La chambre est spacieuse.
C'est étouffant.Je me noie dans chaque espace vide,
Je me perds dans chaque espace libre.
Entre mes souvenirs, il y a tout autant de néant.
Mes yeux se posent sur chaque objet, curieusement.
Du blanc, du blanc ... Partout, encore, toujours. Et un peu de bleu, de temps en temps. C'est à se demander si je suis réellement sorti de l'hôpital ou si mon esprit ne commence pas à me jouer des tours.
Il n'y a rien dans cette chambre.
Pas d'albums photos, pas de cadres. Pas de bricoles, de babioles, d'artefacts, de vie. Ici, c'est aussi stérile et impersonnel que dans ma tête.
Je ne me sens plus accueilli.Je roule ma chaise
lentementvers l'avantpour m'avancer vers le lit.Je me retourne rapidement afin de constater qu'il est déjà reparti. De nouveau, me voilà seul, face à mes démons. Face à ce lit, également, trop grand, encore une fois.
Lit double. Je vais avoir froid, toute la nuit.
Un corps qui tremblent
Des dents qui claquent
La peur au ventre
Seul ici
Toute la journée
Toute la nuit
Seul au monde
Seul contre tout
Seul
cruellement seul.
Ton visage et tes traits bienveillants se dessinent dans mes songes. Je vois tes belles lèvres rouges et tes yeux intenses. Je vois la façon dont tu me regardes lorsque tu crois que je ne te vois pas. Je sens tes iris perçants contre ma peau pâle. Tes pensées, qui suivent chacun de mes mouvements. Chaque instant, j'occupe tes pensées. Chaque instant, tu occupes les miennes.
J'ai le coeur léger et de la chaleur en moi. Il ne fait jamais froid lorsque je suis avec toi. Tu me donnes les ailes qu'il me faut pour voler ; j'en oublie cette chaise roulante dès que tu es près. Tu me répares, tu me construis. Tu me complètes. Tu es la clé au "qui je suis".Un coup de pression sur les paumes, une tentative vaine pour sortir d'ici.
Ma chaise est ma prison,
Ma prison, une chaise.
Mobile immobile
Mes lacunes sont comblées
Par un vulgaire objet.
Deuxième tentative, nouvelle pression.Il y a le désir de m'élever,
Celui de m'envoler.
Il y a le besoin de me lever,
Celui de marcher.
Il y a la fatigue qui s'éprend de moi,
M'assommant à chaque nouveau lancer de dés.
Il y a le sommeil qui m'appelle,
J'ai envie de m'allonger.Mon corps se lève, lentement, avant de retomber.Toujours pas.Tentative
#3,
Je change d'approche, cette fois.
C'est au lit que je m'accroche,
Contre lui que je pose mes mains.
Mes bras tendus tremblent sous mon poids.
Mon bassin se lève doucement et j'essaie de poser mes pieds contre le sol.
Ça semble marcher, pour le moment.
Je me laisse tomber sur le lit.
Je m'installe, face au plafond.
Puis, je bouge mes orteils.Lorsqu'ils dansent, j'ai l'impression de retrouver une partie de moi. Ce corps qui m'appartenait, puis qui ne m'appartenait plus ... J'en reprends le contrôle, en dépit de tout. J'en refais mon affaire, je m'en ré-approprie les sens. Je cherche à retrouver la mobilité qui définissait ma liberté.
Puis, je regarde le plafond, encore une fois.
Mes yeux se figent face à cette paroi froid
Mes yeux s'arrêtent sur cette étendue lisse
Mon âme se heurte à cette paroi maladive
L'hôpital
Encore une fois, j'y suis.
Tout m'y ramène, malgré moi.
Pourquoi m'as-tu enfermé ici ?
Qu'est-ce que je t'ai fait ?
Que m'est-il arrivé ?
Parfois, je revois la fameuse nuit.
Des éclats, des bribes,
Comme un reflet dans un miroir brisé.
Je revois mon visage,
Le sang que j'ai craché.
L'obscurité, le noir de la nuit.
Lui, je ne le revois pas.Il m'a tout volé,
Tout brisé,
Tout détruit.
Mon visage, contre la roche,
Mes côtes, fracturées.
Mon esprit, fracassé.
Assommé par sa haine, je me suis éteint.
Mon esprit continue d'errer.
Je repense à l'hôpital,
Aux visages, aux gens.
Mais qui sont-ils, réellement ?
Que me voulaient-ils, essentiellement ?
Se connait-on, en réalité ?
Qui sont-ils, tous ces étranges gens ?
Une heure passe.
Ou alors une minute.
Je ne sais pas je ne sais plus je suis perdu il n'y a plus de temps plus de temps le temps trop lent le temps perdu à la recherche du temps perdu lent lent lent vite vite lent vite vite trop rapide trop bruyant trop clair trop lumineux pas assez pas assez pas assez de lumière et d'ombre et trop noir et trop froid et trop chaud et pas assez et tout le temps trop et jamais assez et lent lent lent cerf-volant cerveau lent lent lent mon âme lent lent lent perdu perdu nuage océan pensées emporte brise emporte moi vent vent vent perdu.
Il n'y a plus de temps dans l'automatisme de la machine qui se perd contre le froid de la nuit du soleil couché perdu perché volé envolé et envole toi jusqu'à chez moi et emporte moi partout avec toi et frôlons le ciel et touchons les nuages prenons en entre nos mains croquons dedans à pleines dents envolons nous vers de nouveaux horizons baignons nous dans le sillage des étoiles filantes découvrons l'univers au-delà de nos océans ces deux corps faits pour s'unir tendrement
madox
Le renard fou, de moi, de toi, fou à lier.
La porte s'ouvre violemment pour révéler ton visage et je me redresse en sursaut. Mon sauveur, venu me rejoindre. Il n'y a pas de doute quant au fait que je te sois inférieur : cela se perçoit dans chacun de tes mouvements. Mes yeux se posent sur toi et j'attends, en silence. Je ne veux pas parler si tu ne m'en donnes pas l'autorisation.