On l'avait traîné de force dans cette boite de nuit un peu trop criarde à son goût. Elle aurait bien aimé s'occuper un peu d'elle durant sa seule journée de repos plutôt que de trainer dans un environnement bruyant. La musique assourdissante elle la subit tout le reste de la semaine au club alors un peu de silence ça fait parfois du bien. Hélas ce n'est pas ce soir qu'elle pourrait récupérer quelques heures de sommeil ou regarder les épisodes de télénovela qu'elle a manqué ces derniers jours. Ses amies n'allaient pas lui lâcher la grappe de toute la soirée. Il faut dire qu'elles s'évertuaient à trouver à Serafina, le fameux prince charmant qu'elle cherche depuis des années. Elles l'avaient donc forcées à porter sa plus magnifique tenue. La latino ne manque pas de tenues sexy dans sa penderie, le choix fut donc cornélien. C'est finalement dans une robe noire échancrée et perchée sur des escarpins rouges aux talons interminables qu'elle se fraye un chemin parmi la foule de clients de tout âge. Elle se retrouve déjà avec un verre à la main gracieusement offert par ses amies. Sera déteste avoir faire face à la pitié des gens mais elle ne dit pas mots et se contente de les remercier. Dès la première gorgée elle manque de s'étouffer avec le cocktail beaucoup trop alcoolisé à son goût. Ses camarades ne lui donnent même pas le temps de vider son verre, qu'elles la trainent déjà sur la piste de danse. C'est presque une évidence vu leur job. Et le moins que l'on puisse dire c'est que le groupe de filles a le don d'attirer les regards admiratifs, audacieux, charmeur et forcément pervers de la gente masculine. Serafina en a l'habitude désormais et c'est loin de lui déplaire. Elle qui se trouve si inintéressante, attirer la convoitise est pour elle une façon d'exister.

« Nik, qu’est-ce que tu fous ? » Je me tourne vers mes potes et leur adresse un regard exaspéré parce qu’ils savent très bien que je n’aime pas ce petit surnom à la con. Nik, c’est moche. Niklas, c’est très bien. Et je déteste encore plus lorsqu’ils veulent qu’on aille dans une boite de nuit en sachant que je n’aime pas trop ces endroits parce qu’il y a toujours trop de monde, que ça se bouscule et qu’on ne s’entend même plus lorsqu’on parle entre nous. J’aime mieux les bars où l’ambiance est toujours plus agréable, plus conviviale (lorsqu’on ne tombe pas sur des alcooliques qui cherchent la bagarre toutes les trois minutes en s’imaginant qu’on les regarde de travers). Mais je n’ai pas franchement eu le choix. C’est ma soirée tranquille, celle où je ne suis pas tenu de faire mes heures dans la nuit noire en attente de quelques toxicomanes en recherchent de drogues. Ouais, même dans le milieu, on a droit à une soirée de repos. « C’est bon, j’arrive. » Murmuré-je en glissant les mains dans les poches de ma veste en cuir. Je viens, mais je ne compte pas y être bien longtemps. Je compte bien mettre les voiles dès que l’occasion se présentera.

Un verre de whisky dans la main, je regarde ces femmes qui dansent sur la piste, qui se déhanchent, qui bougent leurs corps parfaitement moulés dans des petites robes qui ne laissent aucune place à l’imagination. Cela m’arrache un sourire en coin parce que je connais ce type de filles : des aguicheuses pour la plupart, qui ne vont jamais plus loin, qui laissent les mecs en plan, frustrés et dégoutés. Mais il y en a une qui retient mon attention : une jeune femme que j’ai déjà vu, à qui j’ai proposé quelques grammes de cocaïne. Je pose mon verre et me lève de la banquette où j’étais tranquillement assis. Je me fraie un chemin parmi la foule jusqu’à rejoindre la piste de danse. Mon regard est rivé sur elle, comme un prédateur qui fixe sa proie. Je m’approche de plus en plus, j’ai toujours cet air confiant, sûr de moi. J’esquive quelques jeunes femmes, elles ne m’intéressent pas. Pas ce soir. « Salut. » Dis-je dans un murmure au creux de l’oreille de la jolie brune au déhanché de rêve. Je la contourne afin d’être face à elle, de voir son visage, et ne plus avoir les yeux rivés sur son cul. C’est la moindre des politesses, non ?

Elle se plaignait souvent de ne pas être sociable mais elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle même. Sa vie était monotone, se résumant principalement à métro, boulot, dodo. Elle se contentait très bien de cela. Pendant des années, elle a vécu dangereusement, à plus de mille à l'heure. Alors depuis, elle avait mis le pied sur le frein. Moins on l'a voit, mieux elle se porte, elle qui pourtant serait si encline à faire de nouvelles de rencontres. Hélas c'est le revers de la médaille quand on a trop merdé par le passé. Un seul faux pas et elle serait contrainte de retourner au Guatemala, ce qui reviendrait à signer son arrêt de mort. Ce soir n'est donc qu'un petit écart qu'elle s'octroie, même si elle n'a pas trop eu le choix. Elle ne se fait peu d'illusions, ce n'est pas ici qu'elle trouvera son prince (comme le prétende ses camarades), les hommes bons ne fréquentent pas des lieux ainsi. Ce n'est que pour leur faire plaisir qu'elle les suit dans leur délire et très rapidement la bande se retrouve à se déhancher sur le dancefloor comme si leur job ne leur en demandait pas assez. Mais avant d'être un boulot, la danse est un plaisir pour Serafina. Elle s'imagine bien souvent sur les plus grandes scènes du monde mais ce n'est qu'une illusion, un rêve inaccessible. On ne voudrait pas d'elle dans le milieu, voilà pourquoi elle exerce son art dans des clubs peu recommandables. Le murmure d'une voix masculine au creux de son oreille la tire de sa rêverie. Un frisson parcourt son corps comme à chaque fois qu'on l'aborde sans crier gare. Toujours cette peur que de voir les flics lui mettre les menottes aux mains. D'un air méfiant, elle fixe le jeune homme qui ne lui est pas si inconnu que cela. Cela ne l'empêche pas de rester sur ses gardes. Les autorités se cachent partout, surtout là où on les attend le moins." Je t'ai déjà dit non. " Elle n'en veut pas de sa came. Pas qu'elle ne soit pas tentée, mais elle ne joue pas avec le feu.