don't you worry child › "non, lena, ce n'est pas cette fourchette-là. ça, c'est la fourchette à salade. prends celle à droite. combien de fois il va falloir que je te le répète? et. pose. ce. livre." complètement ailleurs, elle continua à marteler sa pauvre côtelette avec sa fourchette à salade, absorbée dans le monde d'harry potter. si bien qu'elle ne réagit qu'à peine lorsque son père se leva brusquement. ce qui n'empêcha pas ses yeux de flamboyer lorsqu'il lui arracha l'ouvrage des mains et en déchira la moitié des pages, dans un éclat de fureur. elle avait appris il y a longtemps qu'il ne servait à rien de mener une guerre ouverte contre le parrain abelli. et ça n'avait jamais été dans sa nature à elle non plus. elle glissa un regard en direction de son jeune frère, qui esquissa un sourire narquois et haussa vaguement les épaules. ses petites mains blanches se serrèrent sur ses couverts, et elle garda ses yeux bloqués sur son assiette. "ne m'appelle pas abelli. mon prénom, c'est lena." après tout, le dernier à avoir commis cette erreur s'était pris son poing dans la figure - école privée ou pas.

tell me you'll be waiting for me in this golden afterlife › elle rayonnait de joie - de cette joie qui la caractérisait tant et qui éblouissait tout son entourage dès qu'elle passait comme une comète. gentille, généreuse, et heureuse. elle entra d'un pas vif dans le penthouse qu'elle partageait avec son frère - sachant que leurs parents habitaient juste en-dessus - et jeta son sac à main sur le canapé. elle se lava les mains, et se débarrassa du stylo que, distraite, elle avait oublié dans ses cheveux. elle sortait à peine de l'hôpital, et, malgré toute la peine qu'elle pouvait y voir, elle se sentait toujours bien, chaque jour qu'elle passait à y travailler. c'était sa vie, sa passion. pas le droit. elle, elle avait refusé de devenir avocate, comme son père avant elle, et des générations encore avant lui. elle faisait ce qu'elle aimait. comme en se tenant loin des affaires familiales. comme en refusant d'être une abelli. mais si tout se passait selon ses attentes, elle n'en serait plus une très longtemps. il lui avait téléphoné, à peine plus tôt dans la journée. elle fit rebondir l'écrin entre ses doigts. le troisième rendez-vous où elle ferait sa tentative - mais cette fois-ci, elle n'allait pas se dégonfler. elle esquissa un sourire attendri en ouvrant la petite boîte et effleura l'anneau d'or de ses doigts. et sursauta en entendant la voix sérieuse de son père dans son dos. "il faut qu'on parle. tu as des problèmes. ils ont mis un contrat sur ta tête. tu n'es plus en sécurité ici. il faut que tu partes. définitivement."

only know you love them when you let them go › la nouvelle était partout dans la presse. l'héritière abelli, fauchée par un accident de voiture, en pleine tempête, en pleine jeunesse. sa voiture avait basculé d'un pont, dans l'hudson river, d'après ce que disaient les rumeurs. dans l'eau glaciale de janvier. on l'avait prétendument repêchée, frigorifiée, déjà à moitié morte. on n'avait pas pu la ranimer. elle était morte, une main dans celle de celui qu'elle avait eu l'intention de demander en mariage, l'autre dans celle de son frère, son meilleur ami à côté, et ses parents autour. c'est ce que les médias avaient dit. c'était incroyable, les merveilles que la science était capable de faire. incroyable aussi, le pouvoir de l'argent et de menaces sur un médecin et quelques contacts bien placés - qui, étonnamment, ne tarderaient pas à disparaître dans des circonstances tout à fait naturelles. une injection, et son coeur avait (temporairement) cessé de battre. ça, c'était pour la face du monde, pour les médias, pour ceux qui la traquaient - et pour lui, qui était le seul, dans la chambre, à ignorer la vérité. qu'elle n'était pas vraiment morte. qu'on faisait ça pour lui sauver la vie. qu'on ne cherchait pas à assassiner quelqu'un qui était déjà mort (ou alors, c'était qu'on était particulièrement stupide). c'était la seule chose à laquelle elle était capable de penser, en montant dans l'avion privé qui devait l'emmener en arabie saoudite. ça valait mieux pour eux tous. pour ammiel, aussi, qui ignorait tout de son véritable plan. elle allait transformer sa vraie fausse mort en fausse vraie mort. elle recommençait à zéro. si elle devait partir, alors autant que ce soit pour de bon. elle ne donnerait pas de nouvelles. elle partirait ailleurs, quitterait l'arabie saoudite en couvrant ses traces - les états-unis, peut-être. elle prendrait un nouveau nom. elle les laisserait tous croire à sa mort - tous. sauf son frère, qui avait décidé de la couvrir. elle vit dans son regard décidé et éloquent qu'il était toujours partant, qu'il ne la trahirait pas. regarder ammiel lui déchirait le coeur, et lorsqu'elle le serra dans ses bras, la gorge serrée, tout ce qu'elle parvint à dire, c'est "je suis désolée." il ne pouvait pas comprendre, ne comprendrait probablement jamais. alors elle s'avança dans le jet, et, sans un regard en arrière, dit adieu à lena abelli, laissent place a lena rhodes.

loosing your memory now › sa tête lui faisait horriblement mal. la lumière trop blanche lui agressait les yeux. ça sentait l'hôptal -une odeur familière, qu'elle connaissait si bien. elle crispa les doigts sur les draps crissants, et le bip-bip de son moniteur s'accéléra. lorsqu'elle réussit enfin à faire le point, paniquée, sur le visage chaleureux en face d'elle, ce fut pour se retrouver face à une infirmière cinquantenaire. est-ce que tout va bien? vous savez qui vous êtes? bien sûr qu'elle savait qui elle était. elle était lena rhodes-abelli. l'une des multiples princesses de los-angeles. où elle était inévitablement, malgré l'accent à couper au couteau de la femme. "où suis-je? ce n'est pas le mount sinai hospital." la femme fronça les sourcils, visiblement inquiète - ce qui la paniqua encore plus. "vous êtes sûre que tout va bien? vous n'êtes pas en suéde. vous êtes à new-york. vous avez eu un accident. vous vous êtes cogné la tête assez fort." son pouls accéléra, alors qu'elle parcourait sa mémoire, avec une panique grandissante, alors que la vérité s'imposait à elle.
je.
ne.
me.
souviens.
de.
rien.