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 A little nonsense now and then | Michael

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Sujet: A little nonsense now and then | Michael   A little nonsense now and then | Michael EmptyJeu 1 Sep 2016 - 15:19


Schrik, schrik, schrik. Les pantoufles glissaient sur le parquet qu'elle abîmait un peu plus à chaque pas entrepris, l'inconscience et l'insouciance de celle qui ne portait que peu d'attention aux biens qu'elle possédait, aux patrimoines qui étaient siens et qu'elle pensait aisément remplaçables. Un soupir, un énième, elle perçait le mutisme de l'endroit dans un gémissement plaintif, celle qui ne voulait pas se lever, celle qui ne voulait pas retrouver la lassitude quotidienne qui forgeait ses habitudes esquintantes. Il n'était que cinq heures du matin et ses prunelles étaient déjà grandes ouvertes, deux abysses normalement éclaircies mais désormais ternies par le manque de sommeil qu'elle ne trouvait pas primordial de rattraper. Une main dans les cheveux, les phalanges se baladaient dans les nœuds qu'elle défaisait dans des gestes brutaux et vifs, une grimace s'inscrivait à chaque fois sur ses traits tirés. La veille, ce fut encore un lit vide qui l'accueillit et ce n'était qu'avec un filet d'air qu'elle laissa échapper d'entre ses lippes qu'elle manifesta son agacement. Elle était pourtant accoutumée aux égarements de cet homme devenu son mari, de cet homme qui, quand elle était au plus bas, quand elle touchait péniblement et misérablement le fond du gouffre, l'avait prétendument sauvé. Elle avait cru voir une main l'aidant, une paume tendue vers son corps inanimé et pourtant plongé dans ses troubles les plus profonds, des tourmentes dont elle était elle-même la créatrice dès lors qu'elle avait tiré, dès lors qu'elle avait dérobé l'arme aux charges de plomb et que ses pensées s'étaient assombries pour ne laisser que les barbaries prendre le contrôle. Harriet secouait la tête de droite à gauche comme si cela suffisait à chasser les pensées qui s'immisçaient dans son essence, plissa les paupières en fronçant les sourcils et décida de commencer cette nouvelle journée qui n'allait inéluctablement et fatalement pas se démarquer des précédentes. Ses manies matinales étaient bien là les seuls instants de la journée où elle se sentait un minimum apaisée et détendue. Elle craignait d'ores et déjà ce qui pouvait l'attendre quand elle se rendrait à l'Institut, tentait de masquer cette odeur répugnante, réminiscence d'un effluve fétide que les carcasses de chair marmoréennes et blêmes dégageaient.

Attrapant la poignée de la porte de verre, elle la poussa afin de passer l'embrasure et de se rendre dans ce bureau qui n'avait rien d'enviable. Peu osaient s'évader dans cet espace glaçant, saisissant les tripes de par cette atmosphère sensible, certains allant même jusqu'à la qualifier de sinistre et inquiétante. Ses épaules s'ornaient d'une blouse blanche et ses cheveux initialement lâchés et suivant les courbes de ses épaules, étaient désormais attachés en une queue de cheval faite dans la hâte. Los Angeles était une grande ville et chaque matin, c'était des corps qui s'empilaient, qui l'attendaient sur le métal et qui ne demandaient qu'à dévoiler leurs secrets qu'elle devait dénicher. Un manque d'effectif certain, Harri faisait du mieux qu'elle le pouvait avec ses deux seules mains, et parfois avec l'aide de son assistant, ou (mais dans de plus rares occasions) d'un comparse légiste. Munie de gants en latex, elle s'était approchée d'un des compartiments et l'avait ouvert. En faisant coulisser la planche argentée, elle avait d'abord noté le nom de l'individu immobile sur l'un de ses feuillets et avait placé le corps sur l'une des tables principales. Un soupir, encore. Elle avait déjà fait toutes les analyses possibles et inimaginables et pourtant, on lui avait demandé d'effectuer une autopsie supplémentaire. Elle savait que les résultats seraient les mêmes que les précédents, bien que peut-être insatisfaisants pour un parti ou l'autre, ces deux derniers essayant de gagner une affaire coûte que coûte. L'ivoire de l'épiderme maculé de marques bleutées et violacées, elle le contempla une énième fois ici et là, passant ses doigts sur les marques qui recouvraient les poignets et avants bras, sur les entailles plus ou moins profondes incrustées au niveau du buste. Les résultats étaient les mêmes qu'auparavant. Harri se demandait pourquoi elle devait perdre son temps pour un cadavre déjà observé alors que d'autres attendaient, que d'autres regorgeaient encore de mystères, points obscurs qu'il fallait découvrir avant que le temps n'altère les preuves et évidences. Sur le rapport, elle paraphrasa ce qui avait été dit dans le précédent rendu, enjoliva ses explications et interprétations. Peut-être ainsi seraient-ils comblés et ne lui demanderaient pas une ixième expertise, bien qu'elle avait conscience que l'un d'entre eux pouvait être exigeant. Voire trop intransigeant. Si bien qu'elle devait elle-même lui céder cette nouvelle investigation pour qu'il ne perde patience. Ou là était peut-être juste une stratégie, vile machination pour mêler le professionnel au privé. Elle posa les papiers sur son bureau, ancrant dans sa mémoire qu'elle devait aller lui rendre visite en fin de journée, quand elle aurait mis un terme aux autres rapports.

Et c'est ce qu'elle fit. Dix huit heures avaient sonné, elle avait accroché sa blouse sur le porte-manteau, enlevé ses gants, détaché ses cheveux et était redevenue la civile que l'on pouvait banalement croiser dans les allées. Elle était madame tout le monde et rien ne laissait à penser que sa profession pouvait être aussi glauque. Un sourire factice sur le faciès alors que de légers signes de tête elle saluait ses collègues en prenant le chemin de la sortie, elle avait la mâchoire serrée, forgée dans l'hypocrisie. Ils n'étaient pour elle que des marionnettes, des pantins articulés qui se laissaient diriger et piétiner sans retenue. A pied, elle marcha jusqu'à l'établissement où l'avocat avait établi son emprise et sa souveraineté. Harriet ne se souvenait pas de quand datait leur dernière collaboration et pour dire vrai, gardait assurément un goût amer des précédentes rencontres. Néanmoins, les on-dits et murmures parvenus jusqu'à ses oreilles avaient eu pour effet d'étirer le sourire opportuniste sur ses lèvres, comme une victoire lointaine qu'elle avait longuement espéré et qui, d'après ragots, était enfin arrivée. Devant la porte qui dissimulait le cabinet, elle frappa et ne prit pas le peine d'attendre une quelconque réponse, enfonçant la poignée jusqu'à pénétrer dans la pièce, dépassant ainsi les limites qu'on lui aurait imposé, prenant des aises dont elle n'avait pas fait usage depuis déjà quelques temps. « Le nouveau rapport. » Aucune autre marque de respect, une salutation qui se voulait amicale avec un sourire presque honnête décoché mais aucun autre mot prononcé, elle s'était simplement avancée en tendant sa paperasse.
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