Afghanistan, 2010

Le vent de l'hiver soufflait dans les rues de Kaboul quand un homme entra dans le café ce jour là. Il se fondait dans la masse, perdu au milieu de ces centaines d'afghans. Qu'est-ce qu'il faisait là ? Il ne savait plus bien. Est-ce qu'il en avait vraiment envie ou est-ce qu'il y était contraint... ? Est-ce qu'il allait reculer maintenant ? Un garçon de café, tout pimpant et guilleret s'adressa à lui en anglais « do you want something to drink? , l'homme ne comprenait pas cette langue mais il secoua la tête. Il ne parlait pas un traître mot d'anglais. Le mec venait sûrement de lui demander ce qu'il voulait boire. Ce café était l'un des seuls qui tenait encore debout après le début de la guerre contre les américains, il était fréquenté majoritairement par des étrangers, soldats entre autres. Pas très correct dans un café de s'installer sans consommer mais il n'adressa pas un mot au larbin. Le serveur fit demi-tour, tandis que l'homme tapotait nerveusement des doigts sur la table et triturait le menu. Est-ce que c'était vraiment cela qu'il devait faire ? L'homme transpirait à grosses gouttes. Il glissait sa main dans le pans intérieur de sa veste. Il regardait autour de lui si quelqu'un l'observait, personne. Personne ne faisait attention à lui, tous riaient, buvaient, ils avaient l'air si bien. Il allait anéantir la dernière once de joie qui existait dans ce pays. Toutes ces personnes autour de lui, difficile de croire que dans un instant il ne les verrait plus... car il ne serait plus que sang et os. Tout semblait si vivant...  Il caressa le bouton de la pulpe de son pouce. C'était son devoir. Punir l'ennemi, l'envahisseur comme disait son maître à penser. « ALLAH AKBAR ».

Des sirènes de police, d'ambulance, les alarmes assourdissantes d'une ville en sang.
Le spectacle était terrifiant. Des corps inanimés sur le sol, en sang, brûlés, les os parfois dispersés par la violence de la déflagration, des morceaux de bras, de jambes sans leur propriétaires, des corps cachés sous des pierres. Le sang se mélange à la terre. Une épaisse fumée due à l'écroulement du bâtiment. Une jeune femme entrouvre les yeux aussi bien que possible. Elle essuie la poussière qui recouvre ses paupières pour dégager sa vue. Assourdie. Elle se lève, titubant légèrement et s'appuyant sur un reste de table elle regarde l'horizon. Un docteur se jette immédiatement sur elle pour lui dire de ne pas bouger. Il examine ses pupilles, sa tension, son pouls et convient que son cas n'est pas une urgence mais qu'il  faudra aller à l'hôpital faire soigner sa large plaie au niveau de la clavicule. A nouveau seule, elle enjambe les corps, les pierres, les gravats avec terreur. Sur le sol à plusieurs mètres de l'endroit où elle était, elle retrouve le sac à main qu'elle tenait juste avant l'explosion. Elle le replace sur son épaule, le regard vague, les bras ballants et les mains tremblantes. Comment peut on passer de la vie à la mort d'un claquement de doigts … ? C'était malheureusement la réalité ici. La vie tenait à une envie de boire un café. Titubant toujours, elle demande aux équipes médicales si elle peut aider mais on lui répond de rentrer chez elle retrouver sa famille et de remercier Dieu de l'avoir gardé en vie.

Le haut couvert de sang, elle poussa la porte du petit hôtel où séjournaient ses parents, des politiques très bien placés présents pour motiver les troupes. Alex ne regarda personne et fonça jusqu'à leur chambre, elle se planta au miieu du salon et alluma la télévision pour regarder les informations. « Derek, tu as entendu y'a eu un attentat au café du quartier ! » s’époumonait une femme de l'autre côté de la chambre d'hôtel. Des bruits de pas se firent plus forts alors que sa mère approchait d'elle : « Alex ! Tu as entendu ce café où tu es toujours fourrée, il y a encore un att... MA FILLE ! » elle se jeta littéralement sur elle. Il ne fallait pas être très fin pour faire le rapprochement : les cheveux pleins de poussière, les bras constellés de petites coupures, son haut déchiré et ensanglanté. « Mais qu'est-ce qui s'est passé, Alex, tu vas bien?? il faut aller à l'hôpital regarde moi ça, ça saigne ! ». Les yeux rivés sur les informations, Alex regardait avec l'air absent le compteur de morts s'alourdir. « Quand même, un café, tu te rends compte, un café ! Qu'ils aillent au diable! Voilà ce qu'ils méritent. Tu te rends compte? Des innocents, des pauvres gens qui veulent boire un café … ».
La mère inquiète s'assit sur le canapé et bientôt Alex la rejoint même si les informations n'allaient sûrement pas leur apprendre  grand chose. L'identité du terroriste, le nom de ses enfoirés de complices.


Los Angeles, 2015

« Je peux vous aider ? » Bibliothèque de la faculté de UCLA. « Alexis Marshall ? »« Elle-même. » « Monsieur Davis, j'aurais quelques questions à vous poser : l'attentat au café Amerton à Kaboul en 2010 vous y étiez n'est-ce pas ? » « J'y étais. » « Comment c'était ? » « Le spectacle le plus terrifiant que j'ai jamais vu de ma vie. » «  Si seulement quelqu'un avait pu empêcher ce massacre... » « Comme vous dites... » Alex continua à ranger silencieusement les livres qu'elle avait emprunté à la bibliothèque. « Et si ce quelqu'un c'était vous ? » La jeune femme leva la tête l'air désabusé « On ne peut pas revenir dans le passé monsieur... comment déjà? » « Davis. » « On ne peut pas revenir dans le passé monsieur Davis, j'aimerais pouvoir effacer ces images de ma tête, mais elles resteront gravées à jamais en moi. » « On ne peut certes pas retourner dans le passé, mais on peut agir sur le futur, miss Marshall... ». Un silence pesant s'installa. « Je ne suis pas sûre de vous comprendre. » « Ca par exemple... Votre père ne vous a parlé de rien? ». L'étudiante écarquilla légèrement les yeux : « Qu'est-ce que mon père vient faire là-dedans? » « C'est lui qui m'envoie vous convaincre, miss Marshall. » « Mais vous êtes qui … ? » « Agent Davis, attaché au bureau fédéral d'investigation des Etats-Unis. » « Je ne vois pas ce que je peux faire pour vous. » répliqua-t-elle sèchement. « Je refuse de vous croire. » « Et pourtant vous devriez. » «  Vous mentez. » La jeune femme lâcha le livre qu'elle tenait en main sur le sol. « Je ne mens pas. » « Vous mentez. » « Très bien, on va jouer à ça longtemps? Parce que j'ai du travail. ». L'agent s'assit autour d'une table libre avoisinante. « J'ai tout mon temps. » « Qu'est-ce que vous me voulez ? » « Je vous veux VOUS, c'est différent. » Alex se retourna en ramassant le livre tombé. « Excusez moi ? Je crois que vous outrepassez les limites de vos fonctions. » « Au FBI, je vous veux. ». Son sourcil se souleva. « Vous avez des motivations à arrêter le terrorisme qui surpassent celles de tout américain. » « C'est.. » « C'est la vérité, miss Marshall. Vous connaissez l'horreur, vous ne voulez pas éviter à d'autres de subir cela ? » « Je ne suis pas capable de faire ça. » « Bien sur que si, plus fort que n'importe quelle personne, parce que vous avez votre volonté avec vous... » La jeune femme se laisse glisser mollement le dos contre le dossier de la chaise. « Qu'est-ce que je dois faire ? » « Inscrivez-vous au programme de formation du FBI. Votre père pense que vous seriez un excellent élément ... Vous êtes en très bonne condition physique, vous êtes intelligente, vous aimez votre pays. Tentez votre chance. » « Vous savez comme moi qu'en ayant un père comme le mien, il me suffirait de postuler pour être sélectionnée. Je ne veux pas de ça. » « Allons, vous n'allez pas chipoter ... Oui, vous êtes la fille de Derek Marshall? Et alors? Des milliers d'américains rêvent d'intégrer la base de Quantico et devenir agent...  Alors saisissez votre chance. » « Et j'y gagne quoi dans tout ça? » « Pour vous guérir le monde n'est pas suffisant ? ».


Quantico, 2017.

« Félicitations pour votre affectation, je suis sûr que vous ferez d'excellents agents, alors rendez-nous fiers de vous avoir enseigné tout cela et, surtout, rendez fier votre pays.  ».

Les embrassades, câlins et autres "au revoir" prononcés, tous les futurs agents quittèrent avec émotion la base de Quantico où ils avaient appris pendant de longues semaines les enseignements du FBI. Chacun partit pour sa destination, là où il avait été affecté pour les 2 prochaines années afin de se former sur le terrain. Et la suite, tu la connais Rattata.

« Ceci est un message de votre commandant de bord, nous venons d'atterrir à Los Angeles dans 10 minutes, la température extérieure est de 37 degrés et il est 13H43. Nous vous souhaitons un agréable séjour et vous remercions d'avoir choisi Americain Airlines pour votre vol. ».