Lucy in the sky with diamonds

La musique résonnait dans ses tympans comme si son existence entière était rythmée par les Beatles. Un casque bleu nuit était vissé à ses oreilles, auréolé par l’énorme masse de ses boucles. On pouvait aisément deviner que l’hiver approchait en décryptant le style de Lysander. En véritable anglais coquet, il s’adaptait toujours à la situation et par conséquent au temps. L’épaisseur de ses cheveux était inversement proportionnelle à la baisse des températures et il avait enfin pu ressortir ses bottines de suédine qui lui tenaient si chaud. Le climat n’avait rien à voir avec Liverpool, où dépassait rarement le 0°C dès la date fatidique de l’hiver passée, mais il sentait tout de même la brise légèrement plus fraiche si typique des côtes de Los Angeles. Il ne se débarrassait plus de son cuir vieux d’une décennie et il prenait plaisir à se promener dans la rue sans craindre de mourir de chaud. Il aimait l’automne en fait ou peut-être c’était son Angleterre qui lui manquait. Alors il avait décidé de passer la journée dehors, loin de son studio et de ses heures de travail éreintantes. Pour une fois, il avait laissé sa guitare chez lui et il se délectait du paysage américain avec le King dans les oreilles. Il n’avait envie de parler à personne, il ne ressentait pas le besoin de communiquer avec l’extérieur. Même s’il était dans sa bulle, il remarquait les regards posés sur lui, les œillades admiratives alors qu’on commençait à le reconnaître. Si un badaud s’était risqué à l’aborder, il s’était certainement pris un vent monumental. Oui, Lys faisait la diva et quand il avait décidé que personne n’existait, alors le reste du monde pouvait exploser, il ne le saurait même pas. Il avançait simplement au hasard, remuant parfois la tête ou le bassin au rythme des chansons. Il se croyait presque dans un clip mais ça, personne n’était en mesure de le lui reprocher.

Lys tourna au hasard au détour d’une rue, se réjouissant des possibilités qu’offraient les quartiers quadrillés des États-Unis. A Liverpool, il aurait rapidement fait de revenir à son point de départ ou d’être forcé de suivre une longue rue étroite qui ne proposait aucune alternative. Ici, on était plus libre, c’était ce dont il essayait de se convaincre lors de journées comme celle-ci. Il évitait habilement les silhouettes, rentrait dans les épaules des moins chanceuses et ce, sans jamais stopper sa marche. Il était dans son monde, bercé par les plus belles voix de la musique britannique jusqu’à ce qu’une voix tierce ne vienne s’immiscer. D’abord, il crut à une interférence, parce qu’elle ne fut là que l’espace de quelques secondes. Mais il s’arrêta net. Il recula de quelques pas, sans se préoccuper des autres, et la voix s’éleva de nouveau par-dessus Lucy in the Sky with Diamonds. Et elle était belle. La voix était belle, bien que la mélodie n’avait rien à voir. Tout en fronçant les sourcils, il écarta l’écouteur gauche en arrière avant de tourner son attention du même côté. A quelques centimètres de lui, une jeune femme passait devant lui en chantonnant un hit on ne peut plus commercial de Shakira. Mais malgré la médiocrité du morceau, l’inconnue avait une voix divine. Une fois de plus, Lysander n’écoutait que son propre instinct et envoya balader les conventions. Il la rattrapa en quelques pas et attrapa son bras pour la retenir. « Excuse-moi. » Elle avait l’air d’avoir son âge alors le vouvoiement ne lui paraissait pas utile. « Tu peux recommencer ce que tu chantais ? » Autant mettre les pieds dans le plat. Le temps était trop précieux pour qu’on le perde. « T’es chanteuse ? »

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