J'ai toujours aimé l'écriture. Quand certains décrètent qu'ils auraient besoin d'une psychanalyse de 10 ans pour comprendre ce qui peut bien faire que leur vie déconne aujourd’hui, je prend un stylo et une feuille blanche et je pars en exploration jusqu’au plus profond de moi-même pour me décrypter, m’analyser. Déjà enfant je menais rigoureusement un journal dans lequel se mêlaient poèmes, textes et morceaux de vie. Cela me valait souvent les moqueries de mes frères et rien n’était plus blessant que d’être attaquée sur ma plus grande vulnérabilité.

Je suis née un 9 octobre pluvieux dans la ville de San Francisco. Les gens disent souvent que sur cette Terre on nait seul et on crève seul, mais on peut pas vraiment dire que je partage leur avis. Dès mon premier cri, je n’étais pas seule mais aux côtés de mon frère jumeau, Milo, dont je n’ai jamais été séparée depuis. J’ai également très vite fait la connaissance de ma mère, une journaliste colombienne qui était restée vivre aux Etats-Unis après être tombée follement amoureuse d’un photographe américain avec qui elle avait collaboré le temps d’un reportage. Puis sont rapidement arrivés nos frères et soeurs aînés, Eden et Callie, qui nous ont accueillit avec plus ou moins d’enthousiasme, encore trop jeunes pour vraiment comprendre le chamboulement que nous allions apporter à leurs vies.

Nous avons grandit dans la banlieue de San Francisco dans une maison modeste qui faisait écho à nos rires d’enfants. L’été, nous partions rendre visite à notre famille en Colombie et ce mélange de culture a fait de nous des enfants parfaitement bilingues et extravertis.

Il arrivait que notre mère parte seule dans son pays natal pour rendre visite à notre famille ou pour affaires, seulement un jour, alors que nous avions 12 ans Milo et moi, elle n’est pas revenue. Elle a été porté disparue pendant des mois et des mois, et lorsqu’enfin notre père s’est fait à l’idée qu’elle n’était probablement plus de ce monde, nous avons enterré un cercueil vide.

La disparition de notre mère n’a épargné personne au sein de notre famille. Ma soeur aînée faisait le mur presque tous les soirs pour se retourner le foie et se frotter à des mecs plus douteux les uns que les autres. Mon frère jumeau était devenu colérique et avait commencé à se battre alors que cela ne lui arrivait jamais auparavant et seule moi était capable de le ramener à la raison quand il voyait rouge. Je n’étais pas pour autant un symbole de vertu puisqu’à cette période je ressentais moi même une rage inexpliquée, et il m’arrivait moi aussi de m’en prendre aux autres sans raison, en venant moi aussi parfois aux poings. C’est à cette période là que mon frère et moi nous sommes mis à la pratique intensive du sport pour apprendre à canaliser notre énergie. Nous avons rejoint ensemble un club d’athlétisme dans lequel nous nous déchirions à l’effort pour évacuer cette rage qui était la notre. Notre père quant à lui tentait de nous tenir à flot, mais la perte de l’amour de sa vie lui a laissé des cicatrices qui jamais ne disparaitraient tant sa femme était ancrée dans sa chair. Nous l’avons surprit de nombreuses fois s’effondrer en larmes à la vue de souvenirs qui lui rappelaient notre mère, et la dépression qu’il traversait se dessinait chaque jour un peu plus sur son visage. Seul l’aîné de la famille trouvait la force de faire face et il porta durant l’année suivant l’enterrement le rôle de chef de famille.

A mon entrée au lycée, j’ai découvert le volley. J’ai rejoins l’équipe de l’école et en suis devenue totalement accro. Mes progrès étaient fulgurants et m’ouvrirent rapidement la possibilité de décrocher une bourse pour intégrer une grande université, chose qui me semblait impossible avant car mon père ne roulait pas sur l’or et ne pouvait pas assumer de dépenser autant d’argent pour ses 4 enfants. Je me suis alors mise à rêver à une carrière brillante et à la fin de mes années lycée, j’étais acceptée à UCLA pour réaliser des études pré-med et rejoindre les Bruins.

Quitter le foyer familial était comme prendre une grande inspiration d’air pur. Bien que notre famille avait pansé ses plaies avec le temps, le souvenir de la disparition de notre mère ne s’éloignait jamais beaucoup et c’était quelque chose qui restait pesant. Mes études étaient un nouveau départ, et entre ces dernières qui étaient assez prenantes et le volley, il me restait peu de temps pour penser.
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