Calypso s'était finalement laissée tenter par une virée en ville. Après des heures de négociations avec ses anciennes sœurs Gamma Psi, elle avait bien du admettre qu'une bonne cuite ne pouvait pas lui faire de mal. C'est donc les yeux pétillants d’excitation, que notre belle Calypso se vit arpenter les rues simplement vêtue d'une petite robe noire qui laissait peu de place pour l'imagination. Elle s'arrêta un moment, laissant ses amies s'éloigner. Un jeune homme se tenait dans l'ombre d'une ruelle, tout près du bar qu'elle avait l'habitude de fréquenter. Elle le vit échanger quelques mots avec une jeune fille qu'elle reconnu immédiatement, pour l'avoir déjà croisée plusieurs fois dans les couloirs de la UCLA. La jeune fille s'avança dans sa direction, avec un sourire significatif sur le coin des lèvres. De quoi passer une bonne soirée, l'entendit-elle murmurer au passage.
Calypso se tourna vers ses amies qui l'attendaient un peu plus loin et leur fit signe d'avancer sans elle. Prudemment elle se dirigea vers le garçon qui pouvait sans aucun doute lui fournir les mêmes pilules magiques qu'elle avait déjà eu l'occasion de prendre au cours d'une soirée sur le campus.  

Salut, tu ne saurais pas où je pourrais trouver...

Elle s'arrêta en plein milieu de sa phrase, elle avait peut-être parlé un peu fort? Elle regarda autour d'elle, mais tout le monde semblait bien trop occupé pour se soucier d'eux. Elle se rapprocha du garçon et lui murmura dans l'oreille :

Tu sais bien... Ces petites pilules qui te font voir des étoiles.

Elle eut un petit rire nerveux. Elle n'avait jamais effectué ce genre de transaction auparavant. Ses amis s'étaient toujours chargés de le faire pour elle. Elle se sentait idiote tout d'un coup. Elle passa une main dans ses cheveux :

Je veux dire, celles qui te font te sentir bien, comme sur un petit nuage.

Elle sourit, se balançant d'un pied sur l'autre, l'air mal-à-l'aise.

Le garçon esquissa un sourire dans sa direction avant de lancer :

« Écoute princesse, j’ai absolument tout ce dont tu as besoin, mais il va falloir que tu sois un peu plus précise dans ta demande.»

Calypso se renfrogna. Elle avait l'habitude que tout se passe toujours comme elle le voulait. Mais si il y avait un domaine où elle n'avait aucune expérience c'était bien celui-ci.

« Quelles sont ces pilules que tu réclames ? Tu connais le nom ? »

Elle baissa les yeux. Non, décidément elle n'arrivait pas à s'en rappeler. C'était quelque chose de complètement fou, qui vous faisait vous sentir bien. Elle aimait ces pilules parce-qu'elles lui permettaient d'être quelqu'un d'autre le temps d'une soirée.
Elle sourit à sa dernière remarque.

Je ne sais plus... Peut-être quelque chose comme... je l'ai déjà entendu dans une chanson.

Elle releva des yeux pleins d'espoir vers lui, avant de partir d'un rire léger.

Ce que je peux être bête parfois... je suis désolée de te faire perdre ton temps.

Elle releva la tête, et observa le visage du garçon qu'elle avait en face d'elle. Il avait l'air plutôt jeune, ses cheveux étaient en bataille, et il avait cet air tendu bien dissimulé derrière son sourire. Après tout, c'était peut-être le prix à payer pour vendre ce genre de trucs. Une tension constante, le regard alerte, et ce sourire énigmatique. Elle s'entendit chantonner l'air qu'elle avait dans la tête. It's like a pain in the chest... Despair, Hangover and...
Elle se sentait grisée, peut-être était-ce l'air du soir chargé de cette odeur sucrée d'alcool, ou était-ce ce sentiment d'interdit qui l'envahissait alors? Elle se sentait tellement loin de la Calypso timide et renfermée qu'elle était quelques instants plus tôt.

Calypso était nerveuse , ce garçon paraissait tellement sûr de lui, maître de lui-même. Il esquissa un sourire dans sa direction avant de lui lancer :

« Pour nous, c’est toujours suspect les gens qui débarquent sans savoir ce qu’ils veulent… Qui me prouve que t’es pas une bleue ? »

Calypso se fendit d'un drôle de sourire, elle fit mine de tripoter le col de sa robe et croisa son regard :

Merde John, je crois qu'on est repérés.

Souffla-t-elle dans son micro imaginaire. Elle éclata de rire et passa une main sur sa robe comme pour en effacer les plis.

« T’as pas l’air d’une toxico… Pourquoi ça t’tente à ce point, dis-moi ? »

Elle reprit son sérieux. C'était vrai ça, pourquoi tenait-elle tant à ces pilules? Elle aurait aussi bien pu rebrousser chemin, retrouver ses amies dans la boîte et oublier ce garçon les sachets qu'il trimbalait sur lui et son drôle de petit sourire.
Mais elle avait besoin de ça ce soir, besoin d'être quelqu'un d'autre. Mais comment pouvait-elle lui expliquer qu'elle n'était plus la même ces derniers temps, qu'elle voulait vivre sans penser à sa famille, à son nom, à ce qu'on penserait d'elle. Comment pouvait-elle lui dire tout ça, à lui, cet inconnu qui ignorait tout :

Je voudrais juste être quelqu'un d'autre.

Et dans cette simple phrase pouvait se lire toute la misère qu'elle ressentait, ce dégoût d'elle-même et cette soif de vie qui bouillonnait en elle. Elle rêvait de casser les codes, de devenir cette gamine rebelle, de repartir au bras de n'importe quel inconnu qui lui plairait, ça pourrait être lui, un autre, n'importe qui. Elle rêvait d'affronter ses parents. Mais ce n'était pas elle, ce n'est pas moi.

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