I am not in danger. I am the danger.

La pluie était en train de s’abattre violemment sur les carreaux, comme si celle-ci se pensait assez forte pour les briser afin de venir me fouetter le visage. Barf, après tout, les éléments, c’est ce qu’il y a de plus fort au monde non et la pluie en fait partie… Le coude sur la vitre en question, vitre terriblement froide, j’observais le noir qui se présentait à moi, les ténèbres qui me semblaient désormais familières. « Monsieur Renfield ? Teddy, vous êtes avec moi ? Venez je vous prie. » Je détournais mon regard des gouttes dégoulinant pour venir à nouveau le fixer sur le mec en costume qui semblait toujours perplexe. Avec regret, je me détachais de ce mur de brique tenant d’une main féroce cette vitre puis je venais me replacer sur le divan que j’arpentais depuis bien trop longtemps maintenant. Je frottais mes mains à présent moites sur mon jean afin de croiser mes mains pour soutenir ma tête via mon menton. « Très bien, merci. Je ne veux pas vous brusquer mais… il serait temps de faire des efforts, d’avancer. Vous ne progressez pas beaucoup depuis nos dernières séances et cela m’inquiète. » J’me mettais à rire, déployant le peu de voix qu’il me restait, qu’est-ce que j’pouvais répondre à ça ? Je frottais machinalement mes cheveux blonds tout en me pinçant les lèvres, fallait que j’réponde, que je prouve que tout ceci ne servait à rien. « Écoutez Monsieur Bowman, je n’ai rien contre vous, c’est juste que… J’ai tout perdu, je ne sais plus quoi faire. Chaque jour on m’apprend une vie dont j’ignore tout, c’est la loterie du hasard et des nouvelles. Vous pensez vraiment que c’est facile ? Essayez de vous réveiller sur un lit d’hôpital complètement paralysé et à vous demander ce qu’il passe, où vous êtes mais surtout qui vous êtes. » J’regardais le psy griffonner sur sa feuille comme s’il se foutait de tout ce que j’balançais. J’avalais ma salive et me calais sur le divan sans rien ajouter. Je l’observais en train de relever le menton vers moi. « Je le sais très bien Monsieur Renfield mais il est important pour vous de prendre du temps à vous reconstruire et surtout ne pas brûler les étapes. » J’fermais un instant les yeux tout en me laissant bercer par le bruit de l’eau suicidaire. Une colère que je ne connaissais pas montait en moi comme un volcan prêt à exploser, mais en même temps, qu’est-ce que je connaissais vraiment ? « Brûler les étapes ? Mais j’avance à rien, je n’ai qu’une envie, reprendre le boulot que je faisais avant, repartir en faisant un bond en avant, continuer ma vie, c’est tout. Avec vos séances j’ai l’impression qu’on me fait perdre mon temps, tout simplement. » J’entendais le souffle du psy visiblement dépité. J'soufflais à mon tour, il allait vraiment me tuer à petit feu. « Vous savez il est de mon devoir de vous aider, après un événement aussi traumatisant qui a eu lieu en service, on ne peut pas vous lâcher seul dans la nature sans un suivi régulier, ce sera trop dangereux. » J’me mettais à rire une nouvelle fois en lâchant « Trop dangereux pour moi ou le monde qui m’entoure ? » Un raclement de gorge provenant de Monsieur Bowman mais aucun son provenant de sa gorge, étonnant. « Bien, concernant votre travail, je doute fort que vous puissiez le reprendre, pas aussi tôt en tout cas. Pouvez-vous bien me parler de vos dernières révélations concernant votre vie ? Vos émotions sur le moment. J’aimerais aussi connaître vos derniers bilans de santé, après tout vous vous êtes fait tirer dessus à plusieurs reprises et après un aussi long coma, vivre avec une amnésie dans un monde dont on ne se souvient plus de rien, c’est extrêmement difficile. » Ma bouche s’était entrouverte, je n’avais quasiment rien écouté de ce qu’il venait de me dire. J’avais juste entendu le fait que je n’allais peut-être pas reprendre le boulot. Toutes ces années de dur labeur afin de devenir un combattant de la justice, envolé en une fumée plus que poudreuse et toxique. J’regardais un instant mes mains alors qu’une douleur s’emparait de ma colonne vertébrale. Elles se mettaient à nouveau à trembler et je ne remarquais que trop tard que le médecin en face de moi venait également de le remarquer. Merde, j’étais foutu, j’avais envie de tout exploser. Si j’devais faire profil bas, mentir pour obtenir ce qui a l’heure actuelle m’attirait, j’le ferais. Je me raclais alors la gorge, planquais mes mains l’air de rien et tentait d’attiser la colère, l’air de rien. « Bien… J’ai emménagé avec mon frère jumeau à ma sortie de l’hôpital. C’est assez tendu à voir un homme qui me ressemble comme deux gouttes d’eau alors que j’ignore qui je suis… Je suis retourné à la brigade, il y a une petite fête à mon honneur, c’était plutôt pas mal et… » Et j'devenais fou à m'entendre. Et j'continuais à déblatérer pendant encore trente minutes, essayant de le convaincre un maximum sur mon bon état positif. Après une poigne de main soignée, je le remerciais d’un air enthousiaste et me forçais à ne pas afficher un rictus alors qu’il m’annonçait un prochain rendez-vous. Bordel, ma vie était devenu un enfer incontrôlable et sinueux …