« Hey, je suis désolée de t’appeler aussi tard dans la soirée mais… » J’ai la voix hésitante, tremblante. Je suis danseuse, il m’est arrivé de jouer la comédie lors d’apparitions exceptionnelles dans des séries ou des longs métrages sur le thème de la danse mais je n’ai jamais appris à agir naturellement en cas de danger. Je suis assise en tailleur sur mon lit, la fenêtre ouverte et menant tout droit sur la rue. Aucun souci à se faire, personne ne peut rentrer par cette fenêtre, je suis à l’étage et la hauteur est suffisamment importante pour dissuader n’importe quel dingue de tenter d’escalader. Il me serait également impossible de sauter si quelqu’un entrait dans la chambre avec de mauvaises intentions. Prise au piège, j’ai l’impression d’être prise au piège alors que personne ne se trouve à l’intérieur, pas encore en tout cas. « Il y a quelqu’un qui m’observe à l’extérieur, j’ai peur ! » Pour la première fois de ma vie je prononce ces mots. La peur, ce n’est pas quelque chose que j’ai l’habitude d’exprimer explicitement, j’intériorise toujours pour avoir l’air forte et impassible. Autant vous dire que j’essuie un échec sans nom ce soir en appelant Thom à l’aide. Il est la seule personne à proximité en qui j’ai suffisamment confiance, le seul qui parvient à me rassurer. Il connait la maison comme sa poche et passe autant de temps ici que moi, impossible qu’il n’ait pas repéré qu’un mec étrange m’observe. J’ai été prise plusieurs fois en filature ces dernières semaines. Au début je pensais être dingue, puis j’ai reçu ce mystérieux coup de téléphone… Adrian. Il est sorti de prison, on m’a passé un coup de fil pour me prévenir, il a essayé de revenir dans nos vies mais Jagger l’a envoyé sur les roses et je lui ai gentiment demandé d’aller se faire foutre. Il m’a harcelé pendant des semaines sans succès, mon déménagement à Los Angeles est tombé à point nommé et nous a permis de nous éloigner de lui… Il a juré de me retrouver, l’aurait-il fait ? Pire, aurait-il payé quelqu’un pour s’en charger à sa place ? Je ne suis pas rassurée. « D’accord, je t’attends, merci. » Je me sens déjà mieux, il ne tardera plus et j’aurais ce putain de réflexe étrange, je lui sauterais dans les bras pour me réfugier avant qu’il ne m’accompagne pour faire le tour de la maison et des environs. Je passe le plus naturellement possible devant la fenêtre et constate qu’il se tient toujours là, je ne parviens pas à voir son visage d’où il est. Un frisson me traverse et me fait tressaillir. Thom, où es-tu. Je ne supporte pas que cet enfoiré puisse se rincer l’œil de là où il est, je décide donc d’éteindre la lumière de ma chambre et de m’éclairer de mon téléphone pour me déplacer jusqu’à l’autre bout de la pièce, le plus loin de la fenêtre.
Clic, la maison est plongée dans l’obscurité, je ne vois rien et je n’ose même plus allumer mon téléphone par peur de tomber sur la mauvaise personne. « Greta ? » La tension redescend immédiatement, je me redresse et hausse le ton pour qu’il puisse m’entendre de là où il est. « Thommy, j’suis à l’étage, dans ma chambre ! » Il commence à monter quand un grand bruit sourd me désoriente et me fait sursauter. Un autre mec attrape Thom et ils tombent tous les deux à terre. Pas le temps de comprendre ou de poser des questions, je saute sur mon téléphone que je déverrouille afin de partiellement nous arracher à l’obscurité et attrape le premier objet qui se trouve sur mon chemin : un vase. Inutile d’enlever les fleurs, je l’explose sur la tête de l’inconnu, c’est lui qui m’observait, j’en suis maintenant persuadée. Il grommelle, se laisse aller à quelques jurons et allume la lumière. « Ne bouge pas enfoiré où j’appelle la Police ! » Thom est à terre, il ne tardera pas à reprendre ses esprits et à maitriser cet enculé.