FAKE NEVER FELT SO REAL.

Elle fait glisser son doigt le long du meuble de l'entrée, un verre de vin dans sa main libre. L'appartement est petit, modestement meublé, il y a son ordinateur qui trône sur la table de la cuisine, la barre de progression sur l'écran, il y a son arme, planquée sous le tiroir de la salle de bain, et la deuxième, sous l'oreiller du lit défait. Sa plaque, qu'elle n'a pas touchée depuis plus d'un an maintenant, au fond d'un placard, introuvable. Elle plisse les paupières, soupire, attend. Elle devient cinglée, dans cet espace réduit, qu'elle retrouve presque chaque soir, dans lequel elle attend les coups de fils, les instructions qu'elle redoute parfois. Elle siffle le fond de son verre, le pose sur le meuble, se masse les tempes quelques secondes. Et puis dans un mouvement presque trop brusque, elle s'assoit devant son écran, pince les lèvres, attend encore, un peu. Le transfert se termine, elle serre les mâchoires. L'enquête avance, trop lentement au goût du grand patron, elle sait qu'elle risque beaucoup, à s'attarder sur trop de choses. Elle ferme l'ordinateur, le range soigneusement, vérifie que tout est en ordre, impeccable bordel dans lequel il serait impossible de mettre la main sur les affaires d'Olivia, même si on les cherchait.

Elle est douée, dans ce rôle de barmaid souriante et sûre d'elle, le regard en coin, les verres servis à la vitesse de l'éclair. Elle attire les clients, elle discute, elle ment avec une facilité qui l'étonne parfois. C'est trop simple, de passer d'Olivia à Selene. L'inverse l'est beaucoup moins. Elle fait glisser le verre sur le bois du bar, jusqu'à une cliente en robe trop moulante. Un clin d’œil, un sourire, et son regarde se porte sur les alentours. Les silhouettes, celles qu'elle connaît, parce qu'habituées des lieux, les nouvelles, les étranges, celles qu'elle doit surveiller. Ses gestes mécaniques, presque des réflexes, à force de trop faire semblant, elle en finit par ne plus faire semblant. Il y a Sven, dans un coin de la boîte. Et elle entend la voix du boss, dans son crâne, suspicieuse, la réprimander lorsqu'elle appelle la cible par son simple prénom lors de ses rapports, de moins en moins fréquents, parce qu'elle s'attarde, Selene, Olivia, elle prend le temps, trop de temps. Et plus elle attend, plus l'agent Shaw se prend au jeu des faux-semblants.