Assise devant sa coiffeuse, la jeune femme regardait son reflet fatigué. Les traits tirés, elle essayait de camoufler le fait qu’elle manquait clairement de sommeil. Il était tard maintenant mais elle s’était accordé une pause pour prendre une douche ainsi qu’un peu de maquillage pour se rendre à nouveau présentable. Emmitouflée dans son peignoir élimé par les années de service, elle poussa un profond soupire en tentant de dompter sa chevelure noire comme la nuit. Optant finalement pour un chignon lâche, elle se coiffa rapidement avant d’enfiler sa tenue. Un chemisier écru en satin ainsi qu’une jupe crayon noire accompagnée de bas et de talons aiguilles. S’il y avait bien un truc dans lequel elle n’hésitait pas à dépenser parfois des petites fortunes, c’était pour ses habits. Une fois satisfaite de sa tenue, elle s’installa pour se maquiller, du fond de teint pour camoufler les cernes ainsi qu’un trait d’eye-liner pour souligner la couleur claire de ses yeux brillants.

Winter soupira légèrement avant de se lever, attachant à son poignet l’alliance autours d’une chainette avant de sortir de sa chambre pour retourner ouvrir sa galerie au rez-de-chaussée. Tout était calme. La ville s’éteignait doucement en même temps que le soleil se décidait à aller se coucher. D’ici peu de temps, elle serait sans doute la seule boutique de la rue encore ouverte mais cela ne la dérangeait pas. Parfois, des clients venaient la voir pour savoir comment avançait la restauration dont ils l’avaient chargé. Comme Michael Rodehorst. C’était un de ceux qui lui avait offert un gros chèque en échange de la mise à neuf d’un tableau qu’elle savait hors de prix. Il venait souvent la voir dans la soirée après son travail et c’était une conversation bienvenue qui rompait avec la solitude volontaire dans laquelle Winter se mettait régulièrement.

La jeune femme sourit en pensant à l’homme, alors qu’elle tournait la clef dans la serrure de la baie vitrée qui servait de porte d’entrée afin de rouvrir sa boutique. La brunette soupira un peu en regagnant l’endroit où elle passait le plus clair de son temps, son atelier de restauration juste en face de l’entrée. Enfilant sa blouse tâchée de peintures de toutes les couleurs, elle s’assit sur le tabouret en cuir usé qui se dégonfla un peu sous son poids puis elle se mit au travail, s’occupant d’abord du cadre bien plus abimé que la toile en elle-même. Ses gestes étaient précis et fluides. Elle avait l’habitude de ce genre de travail. Elle comblait les rides du temps, réajustait les dessins finement taillés dans le bois tout en fredonnant un air qui lui trottait dans la tête depuis quelques heures. Cependant, la douleur dans son cou eut raison de sa concentration. La belle brunette se leva prestement en s’étirant comme un chat, laissant ses vêtements remonter un peu plus que de raison sur ses cuisses avant de bailler à s’en décrocher la mâchoire.

Winter fit quelques pas lents vers la machine à café qu’elle lança en pressant sur un bouton, se remerciant de refaire le plein après chaque utilisation. Une fois le nectar noir coulé, elle prit sa tasse entre ses doigts fins, se laissant réchauffer par le breuvage avant d’en boire une gorgée, gorgée qui lui arracha un long soupire de bien-être. Que cela faisait du bien de se mettre un peu de caféine dans l’estomac. C’était presque devenu aussi addictif que la drogue qu’elle prenait jadis. Cette pensée la fit grimacer et elle retourna sur son vieux tabouret, tournant un instant sur elle-même pour se détendre un peu. Cela faisait près de trois jours qu’elle n’était pas sortie de chez elle, trop absorbée par sa tâche actuelle. Ce tableau était merveilleux, doux et chaleureux tout en conservant une classe qui lui était propre.

Ses talons claquaient un peu sur le parquet qui couvrait le sol de la galerie encore éclairée par les lumières artificielles qui brûlaient les rétines lorsqu’on en abusait. Elle poussa un profond soupire en faisant les cents pas dans son magasin, essayant de trouver une solution pour retirer une tâche en douceur présente sur le bois. Finalement, elle se saisit d’une bouteille de produit ménagée pour en imbiber un chiffon et commencer à frotter délicatement. Elle était tellement absorbée par sa tâche qu’elle n’entendit pas la cloche sonner l’entrée d’un client. Une légère toux la fit lever le nez et elle sursauta en remarquant l’inconnu qui se tenait devant elle. La demoiselle se leva en souriant, prête à l’accueillir, retirant sa blouse délavée. L’homme s’approcha de la belle, un sourire énigmatique sur le visage qui fit frissonner la pauvre commerçante. Winter fronça le nez en se reculant, butant contre le bureau derrière elle. « Je peux vous aider ? » L’inconnu eut un léger rire gras avant de répondre sur un ton qui voulait dire. « Je vais prendre ce qui va m’aider voyons. » Et merde… Winter grimaça, priant intérieurement pour que quelqu’un daigne pousser cette foutue porte transparente histoire de ne pas avoir à utiliser le peu de force qu’elle avait.