même si la route est encore longue« Yo le chinois ! » Je lève mes yeux au ciel dans un soupir las. Blague antique. Les gens arrivent encore à se croire drôles à appeler tous les asiatiques comme ça ? Je n'ai jamais été plus américain qu'un américain je crois. M'enfin, ça, les gens s'en fichent complètement. Il suffit d'avoir une tronche à part pour être catalogué. Je ne sais même pas comment avouer que ma mère est à la foi d'originaire des philippines mais avec du russe qui s'est glissé par là et un père avec du sang 100 % coréen mais hawaïen. Ça a fait se mélange absolument charismatique que je suis devenu. D'ailleurs, mes parents m'ont eu relativement tard. Enfin, pour mon vieux, il avait la quarantaine passée alors que m'man est plus jeune que lui. Un second mariage pour lui, un coup de foudre pour un architecte charismatique qui avait déjà perdu sa fille et qui éduquait son petit-fils lorsqu'il l'avait. C'est un peu étrange d'ailleurs de me dire que mon neveu est plus vieux que moi dans l'fond. Bref. On s'en fout.
Los Angeles.
Je n'y suis pas né. Non. P'pa a eu un contrat hyper intéressant dans le Missouri pour créer plusieurs petites villes très écologiques. Il était à fond sur ça. Fallait l'entendre se mettre à vociférer sur le nucléaire et tout ce que ça a pu apporter de négatif dans le monde. Des fois, j'me dis qu'il était expert dans une autre vie. Entre nous, c'est fortement possible. Du coup, malgré son salaire plutôt colossale et tout ce qu'il a pu hériter de parts et d'autres de sa famille, on vivait dans une petite ville pourrie où le seul amusement consistait à avoir des trucs encore plus écologiques que l'année précédente. J'ai toujours détesté ça. Je jouais juste les gosses mignons devant le visage beaucoup trop beau de ma mère.
LA, c'était un bol d'air frais avec son monde qui fourmille, sa pollution, son taux de criminalité et sa diversité. C'était l'endroit rêvé pour moi, pour réussir à devenir qui je voulais. Loin, très loin de l'image du garçonnet mignon de la maison qui était un Kang et qui devait alors, forcément faire quelque chose de bien dans ce monde. Parce que vous voyez, je viens d'une famille de cons, mais d'une famille de cons au coeur noble. Ne pas assumer son côté peste, je trouve ça dommage.
J'ai rencontré mes complices à la fac, dès le début de ma première année. Pendant un an, on a appris à se connaître, s'apprivoiser, devenir amis, savoir si on pouvait se faire confiance ou pas, ce qui n'est relativement pas évident. Et puis, on a fini par évoquer les possibilités d'arnaquer, ce qui serait cool de faire. D'abord comme une blague, puis comme un jeu, et enfin, c'est devenu concret, depuis deux ans déjà.
Et puis, il y a 13 mois, mes parents sont morts. Il adorait les voyages en mer. Genre… Vraiment et souvent, ils partaient avec des amis pendant un mois ou deux, parce qu'ils pouvaient se le permettre. Une nuit, une tempête s'est éclatée à les faire couler sans leur donner vraiment de chance. Elle ne s'était pas annoncée non plus. J'ai appris ça en cours, et j'ai attendu qu'ils soient tous finis afin de prendre un avion et de partir rejoindre la maison.
J'ai hérité de tout. Enfin presque. Il y a forcément une part pour Raphaël, mais sinon, ouais, j'ai hérité du reste, m'offrant un confort de vie non négligeable vu les placements intelligent qu'il a fait durant sa vie. Il n'était pas du genre à dépenser des sommes astronomiques pour des conneries. Alors maintenant, j'en profite. J'ai acheté un appartement, une voiture, une moto, et fais des placements judicieux. Comme lui avant.
Etrangement, leurs morts m'ont permis de ne plus culpabiliser. Je sais qu'ils n'auraient jamais accepté ce que je fais, pourquoi je vis. Là, je n'ai plus vraiment de barrières, ils n'ont plus de mots à dire en un sens. Pourtant, sa voix reste dans un coin de ma tête lorsque je vais revendre des objets volés.
« Mais enfin, qu'est-ce que tu fais ? » Et je me mets à sourire comme un idiot, parce que ça le fait vivre encore un peu, d'une certaine façon.