Être gérant de son propre magasin, c'était avoir à faire à des clients pas forcément les plus agréables, ou parfois pas content. J'avais eu le retour d'un client aujourd'hui qui se plaignait de quelques uns de mes gâteaux spéciaux. Je lui explique la situation, je fini par faire un geste commercial et perdre du chiffre d'affaire en conséquence. La journée n'avait clairement pas bien commencé. Une des serveuses était en retard et au vu de mon humeur, cette même serveuse finira par être renvoyé sans l'ombre d'un doute ni même une once de regret ou de remord. Les gens en retard n'ont pas leur place dans mon monde. Les mauvais fournisseurs aussi, d'ailleurs. J'attends un moment calme dans la journée à la boutique pour aller jusqu'à chez mon voisin de commerce, remontée. J'arrive jusque lui, et même si d'habitude je t'apprécie, on joue pas avec la vie de mon commerce et ma réputation. "Tu t'moque de moi ?" je survis comme je peux avec ma boutique, n'essaie pas de me couler. "T'a pissé dans la came que tu m'a r'filé ? J'ai un client qu'est venu s'en plaindre, tu m'expliques ?" j'ai jamais eu de problème avant ça, alors ce n'est pas ma recette qu'est mauvaise. Le problème vient d'ailleurs.  

Bon, allez... elle prend sa plante, la mamie ? Et comment elle fait pour tenir, debout, même ? Vous devriez voir ses mains, elles tremblent tellement qu'on dirait qu'elle a Parkinson ! Je peux pas la laisser comme ça, elle va tout lâcher par terre ! « Attendez, je vais vous aider... »  Les petits vieux, ils me font sérieusement de la peine, même si je les trouve souvent plus choux que les enfants (bon, pas ceux qui me tapaient la discussion pendant une heure, alors que je devais travailler,  mais de manière générale, oui, j'aimais bien écouter leurs histoires). Allez, je sors de derrière mon comptoir, je prends le pot et je le pose de moi-même au fond du cabas de la cliente qui me gratifia alors d'un gentil « merci, mademoiselle ». C'est... pas grave, allez, j'ai presque l'habitude. MAIS EXCUSE MOI DE VENIR D'UN PAYS OÙ ON A 60% DE CHANCES DE RESSEMBLER A UNE NANA A LA NAISSANCE, HEIN, LA VIEILLE. Les seuls vrais avantages que j'ai trouvé à ma situation, c'est de ne pas avoir à m'embêter avec un rasoir tous les matins et de ne pas paraître trop intimidant auprès des gens. Sinon... ? Ben... quand t'es pas gay ou que tu fais pas de cosplay, j'vois pas en quoi c'est cool de ressembler à un personnage de manga.

Anyway, je choisis de ne pas relever la remarque de la cliente et la laissais s'en aller, avant de soupirer de dépit en baissant la tête et les épaules. Allez, mettons un peu de musique, ça fera passer le temps. Radio allumée, Katy Perry dans la place, je repris alors ce que j'étais en train de faire tout en me dandinant sur place, comme si l'incident d'il y a deux minutes n'était jamais arrivé. Mais... il paraît qu'une mauvaise expérience arrivait rarement seule et pour le coup, ce fut a la furie blonde qui entra dans la boutique de me mettre un coup sur le nez. "Tu t'moque de moi ?" « Hé ? » Je clignais des yeux, lèvres entrouvertes. "T'a pissé dans la came que tu m'a r'filé ? J'ai un client qu'est venu s'en plaindre, tu m'expliques ?" Mais, oui, vas-y, crie-le encore plus fort, Dee, histoire que tout le monde t'entende, au cas où quelqu'un se trouve à proximité. « Il t'a dit quoi, exactement ? Qu'il aimait pas ? » Je pris mon air fier de Beyonce et posais aussitôt une main sur ma hanche en arquant un sourcil. « Tu sais le nombre de personnes qui font exprès d'emmerder en tapant des scandales, juste pour pas payer ? » Et si c'était un gâteau « spécial », forcément qu'il avait sans doutes coûté plus cher que la moyenne. Selon moi, elle prenait de gros risques, à proposer ce genre de pâtisseries... mais bon. J'avais accepté de fournir, alors j'allais pas lui faire la morale.

Je l'aimais bien ce petit chinois à côté de moi. Coréen ? Peut-être Thaïlandais ? Hm un japonais aussi peut-être... Ouais, bref, l'asiatique. D'accord, Kit, ce serait plus simple. J'aimais son accent quand il me parlait, j'aimais le taquiner à faire comme si je ne comprenais pas ce qu'il me disait parfois et qu'il se mettait à répéter dix fois la même phrase essayant d'articuler un peu mieux au fur et à mesure de ses phrases. Ça me faisait rire et certains matins j'amenais quelques cupcakes et cookies avec du café ou du chocolat (on avait le meilleur chocolat de la ville, sans me vanter) et on déjeunais ensemble. Sauf que quand il s'agissait du travail, je rigolais un peu moins. Beaucoup moins. Je sais que je suis jeune et que j'ai de la chance d'avoir ma boutique. Ce n'est pas quelque chose que j'ai envie de perdre en partie parce que c'est tout ce que j'ai, alors je tiens à mes clients et à mes fournisseurs et je tiens à faire de la qualité. La fidélité d'un client, c'est ce qu'il existe le mieux au monde.  « Il t'a dit quoi, exactement ? Qu'il aimait pas ? » T'aurais pas envie d'entendre ce qu'il m'a dit, je t'assure. « Tu sais le nombre de personnes qui font exprès d'emmerder en tapant des scandales, juste pour pas payer ? » hoche la tête, "J'sais ouais j'le sais." tu vas rien m'apprendre, "mais les deux dernières commandes qu'il a faites ont été très bien et il a jamais rien dis avant." pince ses lèvres, "et là comme par hasard j'prends chez toi et quelque chose va pas. J'risque un gros client Kit tu t'rends pas compte." ce type a clairement fait mon mois question dépenses. Je soupire et frotte mon visage, c'est un problème qu'on a ensemble pour ce coup.