Encore un énième blaireau dont c'est la tournée ce soir. Finalement je m'en fiche. C'est toujours de l'alcool et qui plus est gratuit. J'avale le contenu de mon verre à shots et je replonge dans mon désarroi et ma solitude. Je commençais à me dire que je me faisais vieille. Que tout ça, c'était plus vraiment de mon âge et que les bars miteux de Los Angeles se porteraient très bien sans moi. Je commence à fatiguer et l'endroit n'est pas vraiment couru par les demoiselles. Ce soir, je ne partirais pas accompagnée et une partie de moi s'en accommode assez bien: jusqu'à aujourd'hui, aucune fille rencontrée dans un bar n'avait présenté un quelconque intérêt pour moi au delà de la nuit. Je m'apprêtais à m'extirper de cet endroit quand le barman s'approche de moi un verre à la main.
« Je n'ai rien commandé. » « C'est de la part du type là-bas. » Je fais mine de regarder pour voir qui est ce généreux crétin qui espère pouvoir me serrer à coups de cocktails cadeaux alors qu'en réalité, je m'en contre-fous. Je hoche la tête pour tout merci et je commence/termine le verre avant de récupérer ma veste en jean pour plier bagage.
FLOU.J'ai juste du me lever un peu trop vite. Je suis un peu étourdie au moment où j'arrive sur le parking.
Où est-ce que j'ai foutu ma voiture? Je ne sais même plus si je suis venue en voiture. Mes talons résonnent sur le sol. Où est cette maudite voiture, si elle existe? J'entends un raclement de gorge, un bruit rauque derrière moi. Il est là. Il, c'est celui qui m'a offert ce dernier verre, ce verre de trop qui me fait tourner la tête. Il marche derrière moi, l'air détaché, pourtant j'ai l'étrange sentiment qu'Il me suit. Je me décide à presser le pas, en espérant que ma voiture apparaisse sur la carte, comme dans GTA afin que je puisse la retrouver et me tirer d'ici, aussi vite que possible.
Gauche.
Droite.
Gauche.
Droite.
Je commence doucement à me sentir sacrément mal. Je titube et je m'appuie sur le capot d'une voiture avant de reprendre mon chemin en quête de la sainte bagnole. Cet instant me permet de vérifier derrière moi : il est toujours là. Alors je décide d'aller plus vite, je me refuse à mon sort. Suis-je en train de psychoter ou cet homme me suit-Il réellement? Je regarde une nouvelle fois par dessus mon épaule mais il me suit toujours, ni une, ni deux, je prends littéralement mes jambes à mon cou et je me mets à courir comme si je comptais battre le record du monde du 100 mètres. Dans mon esprit, ça allait très vite, en réalité beaucoup moins, puisque c'est sans la moindre peine qu'il revient à ma hauteur en me saisissant le poignet.
LAISSEZ-MOI.
J'ai crié en me retournant brusquement pour dégager mon poignet. Il me regarde avec de grands yeux. Si ça se trouve je me fais des films. Si ça se trouve Il va juste me demander du feu pour s'allumer une clope. Si ça se trouve Il n'a plus d'essence et Il a besoin qu'on le pose à la station-service. Pitié. Faites que ce soit ça. Il entre dans mon espace vital. Près. Trop près. Je n'aime pas la lueur lubrique qui siège dans ses yeux. Il a visiblement trop bu.
« Calme-toi. » Il me tutoie. Je passe l'éponge en reculant d'un bon pas, les mains en avant comme pour marquer une distance.
« Qu'est-ce que vous voulez?? » Il fait un petit pas. Menaçant les frontières imaginaires que je viens de construire de tomber.
« Je veux que tu te calmes. » Ma vue se trouble.
« De toute façon, tu ne pourras pas lutter longtemps ». Je joue l'idiote, en secouant la tête.
« De quoi? Je... » « Le GhB qu'il y avait dans ton verre. Il ne devrait pas tarder à faire effet... et de toute façon... » Quand il prononce le mot GhB j'ai un mouvement de recul, je commence à comprendre le sort qui m'attend malgré moi.
Disparition inquiétante d'une jeune femme à L.A.
Je vois les gros titres comme si j'y étais.
« Tu vas devoir fermer un peu ta gueule. » En prononçant ses mots, il fourre sa main dans son manteau. L'objet brille sous le réverbère et lorsque je comprends qu'Il vient de sortir un couteau, j'ôte mes talons et je me mets à courir pieds nus sur le goudron, incapable de hurler mais très vite ma vue se floute, je perds petit à petit le contrôle de mes jambes qui deviennent comme du coton et je tombe à genoux sur le sol.
Les supplications meurent dans ma gorge alors qu'Il approche de moi. Il prend un malin plaisir à avancer tout doucement pour que le supplice n'en soit que plus grand. Je ne peux plus m'échapper maintenant. C'est trop tard. Il passe sa langue sur ses lèvres, comme un homme qui s'apprête à déguster un délicieux steak-frites.
« Si tu savais. Dès que tu es entrée dans ce bar, j'ai attendu ce moment... Alors crois-moi, je vais en profiter... » Je pleure. Ca y est. Je ne sais pas ce qu'il va faire de moi. S'il va me frapper, me violer, me tuer ou revendre mes organes au marché noir.
Pitié.
Pitié.
Pitié.
Je gémis, abattue. Il rit et me relève alors que je ne tiens pas debout, pour me balancer un peu plus loin, entre plusieurs voitures, histoire d'avoir le champ libre.
« Si tu cries, je jure que je t'égorge et que je te laisserais te vider de ton sang... toute seule.. ici. tu as pas envie de ça pas vrai? » Il n'attend pas ma réponse et se jette sur moi avec un sourire de déglingué. Son couteau glisse sur mon cou.
« Ce serait... tellement dommage de couper cette peau si tendre... Alors fais-moi plaisir ma jolie. Ne crie pas. ». Je crois que je vais vomir. Comment peut-Il sourire alors qu'il est en train de me détruire? Ses gros doigts malaxent mon corps, ma peau, comme si je n'étais qu'un objet pour assouvir son désir. Je me sens mal.
ziiiip.
Je crois que je suis en train de partir. Loin. Je ne sais pas si c'est la drogue ou mon cerveau qui se déconnecte pour m'empêcher de réaliser ce qui se passe. Je n'entends plus qu'un bourdonnement dans mes oreilles couvrant à peine le son de la respiration exaltée de l'autre malade. Il va me violer.
NOIR
NOIR NOIR NOIR NOIR NOIR NOIR NOIR NOIR NOIR NOIR NOIR NOIR
Mes yeux se ferment. Je ne peux plus voir son sourire. Je ne veux plus. Je me hais d'être venue dans ce bar pourri, et je le hais d'être un gros taré, frustré de ne pas pouvoir serrer qui il veut. Frustrée qu'il préfère détruire la vie de femmes plutôt que de se soulager en solitaire.
« Allez, je suis sûr que tu vas aimer. Tu vas voir.. tu vas en redemander. » Alors ça, j'en doute. Peut-être que je devrais l'informer que son pénis est le seul que je verrais de ma vie?
« Tu vas aimer, sale pute. » je serre les dents. Il se complait à me faire mijoter. Il se penche sur moi et chuchote des horreurs à mes oreilles. Je ne les entends même plus. Je l'oublie. Sa main pénètre sous mon jean, se frayant un chemin par la fermeture éclair qu'il a descendu, et je sais que mon calvaire commence. Je serre les dents. Avec un peu de chance, si je me montre docile, peut-être qu'il ne me tuera pas. Sentir sa respiration dans mon cou m'écoeure. Il rit doucement
« Détends-toi, on dirait que c'est la première fois que tu te fais baiser par un vrai mec de ta vie ». Cette fois ça y est je vais vomir. Lui! Un vrai mec? Je grimace de dégoût quand il essaie de capturer mes lèvres et je tourne la tête. Il appuie la lame de son couteau sur ma chair.
« Très bien, si c'est comme ça... ».
Ses doigts forcent le passage... Et je hurle en silence. Il rit. J'ai mal. J'ai peur. Il sourit. Je pleure en silence. Il se moque de ma douleur. Elle le séduit d'autant plus. Ce mec est un véritable malade. Cela ne dure que quelques minutes mais elles me semblent durer des heures. Il cherche à voir dans mes yeux un plaisir qui n'existe pas et qui n'existera jamais. Il se contente du désespoir et de l'horreur qui les habitent. Je fixe chaque détail, chaque signe particulier qui me permettra de le reconnaître quand je porterais plainte.
« T'en as déjà assez? ». Il extirpe ses gros doigts de mon corps et défait sa braguette lentement.
« Quand tu auras goûté à ça... », je ferme les yeux pour ne pas voir son
horreur. Il me secoue pour me forcer à le regarder.
« Regarde-moi salope. Regarde ce que je vais te faire. » Alors j'ouvre les yeux, gonflés par les larmes, rougis et il continue de commettre ses abominations. Il ne fait preuve d'aucune politesse et se soulage en moi comme si j'étais un vulgaire objet de plaisir mais je n'y pense plus. Je suis loin. Très loin.
A un moment, ses gestes s'accélèrent, sa respiration de porc aussi. Il pousse un grand cri rauque et termine son affaire avec satisfaction.
« Qu'est-ce que t'es bonne... Une petite pute pareille j'aurais jamais pu passer à côté. » Je jure que je l'entends ricaner.
« Et encore estime-toi heureuse, j'aurais pu te faire encore plus mal. ». Je préfère ne pas imaginer de quoi il parle. C'est comme si il ne se rend même pas compte de ce qu'il vient de faire. Ses mains remontent son pantalon, il range son couteau et sort une clope de son manteau.
« Allez, bye. » Alors.. c'est tout? C'est tout ce que tu as à me dire? Alors que tu viens de ruiner mon existence pour une envie subite?
« Si tu parles de ça à qui que ce soit... Je... » Il fronce les sourcils, agenouillé, il fouiller mon sac. Il trouve mon portefeuille, je me demande ce qu'il va en faire, il en extirpe ma carte d'identité.
« Talya Adams... Hm... T'habites à Westside, non seulement t'es un avion de chasse mais t'es friquée en plus... » Il remet ma carte dans son emplacement et jette mon portefeuille en plein dans ma gueule.
« J'ai noté ton adresse... Alors sois-sage et ne parle de ça à personne ou je viendrais finir le travail... » Il s'approche de mon oreille.
« Compris? Ce serait nul de mourir à ton âge, jolie Talya... » J'acquiesce en me mordant la langue pour ne pas lui cracher au visage.
« Bonne fille. »Il tapote sur le sommet de mon crâne comme il l'aurait fait avec celui d'un chien. Il se redresse et commence à marcher. Petit à petit il devient un trait puis un point et il disparaît à l'horizon, les mains dans les poches. Je le regarde partir. J'ai du mal à bouger. J'ai le ventre endolori et le corps chamallow. Appuyée sur une des voitures qui me cachait, je parviens à me relever. Je titube jusqu'à mon automobile qui n'était garée que quelques mètres plus loin. Soudain une vague me soulève le cœur et je rends tout ce que j'avais pu boire à côté de ma roue, comme si mon corps essayait de me purifier par tous les moyens.
Je ne savais pas qui appeler, que faire. Le seul truc que je voulais faire là, tout de suite, c'était me laver, me gratter, me poncer, ne plus sentir les empreintes de ses doigts sur ma peau, l'odeur de son parfum sur mes vêtements. Alors je grimpe dans ma voiture. Ma tête tourne. Ce n'est pas franchement prudent de prendre la voiture en étant sous l'emprise de drogues mais je ne me vois pas appeler un ami ou un taxi pour me ramener chez moi. Je ne veux plus jamais revenir ici et cette voiture ne va pas se ramener toute seule.
Je démarre prudemment et roule à basse allure. Les bois défilent dans mes fenêtres. J'étais dans une boîte assez loin du centre-ville où je vivais. Mes roues me portent, j'essaie de rester concentrée. Soudain, dans le faisceau de mes phares, j'aperçois une silhouette qui marche au bord de la route. Je ne mets pas longtemps à comprendre de qui il s'agit. Je reconnais sa veste, ses chaussures. L'homme qui aperçoit de la lumière se serre contre le bord de la chaussée et se retourne pour voir ce qui se passe. Quand j'aperçois sa tête, je ne peux plus réfléchir, je ne sais pas ce qui me prend.
"C'est comme si on avait posé une enclume sur mon pied. Je ne suis plus capable de freiner. J'atteints une vitesse considérable et soudain un bruit sourd se fait entendre. La silhouette s'explose contre mon pare-brise. Elle rebondit. Il s'écrase au sol, il ne bouge pas. Mon véhicule s'est immobilisé. Par réflexe je recule. Je l'observe quelques longues secondes. Et l'idée me traverse qu'il n'est peut-être pas mort. Et que s'il n'est pas mort, alors, il se vengera. Et voilà que j'accélère et que je roule sur lui comme sur un dos d'âne. Je crois que je le fais au moins 10 fois. Je ne veux pas qu'il vive. Il ne le mérite pas. Je ne sais plus vraiment compter. Son corps n'est plus vraiment en bon état. Je sors du véhicule et méthodiquement, je le tire par les pieds pour le déposer au bord de la route, dans le fossé, je remonte et je roule, je roule comme jamais je n'ai roulé."Non...Si seulement j'en avais eu la force. Si seulement j'avais eu le courage d’accélérer et d'envoyer son corps sale en l'air. J'aurais été débarrassée, libérée. J'aurais pu essayer de me reconstruire, essayer de réapprendre à vivre avec ce qu'il m'avait fait. Mais non... Je passe à côté de lui... J'aperçois son sourire dans la nuit, son sourire aussi inapproprié que nauséabond. Et je m'en vais.
Mon âme se dissout comme ma voiture à l'horizon.
Je crois que j'ai beau être en vie, Talya vient de mourir.