"Shit happens..."

Que voulez-vous entendre ? Mon passé glorieux, je n'aime pas en parler. Que feriez-vous à ma place ? Raconteriez-vous tout ce qui vous est arrivé avec enthousiasme ? Je ne le pense pas, alors essayez de me comprendre. A quoi bon cela vous sert-il de connaître ce que j’ai vécu, quand ce n’est pas intéressant. Je n’ai pas une vie que tous envient et rêvent d’avoir, bien au contraire. C’était bien moi qui espérait qu’un miracle améliorerait la situation. Pourtant, celui-ci n’arriva comme si le « Dieu » que mes grands-parents ne cessaient de prier, s’amusait de mes malheurs. Ou alors tout simplement, le Diable avait une emprise tellement forte sur moi que Dieu ne parvenait pas à me sauver. Moi, je n’ai pas réussi à le sauver. Mon ex. Mon premier amour. Mon tout. Pas Dieu, lui, je ne l’aime pas. Il n’existe pas de toute façon.
Oui, j’ai vécu l’amour. Le plus beau de tous, le premier, intense et si profond. Il était mon âme sœur, je le sentais, nous le sentions. Après le lycée, nous voulions même emménager ensemble. Après deux ans de relation, nous étions prêts à passer au stade supérieur et surtout, nous parlions déjà d’enfants et de mariages. Bon, fallait prendre en compte toute la drogue et l’alcool que nous ingérions, surtout lors de nos soirées entre potes. Nous n’avions pas toute notre tête et parfois, nous délirions beaucoup, pour nous rendre compte le lendemain que malgré tout, nous étions un minimum sérieux. Nous en avions vraiment envie. Jusqu’à ce jour fatidique, où nous étions en vacances au Loch Ness. Tous les deux, nous nous éloignions de nos amis pour passer du temps sur une plage de galet. Trop drogués, trop alcoolisés et le voilà qui plonge dans l’eau pour un bain de minuit. Sauf qu’il boit la tasse, perd pied et se retrouve dans un cercle vicieux. Je ne comprends rien, je suis mal et j’assiste impuissante à la scène.
Oui, il est mort. Fini. Depuis, je ne ressens plus rien. Pour personne. J’erre dans les rues, sans conviction qu’un jour, je pourrais à nouveau retomber amoureuse. J’ai fait une cure de désintoxication, ne voulant pas terminer comme lui. Ni comme mon père, d’ailleurs. Devenu alcoolique suite à l’abandon de ma mère de notre famille, il n’a jamais pu s’en sortir. Sa situation financière n’arrangeait pas les choses, non plus vu qu’il n’était qu’un pauvre paysan fermier qui peinait à vivre. Moi, j’ai eu de la chance – diraient certains – vu que j’ai vécu chez mes grands-parents maternels qui étaient de nobles riches. Mais très froids, intolérants et stricts aussi. Autant dire que cela ne me correspondait pas et que j’ai très vite fait ma rebelle bravant leur autorité, échappant à leur emprise et outrepassant leurs règles ou leurs punitions. C’est comme ça que je suis devenue une junkie, une mauvaise fréquentation.
Je les déteste, ils m’ont séparée de ma grand-mère paternelle que j’adorais plus que tout au monde. C’est elle qui s’occupait de moi à la place de ma mère et pour soulager mon père toujours ivre. Mais les services sociaux ont en décidé autrement à cause de ces grands-parents qui pensaient sauver ma vie en exigeant que je vive dans de bonnes conditions. Pourtant, ça se voyait qu’ils me haïssaient aussi. Après tout, j’étais le fruit d’un amour défendu, un amour rapide de vacances, et surtout, d’un imprévu. Et j’avais fait fuir leur fille adorée qui avait quitté le pays sans aucune nouvelle du jour au lendemain. Si cela se trouve, elle est juste morte. Kidnappée, tuée, violée. Je n’en sais rien. Mais je m’en fous. Maintenant, je suis aux Etats-Unis, loin de tout cela. Loin des histoires, loin de mon passé. Je me construis une nouvelle vie, dont je ne me plains pas et qui me rend suffisamment heureuse pour profiter.