Quand j'étais enfant, je croyais que le monde était miens et mes parents ne me disaient pas le contraire. Ils m'apprenaient qu'il pouvait l'être si je le souhaitais vraiment, que tous les rêves étaient réalisables si on s'en donnait la peine car le monde recèle de secrets qui n'attendent que d'être découverts, comme une énigme géante que l'on doit résoudre à chaque passage d'un point à l'autre de sa vie. Ils m'ont aussi appris que rien arrivait sans raison quand ils ont adoptés Matthew quand j'avais trois ans. Il avait déjà sept ans alors ils m'ont expliqués que c'était ce qu'ils devaient faire. Plus tard j'ai appris que ses parents avaient été assassinés et que mes parents et eux avaient été des amis très proches. Je ne leur en avais jamais voulu, bien au contraire, j'étais contente d'avoir un compagnon de jeu, un ami avec qui faire des bêtises mais les premiers mois, nous avons passés nos journées devant la télévision en silence, jusqu'à ce qu'il commence à me taquiner et à m'appeler Winnie l'Ourson car comme lui, j'étais maladroite et je mangeais tout le temps. Tout le temps. Je ne l'ai jamais mal pris, il n'avait pas totalement tord et puis j'étais contente d'être appelée comme mon héros. C'est quand il a commencé ses blagues que les choses ont commencées, qu'il commençait à m'emmener à l'école, qu'il me laissait traîner avec lui et son copain Flinch avec lequel nous embêtions nos voisins en imitant des motos, perchés sur nos vélos du matin jusqu'au soir et avec lequel on s'amusait à imiter les indiens, ou la dame Maggie qui nous criait toujours après quand nous avions le malheur d'écraser ses fleurs mais qui nous offrait le goûter à seize heures tapante en nous racontant l'histoire de la ville qu'elle trouvait fascinante. Matthew aussi, adorait écouter toutes ces histoires de combat pour les droits civiques, la création de la ville ou encore la guerre de sécession que sa famille avait connue. Ah, sa famille, à dame Maggie, avait vécue plein de choses ! Mais des trois, Matthew était le seul à pouvoir passer des heures à l'écouter tout en l'aidant dans diverses tâches. C'est qu'elle n'était plus toute jeune, cette dame.
  Chaque saison différait de la précédente. En était nous passions tout notre temps dehors à jouer dans notre rue, l'automne nous aidions nos parents à ramasser les feuilles mortes ce qui généralement finissait au restaurant pour nous récompenser, l'hiver nous étions le plus souvent à l'intérieur, il ne neigeait pas et faisait souvent plus de dix degrés mais on aimait rester avec nos parents à faire les activités qu'ils préparaient pour nous et au Printemps généralement nous allions chez ma tante qui revenait de ses vacances pour passer l'hiver au chaud. Bien-sûr, dans tout ça, l'école était inévitable. Je n'étais pas une mauvaise élève, je me débrouillais même pour toujours être au dessus de la moyenne et mes parents étaient intransigeants. Matthew n'avait pas besoin d'aide alors ils se concentraient sur moi, ce n'était pas une partie de plaisir, mais on s'en moque un peu, pas vrai ? Le point n'est pas mon manque d'intérêt pour l'école, mais ce que ça m'a apporté. Déjà, deux amis qui le sont encore à ce jour, mais j'y viendrai plus tard puis la mort de mes parents, survenus peu de temps avant mon entrée au collège. Mes parents étaient à mes yeux tout ce que la vie devait être ; douce, généreuse, comme un gros coussin moelleux sur lequel se reposer quand la fatigue survient, encourageante et toujours de ton côté. Ils étaient géniaux et  étaient nos repères à Matthew et moi. Ils n'étaient pas parfait et c'était ce qui les rendait si spéciaux. On discutait quand ils devaient nous disputer, ils admettaient leurs fautes et nous les expliquait, étaient patients et toujours ouverts d'esprit, même quand Matthew posait des questions sur ses parents ou sur des choses qui ne le concernaient pas toujours. Mes parents étaient avant-gardistes, toujours à féliciter les gens qui osaient agir et à encourager ceux qui avaient peur. Mais leur mort ne m'a pas posée problème comme elle l'aurait dû.

  Après la mort de nos parents, nous sommes allé vivre chez ma tante et elle a toujours dis que j'ai commencé à devenir con quand j'ai rencontré Tasha et Joshua. Elle n'avait pas tord, je suis vraiment partie loin. Tout a débuté quand au collège, nous avons commencé à passer nos journées ensemble, ma tante habitant au centre-ville, nous pouvions faire ce que nous voulions que nous étions toujours à seulement quelques minutes de sa maison. Nous avions donc à dispositions de quoi devenir de vrais petits diables. Tout a commencé quand, à l'âge de quatorze ans tandis que je devais dormir chez Tasha, nous avons finis à la soirée que son frère organisait avec des amis du lycée. L'odeur de drogue était forte, ils avaient tous de l'alcool à la main, la musique jouait à fond un air de rock que je n'ai pas retenu ; je sais juste que personne ne semblait y prêter attention et je les trouvais cool. J'ai perdu ma virginité ce soir là. C'était à chier. C'était avec un garçon qui s'appelait Ethan, et j'avoue avoir bu quelques verres avant de le suivre dans la chambre parentale afin qu'il enfile un préservatif avant que l'on commence pour finalement finir à peine quelques minutes plus tard. Je n'ai ressenti aucun plaisir, c'était fini aussitôt que ça avait commencé et même si je me sentais un peu différente par la suite, rien n'avait changé. J'étais toujours Mathilde, la collégienne qui a voulu se sentir grande pour la première fois de sa vie. Par la suite, Tasha et moi étions les habituées de ce genre de soirée, surtout quand c'était son frère qui les organisait ou quand nous étions invitées par des amis de ce dernier. Je devais à chaque fois redoubler d'ingéniosité pour ne pas me faire prendre, mais une fois vingt-et-une heure arrivé, ma tante allait se coucher pour garder un teint parfait. En tant que jeunes membres du groupes de fêtards auquel nous avions fini par appartenir, nous avions souvent l'occasion de faire de nouveaux tests. C'est ainsi que j'ai pu fumer mon premier joint, ce qui a donné suite à des petites fumettes après les cours dans un coin, voulant de nouveau ressentir cette légère sensation de bien-être même si ça ne durait jamais longtemps.
  J'ai eu ma première relation sexuelle avec une fille quelques mois plus tard, je finissais un énième verre quand elle est venue me demander si je voulais essayer quelque chose d'extra et de différent, je n'ai pas pu dire non, et autant vous dire que j'ai bien eu raison d'accepter. J'avais appris à découvrir mon corps par moi-même, je savais ce que je pouvais et devais faire pour me faire du bien, mais rien ne valait sa compagnie. Deux jours plus tard je suis revenue chez elle pour remettre ça et par la suite, nous nous retrouvions presque tous les jours pour nous envoyer en l'air. Je pensais être amoureuse et quand je lui en ai parlé, elle a sourit et m'a tendu une cigarette. Aujourd'hui je sais que ce n'était pas de l'amour, je sais que ce n'était qu'une simple recherche de plaisir, une simple quête identitaire. Elle est partit quelques semaines plus tard mais c'était loin d'être terminé pour moi.  Cette période m'a juste permis de découvrir que j'aimais les femmes et que j'aimais le sexe. Je menai ma petite vie en parallèle de mes études que j'assurai au mieux et de ma vie de famille qui se dégradait à une vitesse folle. Mon frère avait entrepris des recherches pour retrouver des membres de sa famille biologique pour savoir d'où exactement il venait et avait repris contact avec eux, ce fût l'une des pires périodes de ma vie, notre éloignement était d'autant plus douloureux que nous vivions sous le même toit, ce qui rendait notre cohabitation sensible jusqu'à ce qu'il participe à mes mensonges et couvre mes bêtises. Je n'avais pas une vie saine et il savait que si il ne pouvait pas me la faire quitter, il pouvait au moins m'aider à mieux la vivre. J'ai fais des expériences douteuses comme je vous l'ai déjà expliqué ; plan à trois, relation sexuelle en « public », conduite en état d'ivresse, mais je crois que la période que j'ai le moins compris ce fût celle des travaux d'intérêt général que j'ai dû faire suite à un incendie dans mon ancienne école, je ne l'ai pas lancé, mais j'étais présente et ça m'a coûté deux cent heures. Je les ai toutes subies dans un flou étrange. Je crois que c'est parce que dans le même temps, ma tante est décédée à son tour.
  Tout s'est enchaîné, je n'ai pas compris grand-chose, juste que mon frère et moi étions à présent et officiellement sans famille. Je venais d'avoir seize ans, je venais d'arriver au lycée et mon frère avait dû mettre ses études entre parenthèse afin de s'occuper de moi car malgré nos tensions nous savions que nous étions tout l'un pour l'autre. Je ne me suis pas calmé pour autant, je ne vais pas mentir et dire que cette période a été révélatrice pour moi car c'est faux, je me suis juste un peu calmé et j'ai juste appris à ne pas penser qu'à moi. J'essayais de garder un niveau raisonnable au lycée, j'essayais d'aider mon frère et j'ai même trouvé un petit travail dans une épicerie, ce n'était pas grand-chose, mais si je pouvais gagner de l'argent, je ne crachais pas sur les opportunités. A Montgomery, plus rien ne nous attendais alors pendant mes dernières années de lycée, nous avons organisé notre départ pour Los Angeles où il pourrait étudier la médecine et où je pourrai travailler pour essayer de construire ma vie. J'avais alors dix-neuf ans lorsque nous avons déposé bagages et une nouvelle vie s'est alors ouverte à moi.

Quand je suis arrivée à Los Angeles, j'ai eu l'impression qu'un monde s'offrait à moi et que j'avais un panel de possibilités face à moi. Dans le minuscule appartement que je partageais avec Matthew, j'épluchais les journaux, les bars, les restaurants, les magasins, tout ce qui pouvait embaucher facilement et comme je ne trouvai rien et que personne ne me rappelai, j'ai pris la décision de vendre les toiles que je peignais depuis mon adolescence, quand j'ai découvert que la peinture faisait un excellent moyen d'expression et là encore, j'ai fais chou blanc. N'allez pas croire que j'étais surprise. Je n'étais qu'une jeune femme qui avait encore beaucoup d'expérience à acquérir, qui avait encore beaucoup de choses à apprendre mais je n'ai jamais pu m'offrir de professeur, mais ma détermination a finit par finalement m'ouvrir une porte. Je cherchais un emploi depuis presque un an lorsque je suis tombée sur cette galerie d'art qui recherchait un employé pour aider dans les papiers, le nettoyage et autres tâches que le propriétaire, un quinquagénaire malade ne pouvait plus accomplir. Je suis rentrée et je suis ressortie l'heure après avec un contrat sous le bras. Je n'avais pas la meilleure paye du monde, je n'avais que le minimum syndical mais à vingt ans, nous n'avons pas besoin d'une  paye de ministre. Je donnais de l'argent à Matthew pour faire vivre l'appartement et l'argent qui me restait je le mettais de côté pour démarrer ma vie du bon pied.
  Il fallut attendre l'année deux-mille quatorze pour que tout change, pour que la situation s'inverse et que je prenne son envol. En début d'année, mon patron avait décidé de quitter la galerie et comme il savait que vendre la boutique ne lui apporterait rien, il me la laissa en voyant que je débordai d'énergie, ne rechignant jamais même à la pire des tâches et de plus, je savais tout ce que j'avais à  savoir et ce, sur le bout des doigts. Les deux premiers mois ont été incroyablement durs. Personne n'achetait, personne ne demandait à être exposé alors un jour j'ai commencé à exposer mes propres œuvres sous couvert de l'anonymat et là, magie ; les chiffres d'affaires remontent, encore et encore jusqu'à ce que je sois capable de gérer et la galerie et ma vie, ce qui m'a permis de prendre mon appartement, quelque chose de modeste que j'avais décoré de meubles vintages avec mes toiles et que j'avais refais avec divers papiers peints trouvés pas cher. Mon appartement n'arrive pas aux pieds du Ritz, mais c'est mon chez moi. Mais le plus beau ce fût la rencontre avec la femme qui partage aujourd'hui mon lit et ma vie. Je pense que je n'ai jamais été autant heureuse que depuis qu'elle est là, nous nous comprenons et nous acceptons et nous connaissons chacune la vie de l'autre, ce qui est un atout important, je pense. Mais même si niveau relationnel tout va pour le mieux, j'ai toujours un peu de mal à abandonner mes vieux démons.
  Encore aujourd'hui il m'arrive de me laisser emporter par la folie du moment, tous les soirs j'ai besoin de mon petit décontractant, je ne dis jamais non aux fêtes auxquelles on m'invite mais encore, à vingt-sept ans, je ne vois pas pourquoi je devrai me priver. Je ne trompe pas non plus Kazan. Je crois que je préférerai me couper les mains et les pieds plutôt que de lui être infidèle. Non, ce n'est pas tout ça. J'ai encore quelques regrets. J'ai voyagé avec mes amis, j'ai aimé, j'ai detesté, j'ai appris, j'ai connu de grandes déceptions, mais à part ça, je ressens toujours un vide dans ma poitrine. Comme s'il me manquait quelque chose dans ma vie pourrait le remplir. Je ne parle pas d'un enfant, car je ne sais pas si dans l'immédiat je serai capable d'être une bonne maman comme j'aimerai l'être mais il me manque ce sentiment de sécurité que j'ai connu quand j'étais enfant, qui calme mes angoisses, qui m'aide à relativiser tout ce qui m'arrive, qui m'aide à avancer lors de mes journées noires. Je laisse cette impression de côté, j'ai tout ce que je peux avoir de mieux et j'aime ma vie telle qu'elle est, mais c'est vrai que parfois, je me demande si j'ai réellement accompli tout ce que je voulais accomplir et si j'ai tout ce que j'ai toujours voulu. C'est une petit question que je me pose une fois de temps en temps mais que j'oublie presque aussitôt.