Qui sait qui je suis ? Je ne sais pas qui je suis. Qui suis-je ? Quoi qu'il en soit, je suis. Que sais-je de ce que je suis ? Pas grand chose, juste assez pour me donner l'infâme illusion de connaître ce reflet qui me fait face, qui représente de sa matière qui je suis, ce que je suis. C'est somatique, sensoriel, sensuel. Que se cache-t-il sous ce manteau de chair ? L'âme. L'âme ? Est-elle moi ? Est-elle en moi ? Est-elle gentille ? Est-elle vivante ? Est-ce qu'elle a mal ? N'est-elle pas trop serrée à l'intérieur ? Elle ne répond pas, elle est muette. Est-elle timide ? Elle ne livre qu'un vacarme silencieux. ❀ ❀ ❀
Des lettres, l'air qui vibre, qui s'écarte, se prélasse, s'enlace, se resserre, s'éparpille.
Oliver Penford. L'oreille qui se tend, l'attention qui se méprend. Ces ondes particulières entraînées dans un souffle chaud sont maîtresses de mon identité. Clés du coffre de chair. Voilà maintenant
31 ans que je me prête aux échos de mes dents qui claquent et font violence au vent glacé, les mains enfouies au fond de mes poches de velours devenues papier. Lorsque dans la douleur le sang coule, c'est le rêve
américain qui s'écoule, qui de mes artères se propulse toujours plus loin, ambitieux. Qui tâche ce sol sur le quel je marche, sur le quel je m'appuie dans l'espoir de voler un jour. Voler. Voleur. Je suis un voleur, un
travailleur de l'ombre. Un cambrioleur, un pickpocket, parfois dealer pourtant loin d'être consommateur. Je jouis de ces richesses qui passent de main en main, qui voyagent d'un pôle à un autre, qui connaissent le soleil puis la lune dans une même journée. Les tissus de la pègre constituent une seconde peau, ma seconde peau. Celle qui recouvre la première couche, un
réceptionniste banal, bancal. Elle est solide, impénétrable. Quand elle me couvre, je suis un tout autre homme qui rêve, qui se laisse bercer par le doux chant de la nuit, le silence. Un homme qui se dévêt de son passé, qui lâche or et fortune pour pain rassi et matelas usé. Un homme de
classe aisée qui se contente d'un confort qui ne mérite pas même ce nom. Qui vit des saisons, des déchets, des restes. Reste. La solitude est la seule à être restée, longuement, longtemps. Fidèle. Intemporelle. Elle aime, elle m'aime. Du matin au soir, elle me supporte, me tolère, me charme. Elle me veut à l'unité,
célibataire. C'est ainsi qu'elle me désire. Désirs, je le désire, je désire l'homme, ses courbes, son odeur, sa virilité.
Homosexuel. Je goûte l'homme, sa peau, sa température. Parfois, je goûte la femme. Sans état d'âme. Je la goûte, puis je goûte à ses biens. Bien, est-ce bien ? Je n'en sais rien. Ce qui est bien est bon ou ce qui est bon est bien. Ce qui est bon pour moi est bien, ce qui est bien pour moi est bon. Bien c'est bon, bon c'est bien. Bien, bien faire, faire bien. Je fais.