même envies. Il ne savait pas trop si cela signifiait qu'il avait grandi, ou mûrit. Mais il savait qu'il n'était plus le même homme.

C'est d'ailleurs dans cette logique de profiter toujours plus que Kai se rendait bien souvent dans ce bar où il avait appris à connaître les habitués. Cela n'était pas rare qu'il s'arrête boire un verre en leur compagnie. Riant aux éclats à propos d'anecdotes qu'on lui racontait. Quelque fois par rapport aux femmes, au sport, aux histoires d'argent ou même tout simplement d'une anecdote bien merdique de sa vie. Une fois qu'il avait son verre en main, il accostait les femmes, peu importe leur âge. Pour sentir qu'il possédait encore ce charme, ce pouvoir de séduction. De savoir s'il plaisait toujours aux femmes ou s'il devait aller se racheter une envie de plaire. C'était un de ses plaisirs, de se sentir toujours attirant et attiré par la même occasion.

Le verre déjà servi et en sa possession, Kai serre la main à un homme au comptoir et tape sur l'épaule d'un autre. Ce dernier lui fait un clin d'œil et lui souffle un léger "bonne chance" en le voyant passer. Il avait compris. Sa proie du soir. La femme assise au comptoir plus loin. Kai pense l'avoir déjà vu quelques fois dans ce bar, mais sans avoir eu une seule fois l'occasion de lui parler. C'était le moment ou jamais. Et s'il se trompe, tant pis, cela ne fera que compléter sa collection de râteaux. « Bonsoir. » Dit-il en s'installant au comptoir juste à côté de sa cible. Un geste vers le barmaid et voici deux tequila sunrise servies face à eux. « Je vous offre un verre. » Et pas question de le refuser. Kai s'empare des deux verres, en garde un pour lui et tend l'autre à la belle femme à côté de lui. « Vous êtes magnifique ! » La méthode Kai dragueur est lancée. Attention mesdames !

Une soirée comme les autres.

« My love » n’a pas tenu à venir ce soir, un mal de ventre apparemment. J’enfile une petite robe, un maquillage léger et je quitte l’appartement. En temps normal, je retrouve quelques amies mais j’arrive relativement tôt. Je scrute le bar à la recherche de têtes que je connais mais rien…

Je vais patienter un petit peu.

Je m’installe au comptoir et me commande un verre. Dans l’attente, je pianote sur mon smartphone en faisant le tour des réseaux sociaux. Un véritable gossip girl se trame et suscite mon intérêt à tel point que je n’ai pas entendu tout de suite que quelqu’un se posait à côté de moi.

Une voix, un nouveau verre… Sa présence n’est pas immanquable. Je tourne la tête pour voir qui a bien trop d’assurance pour croire que je peux lui porter de l’intérêt.

Je ne fais pas attention à ses « compliments » complètement dépassés et un tantinet lourd. Je préfère le jauger physiquement, ne trouvant qu’une seule chose à dire de positive, c’est qu’il est vraiment beau garçon.

Dommage pour lui, je suis déjà prise.
Mais on peut s’amuser un peu… à le faire tourner en bourrique.

« Hum, merci. Et non merci… » je pousse son verre dans sa direction.

« C’est gentil de ta part mais je n’aime pas la grenadine… »

Mensonge.
Huhu

Je bois une gorgée de mon propre verre avant de reprendre :

« Alors dis-moi, tu as envie de coucher ce soir, c’est ça ? Vas-y, j’écoute des arguments »

Je pose mon menton dans le creux de ma main, bras posé sur le comptoir. Je regarde cet homme en espérant voir quel jeu il va encore sortir pour me draguer.

Si je ne l’ai pas trop refroidi… M’enfin, ce ne serait juste qu’un petit joueur…

La réponse est directe et Kai sent le mensonge à plein nez. Quelle nana n’aime pas la grenadine ? Elles en raffolent toutes ! Il failli faire demi-tour et la laisser seule en comprenant que c’était foutu, mais sa cible du soir ne semblait pas vouloir le rembarrer tout de suite. Lui laissait-elle une chance ? Après tout, un espoir est possible. Et c’est ce qui semblait arriver à ce moment-là. Il en profita. Analysa correctement la scène pour voir qu’elle buvait dans son propre verre. Finalement, ce n’était peut-être pas si faux, ce mensonge qu’il avait pressenti. Il ne fit pas d’autres remarques. Ne demanda pas un autre verre comme il souhaitait le faire. Finalement, il n’allait pas être gentleman comme il comptait être, cette nana ne semble pas réceptive. Pourtant, elle semble intéressée par tout autre chose. Alors Kai s’assoit sur le tabouret à côté d’elle, en face du comptoir et lui fait face. Non, il ne compte pas se défiler. Non, il n’est pas vraiment intéressé non plus pour aller plus loin. Le jeu de la séduction lui plaît, voilà tout. Rien d’autre. Sentir que son charme marche encore. Sentir que vous avez toujours ce truc qui plait aux femmes. Sentir que vous n’êtes pas hors course. Ou trop moche. Sentir qu’on vous prête de l’attention. Voilà à quoi sert le jeu de séduction. Voilà ce que Kai recherche quand il va voir une femme le soir dans ce bar. Il n’attend rien d’autre. Il ne va jamais plus loin. Mais il aime ressentir qu’il n’est pas encore mort de l’intérieur. Un moyen de s’assurer qu’il est toujours en vie.

Il boit dans son verre et garde en bouche le gout de la tequila. Il cherche ses mots. Les arguments à employer. Pour impressionner. Et finalement, il prend la décision la plus débile qui soit. Etre le dragueur par excellence. Même s’il ne souhaite pas de suite. Il aime jouer. Et c’est bien ce qu’il comptait faire ce soir. « Je n’ai pas d’arguments. » Commence-t-il tout en reposant son verre sur le comptoir avec délicatesse. Il fait un geste pour montrer la salle où ils se trouvent. « Ne trouves-tu pas que tu es le plus beau bijou ici ? » Il hausse un sourcil. De quoi la mettre en valeur. Tout en se donnant la possibilité de garder la parole. « Il te faut donc quelqu’un pour te sublimer. » Le message ne peut pas être plus clair. Il joue de ses atouts physiques. Se lève. Se rapproche d’elle. Et ajoute. « Ne suis-je pas parfait pour être l’homme à ton bras qui te fera briller ? » Une question qui ne souhaite pas de réponse en réalité. Il venait de jouer sa meilleure carte. Ses meilleurs arguments. Mais il est prêt à aller encore plus loin s’il le fallait.

Je n’ai pas l’intention de laisser cet homme avoir la moindre emprise sur la situation. En tout cas, pas sur moi. Non, je ne cèderais pas à un homme qui ne m’impressionne guère. Pour moi, ce n’est qu’un homme un peu bateau qui a soit trop d’estime pour lui, soit perdu un pari.

Etant donné que je n’ai pas vraiment envie de rentrer tout de suite, je me dis que je peux bien écouter ce qu’il va me répondre.

Je regrette aussitôt…

Je retiens toutes expressions démontrant à quel point je suis dépitée de faire face à un homme aussi stupide.

Il continue encore plus lourdement en essayant de me donner l’impression que je suis sur un piédestal et bien évidemment, que sa présence me rendait encore plus visible sur ce « piédestal ». La manière dont il me parle ne me plait pas du tout.

J’ai l’impression d’être prise pour une imbécile.
Même si pour moi, il l’est tout autant.

Il se rapproche et automatiquement, je suis le mouvement en me reculant d’un pas. Je pose ma main sur son torse pour le maintenir à distance. J’arbore un sourire gêné. Ça commence à me peser sérieusement.

« Wowowo… On se calme tout de suite ! Jamais je ne me tiendrais à ton bras. »

Je m’éloigne encore un peu avant de reprendre :

« Tu n’es pas du tout mon genre. J’aime les hommes classes, distingués et qui ont de l’intelligence. Tu vois, qu’il y ai un peu de challenge à jouer dans l’histoire. Toi par contre, ton attitude n’a rien de classe et question intelligence, tu brilles peut-être par ton physique mais quand tu ouvres la bouche, laisse tomber… sérieusement. »

J’ai conscience que je suis certainement blessante dans mes propos mais cet homme est clairement le genre d’homme qui m’énerve. De toute manière, je ne suis pas intéressée par quiconque se présente à moi. Même si je ne suis pas fidèle dans mon couple avec ce que je fais, je ne tiens pas à perdre mon temps pour un flirt avec un homme aussi… déplaisant ?

Du moins, il l’est pour moi.

« Alors, écoutes je vais tout simplement aller me poser quelque part en attendant mes amies et toi tu retournes draguer une fille suffisamment stupide pour croire que tu peux être intéressant, ok ? »

J’acquiesce avec un petit sourire, un peu hypocrite vu mes propos.

« Ciao. »

Je prends mon verre et m’éloigne de cet homme. D’ailleurs, je ne connais même pas son prénom, mais qu’importe. C’est le genre d’homme qui cherche juste des proies facile pour flatter son égo, rien qui me transporte réellement.