Cela faisait un moment qu’une distraction aussi appréciable que la demoiselle ne s’était pas montrée dans sa galerie. Et c’était une bouffée d’oxygène pour la restauratrice qui se sentait presque immédiatement aussi fraîche qu’après avoir dormi une nuit entière – ce qui arrivait de plus en plus rarement surtout avec les visites de Michael – et avoir pris un bain délicieusement chaud. Elle en aurait presque oublié de boire son café. La jeune femme lança un regard au chien avant de s’approcher pour faire la bise à son amie. La blonde était décidément toujours aussi belle, distinguée et chic. Elle ne pourrait sans doute jamais se lasser de la regarder et de l’admirer pour l’assurance qu’elle dégageait contrairement à la brune, encore aux prises de ses démons.

« Très bien et toi ? Tu vas être servie j’ai reçu un tableau qui devrait te plaire ! Tu veux un café ? » Elle retira sa blouse en posant sa tasse sur le plan de travail avant de poser le vêtement sur le tabouret de travail avant d’aller préparer ce que souhaitait la blonde qui était venue lui rendre visite. Puis, Winter entraîna la jeune femme vers un coin de la galerie où étaient exposées des œuvres un peu plus chères mais nettement plus précieuses. A l’abri des regards, il y avait un coin où seuls les amis et proches de la directrice étaient emmenés. Bien entendu, Brynn faisait partit de ces gens-là. Elle lui désigna une œuvre susceptible de plaire à la beauté fatale qui venait d’entrer dans son magasin.

« Je n’ai pas eu besoin de la restaurer, elle vient d’un peintre européen qui commence à se faire un nom dans le domaine de l’abstrait. Je trouve qu’elle apporte un peu de sérénité et surtout une prestance assez incroyable. Comme toi. » Winter sourit à la jeune femme avant de croiser les bras, jetant toujours des coups d’œil au chien qui était pourtant bien sage. Winter avait du mal avec les animaux, surtout cette espèce précisément mais elle se gardait bien de le dire tant que le petit être à poil ne cherchait pas à lui croquer un bout de mollet. Elle croisa finalement les bras en jouant avec le tissu de sa robe pour s’occuper, tic nerveux qu’elle avait depuis qu’elle était entrée dans le centre pour jeune délinquant bien des années plus tôt. Cela faisait plus de dix ans d’ailleurs. Que le temps passait vite… Winter poussa un léger soupire avant de se reprendre et de faire renaître le sourire sur son visage fin.

Habituée à ce que prenait la jeune femme, Winter mit donc un café serré dans une tasse noire avant de la porter aux mains de son invitée. Elle lui fit un beau sourire, de ceux dont elle avait le secret et dont elle ne se rendait même pas compte. Depuis qu’elle était sortie de l’enfer de la drogue, l’artiste n’arrivait plus à se rendre compte du charme qu’elle possédait. Des regards qu’elle attirait. Des envies qu’elle suscitait. Elle voyait Brynn comme une amie, au-delà de la cliente qu’elle était. C’était une très belle femme, indéniablement que la restauratrice la trouvait à  son goût mais jamais elle n’aurait l’initiative de faire un pas vers elle. C’était au-dessus de ses forces, il était impossible pour la belle brune de se dire que quelqu’un pouvait la désirer, que Brynn pouvait avoir envie de la caresser, de la coucher dans des draps pour les froisser sous leurs ébats.

Toutes les deux devant le tableau réservé par Winter pour la blonde, elle expliquait un peu le ressentit de l’œuvre qu’elle avait, pourquoi elle conviendrait tant à la demoiselle. La jeune femme eut un sourire rassuré en entendant son amie confirmer ses dires. Elle pencha la tête cependant à la dernière phrase, ses joues s’empourprant légèrement. « Je… Merci. Tu es une très belle femme également. » Peu habituée aux compliments, la jeune femme détourna le regard un instant avant d’entendre Brynn parler de son chien. Elle eut un haussement d’épaules gênés avant de reposer ses yeux sur le visage parfait de sa fidèle cliente. « Je me doute que ton chien est bien dressé. C’est juste… Une peur irrationnelle. Mais ça va mieux. » Hésitante, elle eut un sourire en coin avant de tendre les doigts et de caresser le pelage doux de l’animal, le bras tremblant. Cette phobie, elle l’avait depuis son enfance, depuis que le chien du voisin l’avait coursé alors qu’elle savait à peine marcher.

Cependant, le compagnon de la jeune blonde semblait nettement moins nerveux et méchant que l’animal de la maison d’à côté. Lorsque son amie posa une condition au transfert de l’œuvre, Winter leva les yeux vers elle et hocha la tête, tout sourire. « Comme d’habitude, bien entendu. Je ne comptais pas faire autrement. » La brunette laissa finalement sa main tomber le long de son corps. Elle aimait aller chez Brynn, son appartement était toujours très propre et très luxueux, c’était presque le rêve de l’orpheline. Même si elle ne savait pas tellement quel était le véritable métier de la jeune femme, elle se sentait en sécurité en sa compagnie. En sécurité mais, son passé restait irrémédiablement scellé. C’était son jardin privé. Les cicatrices présentes sur son corps parlaient déjà suffisamment pour elle. La seule chose qu’elle ne cachait pas, c’était les légères marques de piqûres qui restaient au creux de ses coudes. Elle n’avait pas honte de celles-là. C’était une force. Elle s’était sortie de l’addiction dans laquelle elle se trouvait.

« Comment vas-tu sinon ? Avec tout ça, je ne t’ai même pas demandé. Ca faisait un moment que tu n’étais pas venue me voir, tu me manquais ! » Winter eut un beau sourire avant de l’entraîner dans un fauteuil de cuir juste en face de l’œuvre, s’installant à côté d’elle. Elle croisa les jambes, laissant sa robe remonter très légèrement sur ses cuisses fines et musclées. La demoiselle posa ses coudes sur son genou avant de boire une gorgée de café, observant son amie avec cet air qui signifiait qu’elle se sentait bien. « Oh attends, je vais fermer la galerie, on sera tranquille. » La belle se releva d’un bon, faisant claquer ses talons sur le sol en allant tourner la clé de la porte d’entrée, balançant des hanches puis elle se réinstalla à côté de la jeune femme. « Voilà, on ne viendra pas nous déranger. »

La jeune femme sourit doucement à Brynn pour la remercier de son compliment, c’était toujours plaisant de se faire complimenter même si ce n’était que pour un café ou une autre chose aussi banale. Winter n’était pas du genre à rentrer dans les bonnes grâces des gens en les flattant. Ses louanges étaient rares et elles n’étaient pas forcément appréciées à leurs justes valeurs. Cependant, la demoiselle ne s’en formalisait pas tellement, préférant se dire que les gens ne savaient simplement pas comment elle fonctionnait. Après tout, la restauratrice était du genre à ne surtout pas se dévoiler, à rester dans les murs qu’elle avait érigé autours de son cœur.  Elle devait se protéger du monde extérieur, du jugement des autres et de leurs petits sourires compatissant qu’elle détestait tellement.

Les chiens, c’était une peur étrange qu’elle avait, en vérité. Parfois, ils ne la dérangeaient pas, parfois, elle avait envie de les fuir autant qu’elle le pouvait. Winter poussa un profond soupire en regardant la blonde assise à côté d’elle. Cette femme était tenace, la restauratrice sentait que son amie brûlait de curiosité de la connaître mieux mais c’était impossible. Elle n’avait pas la force et encore moins l’envie de lui révéler ce qui s’était passé tout au long de sa vie, de son ancienne vie plutôt. « Tu devrais faire attention au surmenage, tu connais ce genre de truc mieux que moi. Bon, je suis un mauvais exemple, je passe mon temps à travailler. Mais tes visites me permettent de souffler, ça me détend. »

La jeune femme lui sourit, jouant un peu avec le bas de sa robe pour s’occuper les mains, ne se rendant même pas compte que parfois, le tissu se soulevait un peu trop haut. Heureusement qu’elle avait décidé de ne plus être pudique mais de juste cacher les plaies qui parsemait son corps qui, malgré la grossesse avortée avait gardé sa superbe. Peut-être était-ce parce qu’elle s’était mise à faire du sport, juste un peu de course mais elle avait vite abandonné, ce n’était réellement pas pour elle. « Donc, tu as ta soirée pour toi ? On pourrait commander chinois ou autre et se faire un petit dîner toutes les deux dans mon appartement. Bon, il n’y a pas beaucoup de meubles mais ça peut être sympa quand même. J’ai même une télévision ! » Ponctuant son idée, elle sortit son téléphone pour pianoter et chercher un restaurant où commander un repas pour elles. Enfin, si Brynn acceptait, après tout, elle avait bien le droit de refuser son invitation même si c’était très rare qu’elle accepte de laisser entrer une personne dans son appartement. Brynn ne devait pas savoir la chance qu’elle avait de recevoir une telle proposition.