compton. putain, compton.
si y a bien des quartiers où j'aime pas foutre les pieds, compton doit être en tête de liste. pas pour une certaine crainte ou peur, putain, j'en suis loin. mais j'ai pas gravi les échelons, j'me suis pas retrouvé en tête du réseau pour retourner là-bas.
visiblement si.
elle pouvait pas habiter ailleurs aussi, celle-là?
j'attends sagement devant chez elle, installé au chaud dans ma bagnole, cigarette qui roule entre mes doigts, qu'elle montre le bout de son nez, qu'elle rentre enfin à la maison.
j'attends, bien que la patience ne fasse pas partir particulièrement de mes nombreuses qualités. j'attends, parce qu'on parle de l'honneur de la famille, parce que j'suis poussé par un élan de protection envers nev.
j'attends parce que, merde, c'est pas cette blondasse qui va faire la loi.
mes couilles.
elle pointe enfin le bout de son nez et un grand sourire étire mes lèvres. on va pouvoir enfin s'amuser un peu. enfin un peu d'action.
je sors de la voiture peut-être cinq minutes après qu'elle soit enfin rentrée dans son probable taudis. je m'assure de la présence de mon arme dans mon dos, glissé dans la ceinture de mon jean.
j'espère ne pas avoir besoin de m'en servir.
j'espère pour elle qu'elle ne jouera pas trop les grosses dures.
un, deux, trois coups contre sa porte et je croise les bras sur mon torse, dos droit, regard froid, noir, menaçant.
elle va sûrement savoir à qui elle va avoir à faire dès qu'elle me verra.
ouais, c'est certain.
elle sait qui je suis. moi, je sais qui elle est.
allez meghan, sois mignonne, ramène ton petit cul par ici et viens m'ouvrir.
alors dès que la porte s'ouvre, j'entre sans demander mon reste, sans attendre qu'elle m'y autorise, un sourire en coin des lèvres.
- salut meghan. j'vais prendre un café, merci. sans sucre.
et me voilà à moitié maitre des lieux, à rôder déjà, à observer finement, attentivement, chaque recoin de son entrée, de son salon.

Never know You will never know what's under my skin So won't you say good night, so I can say goodbye You will never know what is in my veins So won't you say good night, so I can say goodbye Won't you go to someone else's dreams? anathema

Un train qui s’éloigne de la ville aux mirages, les immeubles qui meurent en silence. La ville s’engouffre, étale les ombres en plein jour. Meg arrive dans son ailleurs. Dans cette cité où tout manque, elle arpente les rues un peu trop sombres, évite à la perfection les regards et les sifflements. Meg, dans un monde où les astres sont des néons qui grésillent, dans le L.A. noirci à la gasoline. Pauvreté sur le bitume, le peuple danse sur l’asphalte et l’air est saturé par leurs crimes. Elle fait moins la fière, à se fondre dans leur univers. La tête baissée, elle rase les murs et évite la lumière.
Meg rentre chez elle, elle ouvre la porte miteuse de son appartement ruine d’une autre époque. Sur les murs, les fissures ont remplacé les tableaux, l’endroit est vide (toujours prête à se barrer si besoin est). On frappe à la porte, elle attend personne, mais c’est pas inhabituel, les visites impromptues, les erreurs de paliers.
Elle ouvre.
Andrea di Pietro.
Merde.
Visage figé, la peur aux yeux. Il rentre, elle s’oppose pas, elle ose pas, elle sait pas quoi dire, alors elle dit rien. Le visage offre un semblant de maîtrise, l'illusion du calme. A l'intérieur, il y a le bruit d'un coeur qui panique, un coeur qui tambourine contre sa poitrine.  « salut meghan. j'vais prendre un café, merci. sans sucre. » Elle sait pas quoi faire, Meghan, alors elle hoche la tête, un peu par réflexe, mais pas par défaut. Il est pas l’heure de faire l’insolente, de se croire plus forte que les gangsters qu’elle passe la journée à traquer. « bien sûr. » Elle s’éclipse dans la cuisine, appuie sur la touche enregistrer de son téléphone. Elle sait qu’il est pas loin, elle sait qu’il la regarde, elle sait qu’il faut être prudent. Elle verse son café dans une tasse. Il y a un silence pesant, un silence gênant, mais elle a les mots coincés au fond de la gorge. Elle sait pas si elle doit le tutoyer ou le vouvoyer. Elle prend pas de risque. « même si je suppose que vous êtes pas là juste parce que j’fais le meilleur café du quartier. »  Tasse posée sur la table (elle ose pas la lui donner). Elle sait pas pourquoi il est là, et elle préfère pas essayer de deviner. Enfin si, peut-être qu'elle sait, après tout. A+ b ça fait nevio di pietro.
Aucun doute.
Elle est vraiment dans la merde.

je me mets à faire le tour du propriétaire sans y avoir été convié, je m'y invite tout seul, les mains dans les poches de mon pantalon, je tourne en rond dans le salon et observe finement les détails de son appartement franchement miteux. pas étonnant vu l'endroit où il se trouve.
appartement vide, d'ailleurs. vide un peu de meubles. vide d'objets d'une quelconque valeur. vide aussi de photos semble-t-il. vide de proches à qui elle pourrait potentiellement manquer dans le cas d'une disparition soudaine et définitive.
je note dans un coin de ma tête qu'il faudra que je me renseigne un peu mieux concernant son entourage, dans l'éventualité où ça s'avèrerait être une nécessité.
puis c'est sur elle que mon attention est attirée à nouveau, c'est elle que je me mets à examiner, à distance. elle, qui a l'air légèrement tremblante, elle qui est sûrement beaucoup plus effrayée qu'elle ne veut bien le laisser paraitre.
j'comprends.
moi aussi j'aurais la trouille, si je me retrouvais être un agneau à moitié dans la gueule d'un loup féroce. ouais, moi aussi.
pauvre petite.
c'est bien fait pour sa gueule, de toute façon.
mes yeux dérivent, mes yeux dévorent, et j'me mets à me dire que c'est bien dommage qu'elle soit venue fourrer son nez là où il ne le fallait pas, j'me dis que c'est bien dommage qu'elle soit curieuse, qu'elle soit une emmerdeuse, qu'elle ait approché nev. c'est bien dommage parce que putain, elle est bien bonne.
et putain, j'me la serais bien faite, si c'était pas de l'honneur de la famille dont on parlait.
elle pose ma tasse sur la table. mon sourire grandit et je l'approche, carnassier, félin, avant d'attraper mon café.
- merci.
non, non, c'est pas pour ton café que j'suis venu. ni pour ton joli cul. ni pour rien de tout ça. mais tu t'en doutes bien, hein?
t'as pas l'air si conne que ça.
je m'installe dans son canapé, aussi confortablement que je puisse l'être. ouais, pas du tout, en soi.
mais y a pas l'choix.
- dis-moi, meghan, t'aimes ça, être détective? ça te plait, de fouiner dans la vie des gens?
ça te plait, d'être une fouille-merde?
ça te plait, d'être en danger?

Darling I think I saw you in my sleep, darling, I think I saw you in my dreams You were stitching up the seams On every broken promise that your body couldn't keep. I think I saw you in my sleep. such small hands

Meg, elle a le cœur qui bat à 100 à l’heure quand il se rapproche pour prendre son café. Elle est pas censée avoir peur. Elle est pas censée avoir les mains qui tremblent. Elle s’est toujours dit qu’elle était courageuse. Elle est arrivée à L.A. en se promettant qu’on se souviendrait de son nom comme on se souvient d’un ouragan. Bien loin, les rêves de gloire, dans un appartement miteux de la banlieue de la ville, ville qui a besoin de victimes pour se sentir vivante, ville qui aspire tout sur son passage.
Aujourd’hui, ça sera elle la victime.
Meg, c’est pas le moment d’être courageuse. C’est le moment d’être intelligente. Mais il y a la peur qui paralyse son cerveau, la panique dans l’hémoglobine. Elle s’était jamais foutue dans une merde pareille, aussi. Elle pouvait pas savoir. Lui, il a le sourire qui en dit trop et pas assez. Il a le pouvoir, et il le sait. Elle fait pas le poids, même si elle le voulait. « merci. ». Il s’installe sur le canapé. Elle, elle reste debout, pas loin de la porte, distance de sécurité. S’il tente un truc, elle se barre. C’est ce qu’elle se dit. Mais il la rattrapera, quoi qu’il arrive. On n’échappe pas aux di Pietro. Même si elle prend le premier avion pour l’autre bout du monde, son sourire viendra frapper à sa porte. « dis-moi, meghan, t'aimes ça, être détective? ça te plait, de fouiner dans la vie des gens? » On y vient. Elle hausse les épaules, l’air un peu nonchalant. L’air de la fille qui voit pas de quoi il veut parler. « j’fais c’qu’on m’demande. » Les réponses sont courtes, parce qu’elle sait bien qu’il en a rien à foutre, parce qu'elle tente de maîtriser sa voix autant qu'elle maîtrise son visage. Parce que d'ici quelques minutes, elle sait qu'elle devra supplier ou hurler. Elle se réserver pour l'après. Elle tente de tout minimiser, mais s'il est là, c'est qu'à un moment où à un autre elle a merdé.  « ‘faut bien gagner sa vie. » Et elle va devoir payer.

maitrise des lieux, maitrise de la situation, maitrise, même, de cette pauvre enfant complètement effrayée. maitrise complète. satisfaction de la pleine prise de pouvoir. l'autorité suprême.
putain c'que c'est bon d'avoir le dessus comme ça.
putain c'que c'est bon de lui filer la trouille et de pouvoir m'en délecter de cette façon.
pauvre fille.
j'en suis à ce point, à me demander si elle est une potentielle menace réelle pour les affaires, ou rien de plus qu'un pion qui fait ce qu'on lui dit de faire mais qui s'écrase dès que le premier risque du métier arrive. j'imagine que j'ai plus qu'à tester pour voir ce qu'il en est.
je pose ma tasse à moitié finie sur la table basse et m'écrase au fond, contre le dossier. meghan, elle, est toujours debout, le plus loin possible de moi. compréhensible.
- t'as tout à fait raison. il faut bien gagner sa vie.
tu pourrais aussi la gagner autrement, tu pourrais aussi la gagner en traquant quelqu'un d'autre. à cette allure-là, tu risques juste de finir par la perdre, ta vie. on ne t'a jamais dit de rester éloignée de certaines personnes?
qui s'y frotte, s'y pique.
sourire carnassier le retour.
je me lève et l'approche. pas lent, gestes mesurés. j'voudrais pas qu'elle se mette à hurler. arrivé à son niveau, j'entoure ses épaules de mon bras doucement, et la fais avancer avec moi, jusqu'au canapé lentement.
- tu vois, meghan, je n'ai rien contre le fait que tu travailles, c'est très bien, même. mais là, tu t'approches de quelque chose qui te dépasse.
tu comprends ce que je veux dire, n'est-ce pas?
en plus de ça, nevio, lui aussi, a besoin de gagner sa vie.
- assieds-toi.
accompagnée jusqu'au canapé, je la laisse s'installer, et moi je m'assieds sur la table, en face d'elle.
- ça serait dommage que, disons.. il t'arrive quelque chose, bêtement, pendant que tu fouines, hm?
prends mes menaces au sérieux, j'hésiterais absolument pas.

Darling I think I saw you in my sleep, darling, I think I saw you in my dreams You were stitching up the seams On every broken promise that your body couldn't keep. I think I saw you in my sleep. such small hands

Comme elle s’y attendait, il lui dit ok, très bien, parfait. La poupée a été sage, elle a arrêté de faire des vagues, elle a fait le bon choix, elle a rendu les armes. Et puis, il se lève. Panique dans les veines, un claquage au cœur. Elle veut partir, mais elle peut pas. Elle arrive pas à réfléchir, elle a les pensées qui s’égarent, et lui, il va trop vite, en fait : il est déjà là.
Si elle part, c’est foutu. Si elle reste, c’est foutu.
Merde.

Il pose les mains sur elle, elle sursaute pas. C’est pas qu’elle a pas peur, c’est qu’elle a plus vraiment d’espoir. Elle lui a laissé le contrôle dès le départ, elle aurait pas dû. Prise à son propre piège, Meghan, sa stratégie, elle marche pas. Il l’assoit sur le canapé, et elle obéit. Docile, Meghan, quand elle le veut, quand elle a plus le choix. « ça serait dommage que, disons.. il t'arrive quelque chose, bêtement, pendant que tu fouines, hm? » D'habitude, elle est assez discrète pour ne pas recevoir ce genre de menaces. Pas cette fois. Cette fois, elle a voulu s'attaquer à bien plus grand qu'elle, au roi des ombres, caché derrière les gratte-ciels. Elle aurait pas dû. Mais bon, voilà, c'est trop tard.

La réponse intelligente, c’est de hocher la tête. De ravaler son courage à deux balles. De faire des promesses, de croire aux menaces. Mais c’qu’il est en train de lui dire, c’est qu’à force de jouer, elle a perdu sa liberté. Qu’elle a une cible sur la tête et qu’il hésitera pas à tirer. Alors son air effrayé, il change un peu. Elle a l'audace au fond des yeux, au mauvais endroit et certainement au mauvais moment. Elle a tort de se croire plus forte que lui, et elle le sait. Mais voilà, Meghan, elle sait jamais vraiment à quel moment s'arrêter. Persuadée qu'elle va mal finir, persuadée qu'il est là pour la planter, elle reprend le pouvoir qu'elle lui a laissé. « Alors c’est vrai, c’qu’on dit ? » Perdu pour perdu, elle continue sur sa lancée. « T’as tellement pas d’honneur que tu t’en prendrais à une femme ? »

menace lancée, tombée, abattue sur sa petite tête d'enfant, épée de damoclès qui se tient maintenant juste au-dessus d'elle, prête à tomber à tout moment pour l'achever subitement, sans prévenir vraiment. menace cinglante, brute, pas même cachée, pas même tournée en dérision ni en énigme, juste annoncée telle qu'elle est ; fais gaffe à ton cul, tu risquerais de te prendre une balle.
rien de plus, rien de moins.
juste le canon de mon flingue qui a terriblement envie de gronder contre ta cervelle.
juste mon index qui a terriblement envie d'appuyer sur la gâchette.
le menace a pour but de la faire sans doute se recroqueviller dans son canapé, de la faire trembler encore plus qu'elle ne tremble déjà. elle a pour but de l'effrayer une bonne fois pour toute, et de tester ses capacités intellectuelle.
si elle est intelligente, elle s'éloignera de tout ça.
si elle ne l'est pas, elle mourra.
mais meghan fait des siennes, et meghan n'obéit pas sagement. meghan ne me laisse pas repartir aussi facilement que je suis arrivé. meghan fait durer le moment.
putain. elle commence à faire chier. sérieusement.
le regard qui change et cette lueur au fond des yeux qu'elle arbore maintenant me font sourire. un vrai sourire sincère, un vrai sourire amusé. un vrai de vrai.
un vrai de vrai, jusqu'à ce qu'elle ouvre la bouche.
mon sourire se transforme en sourire suffisant, arrogant à mon tour.
est-ce qu'elle a vraiment osé? est-ce qu'elle a vraiment remis mon honneur en doute?
quelle conne.
- ah, beauté, on n'est plus dans les années cinquante, tu sais.
léger rire.
- dès que les anciens ont compris que les femmes pouvaient aussi être dangereuses que les hommes et qu'elles pouvaient penser par elles-mêmes, il n'a plus été question d'honneur. tu sais.. ce truc pour lequel vous vous battez.. l'égalité des sexes? on donne l'exemple.
alors oui, je pourrai m'en prendre à une femme. je l'ai déjà fait. et non, ça n'entacherait mon honneur en rien.
mon sourire ne veut plus me lâcher, et je passe mon index contre sa joue avant d'attraper sa mâchoire fermement dans ma main. peut-être trop fermement, peut-être trop férocement.
j'm'en bats les couilles.
- je vais te donner un conseil. pour ta survie.
pause. sourire en coin.
- reste en dehors de nos affaires.
aussi bien celles de nev, que les miennes, si l'envie te prenait de fouiner de mon côté aussi.

Darling I think I saw you in my sleep, darling, I think I saw you in my dreams You were stitching up the seams On every broken promise that your body couldn't keep. I think I saw you in my sleep. such small hands

Un champ de bataille s’est formé, entre le gangster et la poupée qui en savait trop. Il a le sourire du prédateur, les paroles comme des scalpels. Elle a les yeux comme des lames de canifs et le cœur qui bat trop vite. Anatomie de la curiosité mal placée, les conséquences au creux de la gorge, elle s’est rêvée bourreau et elle s'est réveillée victime. Elle déteste l’arrogance de son sourire et la condescendance de ses propos, ce regard un peu trop vif et cette voix trop rauque. La cargaison de ses menaces, la caresse qui se transforme en poigne, elle a les muscles qui se contractent mais elle ose plus vraiment bouger. Panique à ciel ouvert, le souffle court, le coeur explose. Elle se ressaisit, elle se recompose (à peine). Maîtrise du visage, les yeux brillent un peu trop pour cacher les larmes qu'elle retient. Calme-toi, jusqu'ici tout va bien. « je vais te donner un conseil. pour ta survie. » Son conseil, elle le connaît déjà mais elle l’écoutera pas, parce que c’est Meghan et que de ses erreurs, elle les apprend pas. Elle comprend pas ce qu'elle a fait, ce qu'il fout là. Meghan, c'est pas une menace, c'est juste une fille qui fourre son nez là où il fallait pas. De quoi t’as peur, andrea ? « reste en dehors de nos affaires. » Nos affaires, c'est les affaires de sa famille, c'est tout ce qui se trame dans l'ombre, tout ce qu'elle ne peut que soupçonner, tout ce que le reste de la ville n'a pas le courage de voir. Les gars qui ont pas peur du vice ou de faire couler du sang pour les besoins de la cause. Mais il est pas là pour ça. Il est là pour Nev. « De celles de ton frère, surtout, j’me trompe ? » Elle s'en fout, de Nev, elle voulait juste l'argent. Elle est pas partie en croisade, elle se pense pas justicière, tout ce qu'elle veut c'est un compte en banque rempli pour pouvoir payer ses dettes et quitter son taudis. Alors elle se dit qu'il y a peut-être quelque chose à y gagner, de cette rencontre improvisée.  Elle le sait, pourtant, qu'elle est pas en position de négocier, mais au moins elle essaie.  « Dis-lui d’être plus discret. Si moi j’peux le retrouver, j’pense que j’suis pas la seule. » Elle a la voix qui tremble, et c'est pathétique. Il a raison. Elle aurait dû fermer sa gueule.

sa mâchoire entre mes doigts, je la surplombe toute entière, je la domine et de loin, de tout mon être, sur le sien tout fragile, tout frêle. ce qui en soit n'a rien d'un exploit. la dominer relève d'un jeu d'enfant. j'aurais eu aussi vite fait d'arracher sa tétine à un nourrisson.
aucun défi, aucun frisson. rien d'amusant.
mais meghan a les larmes aux yeux, malgré ce regard qu'elle veut aiguisé, brutal, menaçant. meghan a la voix qui tremble, malgré tous les efforts qu'elle a l'air de rassembler pour être forte, dure, pour être une grande fille qui garde la tête haute, qui veut un semblant de pouvoir.
meghan est terrifiée, quand bien même elle veut donner l'impression de contrôler la situation.
perdu d'avance.
je suis le seul à pouvoir contrôler la situation et elle devrait bien le savoir, ou ne serait-ce que s'en douter jusqu'à ce que je puisse éventuellement lui en donner l'ultime preuve. ça lui ferait tout drôle, si ce moment venait.
ou plutôt,
ça lui fera tout drôle, quand ce moment viendra.
évidemment, c'est surtout de celles de nev dont je parle. je sais, ou du moins j'imagine, qu'elle n'est pas stupide au point d'essayer de s'en prendre à moi. c'est de nev dont je parle, et visiblement tout montre qu'elle sait très bien, et ce depuis le début, ce pourquoi je suis là.
tant mieux.
j'aurais pas besoin de perdre du temps dans les explications.
- beauté, rappelle-moi à quel moment je t'ai autorisé à me tutoyer?
l'histoire d'une fois, je n'ai rien dit. mais à répétition, ça risque de ne pas le faire. oh, ça, et le fait que tu me dises ce que je devrais dire à mon frère de faire.
personne ne dit à un di pietro quoi faire.
- on n'est pas en train de négocier, au cas où t'aurais pas remarqué. c'est un ordre, que je te donne, meghan. tu fous la paix à nevio, ou c'est moi que t'auras sur le dos et j'te jure que ça sera pas joli. j'enverrais pas un de mes hommes de main, je m'occuperais moi-même de ton cas et j'ferais en sorte que tu sois plus jamais capable de faire des recherches sur qui que ce soit.
le regard encore doux s'est éclipsé pour faire face à celui noir, menaçant, effrayant. la voix devenue plus rauque que rauque, qui racle le fond de ma gorge, qui gronde férocement.
- compris?

Please don't make any sudden moves, you don't know half of the abuse. All my friends are heathens, take it slow Wait for them to ask you who you know Please don't make any sudden moves You don't know the half of the abuse heathens

« beauté, rappelle-moi à quel moment je t'ai autorisé à me tutoyer? » Elle a étalé son audace, son courage à deux balles. Il l’a réprimée en une seule phrase. Elle a cru qu’elle était plus forte que lui, qu’elle avait une once de maîtrise sur la situation. Elle a rien. Elle est rien. Elle est juste une fille qui a vu ce qu’elle ne devait pas voir et qui va en payer le prix si elle la ferme pas. Meghan, un nom dans les journaux, quelques caractères fondus sur la page faits divers, celle que personne ne lit. Un corps retrouvé dans un caniveau. Un regrettable accident. L'ironie du sort. « désolée. » Elle a les murmures qui tremblent et les yeux comme des diamants. Et quand les larmes menacent de tomber, elle les retient à peine. Dans sa cage thoracique, il y a la mécanique d'un coeur en panique, le moteur d'un souffle coupé. Il lui dit qu’il est pas venu pour négocier, qu’il donne des ordres et qu’elle exécute, que son frère il est hors limite, qu’elle a pas le droit d’y toucher. Il lui dit qu’il a sa vie entre ses mains, que d’un coup d’un seul, elle peut disparaître et qu’elle a plus le contrôle. Qu’en fait, elle l’a jamais eu.  « compris ? » Son regard a changé pour donner corps à ses menaces. Son regard lui glace le sang quand il reflète tout ce qu'il pourrait lui faire. Alors, sa fierté, elle la ravale. Elle discute plus. Elle abdique. « compris. » Voix faiblarde de la fille qui aurait dû se mêler de ses affaires. Pour appuyer sa promesse, elle continue. « j’enverrai mes clients sur la piste de quelqu’un d’autre. » Derrière la peur, Meghan a disparu. Il ne reste rien de la fille au sourire en coin et aux provocations faciles. Plus d’assurance, plus de certitude, plus rien. Juste l’envie qu’il s’en aille.  « et j’enquêterai plus sur nevio. ni sur vos affaires. » Trois grammes d'espoir dans le sang, les prières silencieuses d'une fille qui a jamais cru en rien. Jusqu'à maintenant. Faites que ça soit suffisant.

Spoiler: