You two know each other ?

Alice, Lysander & Noah

Griffith Park. Il n'y avait pas plus bel endroit pour se promener quand on souhaitait rester un maximum à "l'intérieur" de la ville. J'y venais souvent pour me dégourdir les jambes quand j'avais passé de trop longues journées au boulot, penchée au-dessus des derniers sujets que je devais traiter pour le Times. Mon boulot était clairement passionnant, mais il pouvait surtout s'avérer exténuant certains jours. Alors je venais ici pour me détendre. Enfin d'habitude. Parce que là, en l'occurrence, j'étais venue fouiner les collines pour tenter de retracer le parcours de l'accusé dans une affaire de viol. Quelque chose qui me paraissait incohérent. Gio me tuerait sûrement s'il savait que j'étais encore en train de foutre mon nez partout, à compromettre les enquêtes et remettre en question les décisions de justice.

Aujourd'hui, j'avais traîné Lysander avec moi. En fait, j'avais prétexté une balade de santé pour qu'il m'accompagne, sans lui révéler que j'étudiais le terrain en même temps. Mais de toutes façons, ça me faisait du bien de le voir. Lys représentait tout ce qui m'avait sorti la tête de l'eau quand j'avais demandé à quitter Londres après l'affaire avec ma mère. Il était le seul dans mon entourage aujourd'hui à presque tout connaître de moi. Les frasques de ma mère, ma grossesse à quinze ans, l'abandon. Et j'en passe. Sa présence me rassurait, souvent. Je ne connaissais pas bien l'amitié, mais je pense qu'il se rapprochait d'un meilleur ami dans mon cas. « Allez active, on dirait que j'ai plus de muscles que toi dans les cuisses ! » le taquinai-je un peu en faisant exprès d'accélérer le pas pour me donner raison. « J't'ai jamais emmené ici, tu connaissais ? Il y a une vue de malade en haut. »   

 

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rumour has it

Marcher, c’était pas l’activité favorite de Lysander. Loin d’être un grand sportif, il n’avait même pas le courage de quitter ses jolies chaussures cirées pour marcher des kilomètres. C’était le prix d’être aussi coquet en toutes circonstances. Il préférait se poser dans un endroit en hauteur – et si l’endroit était interdit ça accentuait la beauté de la vue – puis simplement profiter. Et Noah était au courant de tout ça mais elle savait aussi qu’il ne lui refusait pas grand-chose, pour ne pas dire rien du tout. Lys avait déjà une volonté plutôt corruptible d’ordinaire mais dès que c’était pour les beaux yeux de son amie d’enfance, il ferait tout. Alors il avait accepté en râlant, en la prévenant que si toutefois il faisait un accroc à sa chemise préférée, il lui en voudrait à vie. A vie jusqu’à ce qu’il cède, évidemment. Mais sitôt qu’il fut avec elle, c’était un sourire détendu qui s’affichait sur son visage. Avec elle, il était presque serein, parfois plus calme que d’habitude. Elle connaissait ses frasques, son caractère insupportable, ses accès de colère mais aussi, elle était celle qui savait l’apaiser. Parce qu’elle l’avait toujours ramené à la réalité de par son passé à elle. Il y avait pire, se répétait-il, quand il posait les yeux sur le visage de Noah. Quoiqu’à cet instant précis, il doutait. Comment se permettait-elle de lui faire une telle réflexion ? « J’ai la gueule à Usain Bolt ? Tu veux me faire regretter de fumer c’est ça ? » bougonna-t-il, presque vexé. A sa question, il répondit d’une voix peu aimable. « Je connais surtout le bas de la côte. Y’a des cafés sympas pas loin, tu veux pas qu’on fasse demi-tour ? »

Mais non, elle continuait inlassablement de marcher et Lys dut accélérer légèrement le pas pour revenir à sa hauteur. Il enlaça les épaules de la jeune femme avec son bras pour être certain qu’elle n’irait pas s’enfuir à nouveau. Le soleil tapait fort pour une fin d’été et l’homme regrettait déjà d’avoir un chapeau sur la tête. Mais on ne contredisait pas l’impulsion du style et il se contenta de le retirer pour le laisser pendre dans sa main libre. Alors qu’ils marchaient, le musicien remarquait que le regard de son amie traîner de droite à gauche. « Je suis pas dupe, Noah. T’es pas venue ici pour rien hein ? T’as besoin d’un alibi ? » Elle avait une fâcheuse tendance à fouiner et loin de l’empêcher de faire ce qu’elle voulait faire, Lys était plutôt du genre à l’encourager dans ses initiatives quelles qu’elles soient. Oui, il n’avait jamais été la voix de la raison.

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Alice, Lysander & Noah

D'accord, je savais pertinemment que j'allais m'attirer les foudres de Lysander en l'emmenant se balader sur des collines alors qu'il n'avait pas une once de randonneur en lui.  Je le connaissais plutôt bien le petit. Après avoir porté plainte contre ma mère, j'avais été placée en foyer d'accueil dans la capitale, mais j'avais immédiatement demandé à être transférée ailleurs. Etant donné qu'elle n'avait jamais été condamnée à de la prison, je ne voulais pas risquer de la croiser à chaque coin de rue. Donc on m'avait transférée à Liverpool et c'était la mère de Lys qui m'avait prise sous son aile. Autrement dit, j'avais passé toute mon adolescence auprès de lui. Donc je savais ce qu'il aimait et ce qu'il n'aimait pas. Et monsieur détestait la randonnée. Mais bon. Un, j'avais envie de passer du temps avec lui. Deux, ok il m'était aussi un peu utile dans l'histoire. Et trois, il fallait bien avouer que ça me faisait marrer de le faire ronchonner. « J’ai la gueule à Usain Bolt ? Tu veux me faire regretter de fumer c’est ça ? » Je faillis m'esclaffer mais pour ne pas envenimer les choses, je pouffai juste de rire. Non, c'était pas ça, puisque je fumais moi-même. « Je connais surtout le bas de la côte. Y’a des cafés sympas pas loin, tu veux pas qu’on fasse demi-tour ? » Je levai les yeux au ciel sans faillir dans ma marche. « Tu vas arrêter de te plaindre et avancer, oui ! J'te dis que la vue est magnifique en haut. On y est presque. »

Lys accéléra un peu pour venir entourer mes épaules de son bras et dans un petit sourire qui confiait 'ok je marche à ton rythme', je passai mon bras dans le bas de son dos pour me caler sur sa cadence. « Je suis pas dupe, Noah. T’es pas venue ici pour rien hein ? T’as besoin d’un alibi ? » Oups, prise en flagrant délit de fouinage dans les montagnes. Je me mordis la lèvre, je savais que j'avais été loin d'être discrète en regardant partout autour de moi comme je l'avais fait. Surtout que le bonhomme me connaissait très bien et savait pertinemment que j'avais tendance à endosser le rôle d'une enquêtrice pour mes articles. Sauf que moi, je n'avais aucun droit de faire ça. « Oui, » avouai-je sans trop de résistance. Il savait très bien qu'il avait raison, de toutes façons. « Mais c'est vraiment important. » C'était toujours important. « Et puis, avoue que c'est beau et ça te dégourdit les jambes un peu. » Belle façon de dire 'ouais ouais, je te demande de mentir sous serment si on te pose des questions'. Quelle pote. Plus que quelques mètres à parcourir pour arriver tout en haut. Moi, j'avais toutes les informations qu'il me fallait. Tout était enregistré dans ma caboche. « Regarde ça Lys, on y est. » J'accélérai un peu et tournai autour d'un arbre pour rejoindre le bord de la colline. Sauf qu'avant d'avoir eu le temps d'atteindre un quelconque endroit, je rentrai de plein fouet dans quelqu'un. Pas assez brutal pour me sonner, mais me désorienter quelques secondes, oui. Les fesses sur le sol, je relevai la tête pour observer la silhouette qui se tenait devant moi. Tout de suite, je reconnus les traits que je connaissais par coeur à une époque. Mais ça faisait plusieurs années qu'on ne s'était pas vues, donc honnêtement, je n'étais sûre de rien. Malgré tout, je lançai un petit « Alice...? »     

 

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La vue était peut-être magnifique, mais elle était surtout loin. Son amie ne comptait pas abandonner et il savait qu’il fallait se plier à la marche forcée. Il fallait avouer que le paysage n’était pas désagréable mais selon l’Anglais, il manquait surtout d’obscurité pour sentir l’inspiration pointer le bout de son nez. Le musicien préférait toujours composer quand la nuit était d’encre et le silence d’or. Personne n’avait idée combien le silence était la meilleure des motivations, le plus puissant des soutiens lorsqu’on en avait besoin. Tant de gens voulaient vivre dans la foule hollywoodienne, jouant des coudes pour espérer se frayer un chemin jusqu’à leur ambition première. Lys, lui, avait accepté d’être le personnage public le plus exubérant, de jouer le jeu des apparences si toutefois ça lui permettait de devenir ce qu’il méritait de devenir. Il était le meilleur à pour franchir les collines insurmontables et ça lui donna un léger regain d’énergie pour poursuivre l’ascension. Quand Noah confirma ses soupçons, Lys ne pouvait pas s’empêcher de sourire. « Y’a tellement de choses importantes dans ta vie, Noah, c’est fou. » Il faisait référence à toutes les fois où elle lui avait sorti cette excuse. Et à chaque fois, elle fonctionnait. La paire inséparable acheva bientôt sa marche au détour d’un arbre. C’était toujours étonnant de penser pouvoir prédire les réactions d’une autre personne. Avec Noah, c’était comme une sœur qu’il n’avait jamais eue, un alter-égo avec laquelle il ne partageait aucun lien de sang et pourtant tant de choses. Ils se comprenaient en un regard, il était capable de déceler ses inquiétudes dès qu’elles naissaient au fond de ses yeux. Il l’avait vue tant de fois vulnérable et ce, dès leur première rencontre, qu’il se sentait toujours investi d’une mission fraternelle. La faire sourire et l’accompagner dans chacune de ses expéditions, afin qu’elle ne soit jamais seule. C’était ironique quand on pensait qu’il s’agissait de Lysander, le garçon dépendant de tout et surtout des autres. Le garçon incapable de se retenir, de réfréner ou de contenir. L’incroyable égoïste au talent qu’il cherchait à ce qu’on admire. Jamais personne ne l’avait envisagé comme un protecteur, un pilier infaillible, à part Noah. C’était sans doute pour cette raison qu’il ne s’imaginait pas sans elle dans son avenir.

Un peu comme avec sa cousine. Alice, c’était différent : elle était la jumelle, le lien médiateur entre les deux frères miroirs qui s’étaient tant opposés. Elle faisait partie de lui à part entière. Voilà deux femmes sans lesquelles il ne se voyait pas vieillir et qu’il voulait toujours à ses côtés. Comme maintenant... Maintenant ? Lys ne réalisa pas tout de suite qu’il venait de lâcher la silhouette de sa meilleure amie, désormais par terre. Il ne revint à lui-même que lorsque le nom de sa cousine résonna effectivement ailleurs que dans son esprit. Puis le sien. « C’est quoi ce... ? » Alice connaissait Noah ? Noah connaissait Alice ? Il resta interdit deux secondes avant de laisser le rire s’emparer de lui. Quelle ironie. « Vous vous connaissez d’où ? » Il se sentait presque vexé de ne pas avoir été l’instigateur de cette mystérieuse relation. « C’est même pas grâce à moi ! » Mais avant que les deux jeunes femmes ne lèvent le voile, il se décida à être le premier. « Alors je commence : Noah, Alice ma cousine, Alice, Noah mon amie d’enfance de Liverpool. Noah, Alice, Lysander, l'homme le plus beau de la Terre. »

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Alice, Lysander & Noah

Lysander était un peu mon bouc-émissaire quand il s'agissait de traîner quelqu'un avec moi sur une enquête pour me servir d'alibi. C'était aussi une excuse pour le voir un peu quand je le voulais, parce que ça ne faisait pas longtemps que je l'avais retrouvé et que je n'avais pas envie le lâcher aussi facilement. J'avais déjà été forcée de me passer de lui pendant   plus de six ans parce qu'il était parti sur la côte ouest et moi j'avais intégré la côte est, à Yale. Bien sûr, on s'était vus de temps en temps, mais c'était insuffisant pour deux inséparables comme nous. Du moins, c'était insuffisant à mes yeux. Maintenant que j'avais tout ce qu'il me fallait pour écrire mon article, j'allais pouvoir profiter pleinement de lui. Parce que même s'il râlait beaucoup, je devais bien avouer que j'adorais son caractère de cochon parce qu'on se ressemblait comme deux gouttes d'eau là-dessus. « Y’a tellement de choses importantes dans ta vie, Noah, c’est fou. » Je rigolai et acquiesçai très sérieusement. « Je sais, pas vrai ? C'est fou que tu sois toujours là pour voir toutes ces choses en plus ! » En tant qu'enfant unique, j'avais compris très jeune que jamais, je n'aurais de liens fraternels avec qui que ce soit. Et pourtant un jour, Lys était arrivé, endossant ce rôle à la perfection. J'aimais plus que tout partager des choses avec lui, et notamment cette foutue vue pour laquelle j'avais presque dû le tirer par l'élastique du slip pour qu'il accepte de monter.

Sauf que juste avant d'atteindre le Graal, je me retrouvai expulsée du décor, tombant lourdement sur mon postérieur en poussant un petit cri de mécontentement. Quand je pus reprendre mes esprits, je détaillai la personne qui venait de me percuter et là, mes yeux s'ouvrirent comme des marrons. Elle répéta mon prénom et le doute de fut plus permis. Wow, Alice se tenait devant moi. Qu'est-ce qu'elle fichait là ? Mon coeur se mit à battre la chamade alors que je la dévisageais, totalement perturbée. « ... et toi, Lysander ? Mais… Qu’est-ce que vous foutez ensemble, tous les deux ? » Sortant finalement de mes pensées, je jetai un coup d'oeil perdu à Lysander, puis à Alice. « Vous vous connaissez ? » Ce gros bordel. Visiblement, on était tous les trois aussi confus les uns que les autres. « Vous vous connaissez d'où ? C'est même pas grâce à moi ! »   Mais whaat ? Et vous, vous vous connaissez d'où d'abord ? Mon crâne ne ressemblait plus à rien.

A ce moment, Alice attrapa mes mains pour me relever et j'esquissai un petit sourire confus. « Merde, j’suis désolée, j’allais un peu vite et j’étais dans mes pensées... » J'étais perturbée par la silhouette de femme que j'avais face à moi. Je l'avais perdue de vue plus de cinq ans en arrière et la jeune femme n'arborait plus les mêmes courbes qu'avant. « Alors je commence : Noah, Alice ma cousine, Alice, Noah mon amie d’enfance de Liverpool. Noah, Alice, Lysander, l'homme le plus beau de la Terre. » Mon dieu, je ne savais pas si je devais rire ou pleurer, là. Je dévisageai Lysander comme s'il venait de me parler chinois. Mon problème, c'était que je confiais tous les moments importants et pas importants à Lysander. Et comment lui dire maintenant, que la cousine qu'il venait de me présenter, c'était aussi la fille dont je lui avais parlé presque sept ans plus tôt au téléphone ? La première fille avec laquelle j'avais couché dans ma vie ? Donc je me mis à bafouiller, bien correctement. « Hm... On s'est rencontrées à New York quand je suis arrivée. On dansait souvent ensemble. » La danse n'était survenue que plus tard dans notre relation, mais là, je ne voyais pas quoi dire d'autre et je ne savais pas comment Alice allait réagir à mon "mensonge". En plus, Lys lui avait dit qu'on se connaissait de Liverpool, or j'avais toujours dit à Alice que je venais de Londres. Hashtag awkward. « Et toi, arrête d'essayer de te la péter, t'es pas le plus beau. » Voilà, me rabattre sur la vanne de Lysander, ça c'était un bon plan.       

 

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Le silence était soudain tombé entre les trois protagonistes et il ne fallut pas longtemps à Lysander pour comprendre que quelque chose se tramait. Pour que ça cloue le bec d’Alice qui avait toujours quelque chose à dire et à Noah qui ne se laissait jamais démonter, ça devait être très particulier. Il ne parvenait néanmoins pas à comprendre d’où elles avaient pu se connaître puisqu’ils ne s’étaient jamais côtoyés tous les trois. L’homme décida de faire les présentations même si visiblement, il n’y avait pas besoin de les faire. Il semblait être le seul qui n’était pas sonné par cette rencontre, par ce hasard qui les réunissait ici au sommet d’une colline qu’il n’avait jamais voulu grimper. Il allait falloir revoir son jugement à propos du karma parce que de plus en plus, l’Anglais avait l’impression que le sort décidait parfois pour eux, pauvres humains. Sans cette malheureuse bousculade, il aurait pu rester des années à fréquenter son amie d’enfance et sa cousine adorée parallèlement, sans même comprendre ce qui les liait. Elles étaient si semblables que maintenant, ça lui semblait stupide qu’elles ne se soient jamais rencontrées. Mais qu’est-ce qui les liait alors bon sang ? A l’œillade perplexe de Noah, il répondit par un haussement de sourcil interrogateur. Il n’avait pas la réponse à tout ! Pourtant, elles le regardaient toutes les deux comme s’il était la clef de l’histoire. Lys savait reconnaître le moment où il allait être sur le devant de la scène et son petit doigt de musicien talentueux et future rock star lui disait que cette fois-ci, il allait être le spectateur ravi qui dégusterait ses pop-corn en attendant de voir qui allait se jeter à l’eau. Ce fut finalement son amie qui lui expliqua qu’elles avaient fait connaissance à New York et qu’elles avaient dansé ensemble. « Dansé... » répéta-t-il d’une voix songeuse, à la recherche du mensonge. Alice s’empressa d’acquiescer et il suffit de jeter un coup d’œil au visage de sa cousine pour lire en elle immédiatement. Bien sûr, on ne faisait jamais que danser avec Alice, alias la danseuse la plus sensuelle de tout le territoire américain. Elle séduisait tout le monde et n’importe qui avec la façon dont elle bougeait son corps – sauf lui et ce n’était qu’un cas de bonnes mœurs. Il saurait lui tirer les vers du nez tôt ou tard. Si Noah pouvait s’avérer plus têtue et plus secrète, la fille Collins était trop dépendante de ces confidences régulières avec lui. Elle ne résisterait pas. « Au moins vos versions concordent sur un point, même si j’émettrais bien un doute sur votre objectivité. » Qu’elles se retournent contre lui pour se sauver la face. Lui, à cet instant, se sentait incroyablement souverain.

Quand le doigt d’Alice s’approcha de son front, Lys s’empressa de le reculer d’un geste vif. Il avait honte de tant galérer à gravir une petite colline mais le fait était là, lui et le sport ça faisait trois mille. Il savait détaler comme un lapin, mais en général, il avait une bonne raison aux fesses. Il réajusta son chapeau sur sa tête pour cacher ses boucles légèrement humides et essuya son front d’un revers de main. Plus jamais. Enfin, après cet événement, il se décida à s’approcher de sa cousine et  à enrouler son bras autour d’elle, en prenant soin de coller son aisselle contre son épaule. Ca lui apprendra. « Elle m’a laissé le temps de rien sinon de venir. Elle est comme toi, tu sais, super patiente. » Il sourit de toutes ses dents à Noah, tel un coq. Il était bien décidé à savoir ce qu’elles lui cachaient toutes les deux et il le leur faisait comprendre. Il n’avait pas honte de mettre son nez dans les affaires des autres, ça lui concernait de près de toute manière. « Je sens comme un malaise non ? » ajouta-t-il tout sourire.

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Alice, Lysander & Noah

Est-ce que ça vous est déjà arrivé de vous prendre quelqu'un de plein fouet, de cette façon ? Non, parce que je vous assure que ça doit être un truc à vivre au moins une fois, rien que pour s'écrier "j'ai survécu" juste derrière. Tout l'air s'échappe de vos poumons et vous êtes réellement sonnée pendant plusieurs secondes dans mon cas, minutes peut-être parfois. Et quand vous revenez à vous, vous n'avez qu'une envie : savoir qui est le con qui ne regardait pas en face de lui en courant à une telle allure sur un sentier où il y a régulièrement des randonneurs.

Et là, je découvre le visage d'Alice. Alice est le con qui ne regarde pas en face de lui. C'est le moment de sortir les insultes et les menaces de procès si jamais j'ai perdu des dents dans le processus. Sauf qu'il s'agit d'Alice et du coup, la moindre pensée négative s'efface aussitôt de mon crâne pour laisser place à de l'incrédulité. Pourquoi suis-je surprise ? Je sais pertinemment qu'elle habite à Los Angeles et ce, depuis bien plus longtemps que moi. Mais L.A. est une ville immense et la probabilité de la croiser un jour était pour ainsi dire, minime. Mais la probabilité qu'elle me rentre dedans pendant un jogging ? Proche de zéro, non ? J'avais bégayé un moment, bien évidemment. J'avais en face de moi celle qui représentait l'ouverture sur un tout autre monde à la fin de mon adolescence, mais là, j'avais surtout en face de moi la... cousine de Lysander.

Lysander, qui semblait totalement perdu entre nous deux. Je crois qu'Alice lui faisait des regards insistants pour essayer de lui faire comprendre pendant que moi, j'essayais à tout prix de le garder dans le flou. Oui, c'était un peu gênant parce que moi, je n'avais aucun lien de parenté avec Lys. Mais Alice était sa cousine. Plus difficile donc, d'être de mon côté, et d'avouer que j'avais couché avec elle pendant un an. La danse. La danse était donc un bon compromis, puisque ça nous avait effectivement liées avec Alice.

Même si j'étais une personne très secrète et que j'évitais en général de me confier à qui que ce soit, pour ma propre santé mentale et surtout ma protection, Lys était une exception. Et je lui avais confié de A à Z mon aventure avec Alice à l'époque. Mon dieu, j'étais tellement mal à l'aise. Si j'avais su à l'époque que je me retrouverais dans ce genre de situation, je me serais retenue. Je les regardais converser tranquillement et il n'y avait aucun doute sur le fait qu'un lien de parenté les unissait. Je n'arrivais même plus à rigoler face à la petite pointe de sarcasme que m'envoya Lysander et qui m'aurait fait partir au quart de tour habituellement. Non j'étais pas patiente, et est-ce que j'étais la seule à me retrouver hyper mal à l'aise, là ? Apparemment, oui. Je trépignai, je n'en revenais pas que Lysander n'avait jamais fait le lien. Alors quand il souleva la question évidente, la question du malaise présent, je craquai et débitai tout d'une traite, sans respirer : « Mais enfin Lys, comment t'as pu ne jamais faire le lien ? J't'ai parlé d'Alice des centaines de fois pendant ma première année à New York. J't'ai tout décrit de bout en bout quand on s'appelait et t'as jamais pensé à me dire que t'avais une cousine sur New York qui s'appelait Alice, qui aimait la danse et qui, comme par hasard, est partie pour Los Angeles au moment où je t'ai dit que mon Alice partait pour la même ville ? » Ouais, là c'était le malaise en moi qui s'exprimait et j'avais tout déversé sur mon pauvre meilleur ami. J'espérais sincèrement qu'il n'allait pas mal le prendre, parce que malgré le fait que je venais à moitié de l'engueuler, je ne lui reprochais rien du tout. J'étais juste super mal à l'aise d'avoir couché avec sa cousine pendant longtemps et surtout, de pas mal être entrée dans les détails avec lui.  Il ne s'en souvenait peut-être pas mais moi, j'avais une excellente mémoire pour les petits détails comme ça, donc j'avais tout enregistré. Et là, je me sentais comme une biche prise de panique face aux phares d'une voiture. Pourquoi je paniquais de façon aussi exagérée ? Aucune idée.  

 

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