Dans ta tête ça tourne pas rond, tes pensées sont des ellipses Ok. J'ai perdu mon temps à essayer de trouver un boulot qui je le sais, ne durera pas. Lassé par mes absences et mes retards, l'patron finira par faire comme les autres. Baisser les bras face à ce cas perdu que je suis et me virer pour prendre à ma place, une de ces meufs qui seraient prêtes à finir sous le bureau pour garder la place que je lui laisse sans l'ombre d'une hésitation. J'ai gagné que des refus, des « Désolée madame, on ne cherche personne. » Petite garce tirée à quatre épingles, dans son luxueux tailleur Chanel qui regardait avec dégoût mon jean déchiré par mes chutes sur les rampes, mes vans usées au point que j'en marche presque à même le sol et mon t-shirt sûrement trop long pour mademoiselle parfaite. Quelle idée j'avais en tête de tenter les boutiques de luxes pour trouver un boulot ? Mon Dieu.
J'ai marché une bonne petite heure après ma dernière tentative et je suis arrivée en plein quartier administratif de la ville. Oui, genre le quartier dans lequel je ne mets jamais les pieds, parce que je suis mal vu ici, t'imagines bien, qu'entourer de mecs en costume luxe et de femmes aux sacs hors de prix, je vais faire tache. Je suis fatiguée pourtant et quartier habituel ou pas, je ne vais pas m'empêcher de poser mes fesses sur un banc, celui que j'ai en face de moi est plutôt pas mal en plus, si on oublie le vieux monsieur qui lit son journal à côté. Côté ironique de la chose, lire son journal en face du Los Angeles Times est beaucoup trop dérangeant pour mon petit cerveau. Non pas qu'il y'ai quoi que ce soit de bizarre à ça, prenons juste en compte le fait que mon cerveau n'arrive pas à accepter ce détail.
Les fesses posées, l'attention volage, je me permets même de poser mes yeux sur le journal de monsieur chapeau pour me divertir, j'lis jamais le journal, ça me rend dingue un peu de voir tout ce qui peut se passer dans ma ville à travers les yeux de quelqu'un d'autre. Je préfère vivre ces choses-là de moi-même. Impoli qu'il est, monsieur change page sans que j'ai pu finir mon article et je souffle assez fort pour qu'il me lance un regard étonné. Je garde le silence pour replonger mon regard dans les passionnantes pages de L.A TIMES. Un article sur les quartiers attire mon regard. Oui bon, c'est surtout la photo qui l'attire et je n'ai aucune gêne à attraper le journal pour l'arracher des mains de son propriétaire avant de me mettre debout en criant. « Qu'est-ce que c'est que ce bordel de merde ? » 5-4-3-2-1. Regard choqué du petit vieux, murmures des passants, journal au sol. J'ai arraché la page sans scrupule et sans même m'excuser, j'ai regardé tout ça avec plus d'attention. J'ai toujours voulu devenir une star et faire la Une des magazines, mais j'ai jamais demandé à voir une photo de moi dans un journal. C'est même pas mon bon profil. Petit regard vers la source, ok. J'ai le nom du photographe, j'ai le nom du criminel donc.
Je ne sais ni comment, ni par quel miracle j'ai réussi à entrer dans ce bâtiment, moi qui m'attendais à trente millions de personnes de la sécurité, toujours est-il qu'une fois à l'accueil ou je ne sais pas trop quel endroit, toute la ville a du m'entendre hurler. « Vous les journalistes, vous avez vraiment aucun respect. Il est où ce photographe de mes deux pieds que je lui refasse le portrait ? » La petite dame qui essaie de me calmer et me demande de préciser ma demande en parlant moins fort et de la suivre pour régler un quelconque litige à de la chance que je ne sois pas capable de lancer des lasers avec mes yeux et elle le comprend vite à la vue de mon regard. Vous cherchez qui ? Elle me demande ça comme si c'était le moment d'être gentil avec moi. « Le photographe de cet article. Le gars qui se croit tout permit, tranquille. » J'ai de nouveau un semblant de dignité, la furie se calme un peu, même si je bouillonne à l’intérieur. Je ne sais pas ce qui me rend autant furieuse, voir mon visage dans un journal et ne pas avoir été mise au courant ou le fait que j'ai essuyé des tonnes de refus pour des jobs avant de voir ma photo dans un journal. Photo soit dit en passant plutôt bien réussi, si on oublie le fait que ce ne soit pas non plus mon bon profil. Perdue dans mes réflexions, j'entends à peine mademoiselle calme, me dire qu'elle va dire à monsieur aucun respect, je te photographie sans te le dire, que quelqu'un souhaite lui parler.