Los Angeles, 20 h 54

Après les longs câlins de bonne nuit accompagnés de l’histoire du soir, Finn était enfin couché et sa porte de chambre fermée. Il dormait à poings fermés. Olivia s’installait sur le balcon de son appartement. Pieds nus, jambes tendues et croisées appuyées sur une autre chaise, la demoiselle se détendait après une énième journée à courir.  Sur la table se trouvait un bloc note et des stylos, une jolie trousse bien garnie indice de son côté créatif et artistique. L’objectif de ce soir était de suivre les conseils de sa tante et d’écrire une lettre pour son fils. Les mystères qui entourent sa naissance l’habitaient tous les jours. Les questions étaient peu fréquentes chez l'enfant à ce sujet, mais elle le  touchaient particulièrement . Alors, Olivia avait eu l’idée de lui écrire une lettre lui expliquant sa naissance, la vie de sa maman et la vie de son papa, absent. Sa tante, grand pilier de sa nouvelle vie, trouvait l'idée bonne. Surtout qu'elle savait qu'Olivia elle-même avait parfois du mal à parler de son histoire calmement.

« Ma chère petite Glue, »

Commença-t-elle. Depuis tout petit, Flinn était collé à sa mère : câlins, questions, histoires, jeux… Il occupait beaucoup l’espace vital d’Olivia. D’où ce surnom qui les amusaient.

« Je m’adresse à toi dans cette lettre parce que tu te poses beaucoup de questions vis-à-vis de ta naissance, de ton papa et de la vie de ta maman. Les grandes personnes ne sont parfois pas les meilleures pour expliquer simplement leurs histoires aux enfants. Parfois il leur faut du temps pour trouver les bons mots. J’en fais partie. Je préfère donc te faire une lettre que tu pourras en plus lire et relire quand bon te semblera. Aussi, tu pourras ainsi me poser d’autres questions, car tu sais que je peux répondre à toutes tes questions.

Maman, comme tu le sais, est née à Londres en Angleterre. L’île que je t’ai montrée en Europe. J’ai grandi avec mon papa et ma maman. Ils sont toujours à Londres, c’est très loin de Los Angeles. Avec mon papa et ma maman, papy et mamie, nous avons beaucoup voyagé. Tous les ans nous partions visiter une ville ou une région du monde. Nous allions régulièrement à Los Angeles pour voir la famille de mon papa, dont Tata chez qui nous allons souvent. Papy est né ici, à Los Angeles, mais il est parti pour habiter avec mamie à Londres. C’est une très jolie histoire d’amour qu’ils peuvent te raconter. Quand j'étais petite, je leur demandais tout le temps de me raconter leur histoire. Un conseil de maman : fait le ! Papy la raconte très bien.

Maman a donc grandi à Londres aussi et elle passait ses vacances dans des jolis endroits. Quand je n’étais pas en vacances, j’allais à l’école, comme toi. J’ai beaucoup changé d’école. Quand on grandit, on peut changer d’école. Moi, j’ai changé à la fois d’école et de ville en même temps, lorsque je suis arrivée au Lycée. J'étais bien plus grande que toi, mais tu verras, cela arrive vite mon cœur. »

Le dernier paragraphe sonnait étrangement. Olivia se relut et se pinça les lèvres. Elle n’avait jamais été très bonne à l’écriture, donc elle ne s’attendait pas à être auteure du jour au lendemain, même si pour son fils elle décrocherait la lune. Dans son histoire, Finn allait bientôt arriver. Et qui dit Finn, dit lui. Olivia soupira en posant son stylo sur son carnet. Son regard se tourna ensuite vers l’horizon, doucement, et s’y attarda un bon moment.

Caesar. Elle avait tellement de mal à parler de lui à son fils. Pourtant il était son père et Finn était en demande de réponses le concernant. Absent, mais un père quand même, un être humain avec une existence réelle dans ce monde. Pas un mot, pas un signe. Depuis toutes ces années, jamais ce Caesar n’avait eu l’envie ou le courage de la recontacter. Juste une belle somme d’argent en échange d’un secret bien gardé et d’aucun débordement de la part d’Olivia, voilà quel était le contrat. Il connaissait la situation d’Olivia mais il ne l’aidait pas. Il savait la vérité mais ne s’intéressait pas à elle. Non, c’était maman qui avait aidé petit Caesae Seymour à se sortir d’une salle histoire. Il ne devait pas être tâché le tout petit bébé à sa maman. Non, il devait être loin de tout cela, et puis, ce n’était pas de sa faute si Olivia ne se protégeait pas quand même. La somme d’argent et l’idée venait de maman. Et ça se dit duc. Ou fils de. Olivia ne savait plus bien. Sa rancœur était telle qu’elle noircissait tous ses souvenirs le concernant. Elle ne voyait même plus l'amour qu'il lui avait portée, car cela avait été un sentiment bien réel. Duc ou non, il n’y avait bien que la réputation. Les valeurs de ces personnes si aisées n’étaient que du vent, ils achètent leurs réputations à coup de millions. Le million était une bonne aide pour Olivia, c’est ce qui lui avait permis de fuir son chagrin et d’aller retrouver des personnes qui la soutenaient dans cette épreuve. Être maman à dix-sept ans alors que l’on ne s’est jamais imaginé mère avant, c’est la réalité que l’on se prend en pleine tête. Être seule face à cette épreuve, c’est encore pire. Quand Olivia avait su qu’elle était enceinte, il était déjà bien trop tard pour avorter. Déni de grossesse diront nous, mais en tout cas, elle était loin de s’imaginer être enceinte car aucun signe ne montrait vraiment la vie qui grandissait dans son ventre. Au vu des souvenirs de la demoiselle, seules ses règles avaient disparu, mais même avec une pilule, elle n’arrivait pas à être vraiment régulière. Du coup, elle en testait de nouvelle constamment. Elle n’avait rien senti venir, c’était arrivé d’un coup et impossible de se souvenir de la conception de cet enfant. En revanche, une certitude demeurait : Ceasar était le père. Il n’y avait qu’avec lui qu’elle couchait depuis un certain temps, à cause de leurs élans de jalousie. Dès que l’un se rapprochait trop de quelqu’un d’autre, l’autre le rattrapait en lui faisant comprendre que leur relation libre n’était finalement pas si libre que ça. Rien n’était officiel pourtant. Rien. Alors un enfant dans cette histoire fut un grand choc. Une explosion.

Les premiers à avoir été fortement atteints, après notre demoiselle, fut ses parents. Ils ne s’en sont d’ailleurs jamais vraiment remis. Pour la première fois de sa vie, Olivia connut ce qu’était la déception. Elle la voyait tous les jours dans les yeux de ses parents. Compréhensible, puisque ce n'était pas le projet d'avenir qu'ilks avaient imaginé pour leur fille adorée. De plus, Olivia avait toujours été une fille très intelligente, qui aimait s'instruire et découvrir de nouvelles choses. Raté, avec un bébé, difficile de poursuivre de longues études. Ils l’obligèrent à aller annoncer la nouvelle à la famille de Caesar, par respect. Quand leur fille revient avec un million, ils furent déçus de la réaction des autres parents. Leur fille n’avait pas à garder cet enfant seule, il avait bien un père. Mais puisqu’Olivia avait donné sa parole à cette duchesse, jamais ils ne l’auraient trahie. Il faut dire que la demoiselle avait été très discrète à ce sujet aussi, l’ayant très difficilement vécu. Elle avait vu celui en qui elle espérait un soutient partir faire un tour et s’était faite évacuée par sa mère d'une manière violente. La demoiselle était dans une histoire compliquée et elle avait du mal avec cette nouvelle situation. Rapatriée à Londres sur le coup, elle partit ensuite chez sa tante à Los Angeles et finit par y rester car ses parents étaient bien trop honteux du comportement de leur fille. Ils prétendaient ne pas être atteints, pourtant on ne parlait que de l’avenir détruit d’Olivia et de ce petit garçon qui allait très mal grandir. Ils s’étaient proposés d’aider leur fille, mais Olivia n’accepta pas leur aide, elle leur promit de réussir sa vie d’une autre façon et partit. Elle ne reviendrait que pour des vacances, car malgré tout, ses parents étaient là pour la soutenir à leur façon et elle les aimait plus que tout au monde. Savoir qu’ils n’étaient pas très riches renforçait son idée de se débrouiller seule, loin, et de repartir à zéro avec ce petit garçon. Une vie brisée et une famille brisée. Olivia ne pouvait pas raconter ça à son fils. Elle aurait tellement aimé avoir une autre histoire à raconter à son fils…

Olivia ferma son bloc note. Ce n’était pas maintenant qu’elle allait faire une lettre à son fils pour lui expliquer qui était son père. Elle n’était pas prête. Toujours pas. En sept ans, la rancune n’avait pas diminué, elle était toujours aussi vive. Elle retourna dans son appartement, rangea les affaires qui trainait et se prépara pour la nuit.