Tu n'as pas d'affaires personnelles, pas ici en tout cas. Tu n'as quasi rien emmené de Washington, tu es partie tellement vite, sans prendre le temps de penser à quoi emmener avec toi, sans même te retourner. Une décision prise, pas de doute possible, sinon c'est fini. Sinon tu es finie. Tu l'es déjà un peu, dans le fond. Tu n'as plus rien. Ni famille, ni amis, ni projet. Tu es simplement là, dans ce couvent, à te laisser vivre. Tu pries, tu manges avec les soeurs, tu travailles comme elle, tu assistes aux messes, tu fais du bénévolat. Tes journées passent rapidement, la plupart du temps. Tu t'éclipses aussi souvent pour découvrir la ville. Des fois accompagnées d'autres soeurs, des fois seules. Tu mènes ton petit bout de chemin, en essayant de trouver une solution, en laissant le temps tasser les choses. Ta carrière politique est terminée avant même d'avoir commencée. C'est le lot de beaucoup de personnes, mais tu ne penserais pas qu'il en serait tel pour toi. Tu prends chaque jour pas à pas, sans te brusquer, mais sans t'enfermer dans une prison de cristal pour autant. Tu veux découvrir, c'est tout ce que tu as à faire pour le moment. Assise, debout. La messe du dimanche, celle où il y a le plus de monde. Des visages inconnus, mais aussi des visages que tu commences à reconnaître. Des habitués, des curieux. Ceux qui croient, ceux qui veulent croire, et ceux qui se retrouvent là, emportés par les choses, sans comprendre pourquoi ni comment. Presque comme toi. La messe se termine. Tu fais la conversation à quelques fidèles. On te parle de Dieu, on te parle de la Bible, mais on te parle aussi d'actualité. Tu ne t'informes plus vraiment. T'as envie pourtant, de savoir tout ce qu'il passe, comme avant, mais tu dois t'occuper de toi avant de vouloir sauver le monde; Ton regard se bloque sur une jeune femme, au loin, une silhouette que tu commences à reconnaître, qui t'électrise presque à chaque fois. La foule se disperse peu à peu. Tu marches, sortant de l'église pour profiter du soleil qui tape encore sur ta peau. Tu viens du nord, t'as pas l'habitude d'avoir autant de lumière. La silhouette, encore. La femme, encore. Tu te retournes, comme pour vérifier tes arrières, et tu t'approches, peu à peu, comme si tu approchais un animal mystérieux, sauvage. "La messe vous a plu ? Ca fait quelques fois que je vous aperçois, si je ne me trompe pas." Tu demandes alors, curieuse, intriguée. Nouveau regard.