► hors du moule, enfance troublée ; 10 ans
« Tu as deux papas, c'est la honte, ils ne sont pas normaux dans ta famille. Cracra. » S'exclama un petit garçon rondelet. À cette époque, le monde ne réalisait pas que les familles homo-parentales étaient tout à fait saines et non saugrenues comme le pensait, dans la société de l'époque, une certaine minorité de personnes. L'idiotie humaine pouvait, à cette période, atteindre un niveau exorbitant. « Toi t'es gros, tu n'es pas normal non plus. » Cria la demoiselle à son camarade de classe. « Il est peut-être gros, mais toi, tu as deux papas, c'est pire ! » Lança une gamine à la chevelure blonde. « Tais-toi, tu es méchante. » La demoiselle en pleure, poussa l'enfant à terre avant de se réfugier, recroquevillée, dans l'arrière-cour de l'école. Elle était triste et désespérée, personne ne voulait jouer avec elle ou même partager son goûter quand elle oubliait le sien. Quiconque l'approchait se trouvait avertie de la perversion de sa famille et déguerpissait de peur d'être touché par cette maladie contagieuse, à leurs yeux. « Ma famille est normale, ma famille est normale, je suis née d'une maman, je suis née d'une maman, elle est, simplement, morte à ma naissance et maintenant papa a décidé d'aimer les hommes, c'est tout, ce n'est pas grave, ils s'aiment, c'est le plus important. » Pour son jeune âge, tout juste dix ans, la jeune demoiselle faisait preuve d'une grande maturité et d'une réflexion exemplaire. Ses deux papas l'avaient préparé à ces railleries et méchancetés qui lui colleraient à la peau avant que les mœurs ne changent. « Tu es rigolote, tu parles toute seule, ma maman faisait pareil des fois. » Elle levait les yeux devant cet individu qui avait osé lui parler. Un petit garçon, brun, se tenait juste là, devant elle, lui tendant une main amicale. « Laisse-moi, tu ne peux pas être mon ami, tout le monde va te détester après. Vas t-en. »
Chaque jour, les uns après les autres, le jeune garçon revenait à la charge et la questionnait. À chaque tentative, il échouait, mais le garçonnet ne se lassait pas et vit, après mainte et mainte tentative, une réaction positive sortir de la bouche de Blue. « Tu veux manger avec moi ce midi, enfin,, tu n'es pas obligé, hein, mais, mes papas m’obligent à y aller ce midi et je n’ai pas de copains. J’ai un peu peur que... » - « Je suis ton copain moi. » La jeune fille esquissait un léger sourire, intimidée par la situation actuelle. Elle n'avait pas l'habitude que quelqu'un s'intéresse à elle, seulement pour ce qu'elle représente et pas être la personne qu'on insulte ou qu'on épie telle une bête de foire.
« Mes papas d'amours ! » La jeune fille surgissait dans le domaine familial, avec une telle exaltation, qu'elle tomba à la renverse, prise au piège par le tapis de sol du salon. « Tu ressembles vraiment à ta maman, maladroite comme ce n'est pas permis. » Dit-il en rigolant sur le sort de sa petite fille. « Chut ! Je me suis fait un copain aujourd'hui, enfin ça fait longtemps qu'il s'assoit avec moi à la récréation, mais c'est seulement aujourd'hui que j'ai répondu à ses questions et il a dit que j'étais sa copine. Tu te rends compte, hein ? J'ai un copain. Il m'a donné son gâteau ce midi parce qu'il n'en voulait pas. Et puis il ne se moque pas de moi. » - « Et bien, comment s'appelle-t-il ? » - « Euh.. Je ne sais pas, je ne lui ai pas demandé, mais demain, je le fais. »
« Je m'appelle Matéo. »

► un changement de vie, radical ; 15 ans
« J'ai envie de faire pipi, encore, c'est chiant ! » - « Tu bois, tu pisses, réaction logique. » - « Glamour, vraiment ! »
« Ma fille, tu es squelettique, en un mois, tu as perdu beaucoup trop de poids, tu manges, j'espère ? » - « Mais, oui, je ne fais que ça. J'élimine bien, c'est tout, j'ai tout le temps soif et je vais aux toilettes. » Le père, de la jeune fille, fut immédiatement alerté par les propos de celle-ci.
Sans savoir pourquoi, Blue résidait dans un nouveau foyer. Une sorte de maison secondaire où il ne fait pas bon de vivre pendant un temps. « Papa, pourquoi suis-je ici, réponds-moi, ça ne me rassure pas d'être là. » Rien ne sortait de sa bouche, pour lui autant ne pas inquiéter sa fille pour rien, valait mieux attendre. L'attente, il n'y avait plus que ça. Une situation vraiment atypique et angoissante. Téléporté d'un endroit à un autre sans le vouloir. Qui plus est, patienter, chose qui n'est pas en adéquation avec le personnage. Rien que l'allumage de son ordinateur pouvait la, soûler, alors, l'attente des heures durant, c'est insurmontable. « Bon, papa, désolé, je me casse, j'en ai marre. » - « Non ! »
C'était insupportable, ces mûrs blancs, ce lit aux draps désagréables, une table montée sur roulettes et des machines pas encore connectées, situation stressante.
« Bon désoler de l'attente, nous sommes un peu débordés en ce moment, mais voilà nous avons les résultats. Vos doutes sont avérés. Elle souffre de la même pathologie incurable que votre ex-femme décédée. Bon comme vous le savez, ce n'est pas grave, le traitement est seulement constant et permanent. Seule chose en plus et différente du cas de votre ex-femme, Blue a développé la maladie de cœliaque. Pareil ce n'est pas atroce, seulement contraignant. Il faudra qu'elle suive un régime alimentaire strict. » - « OH ! Je ne pige rien moi ! Arrêtez de parler une langue que je ne connais pas. »
Après maintes explications, plus concrètes par le médecin urgentiste, le verdict était tombé. Désormais, il lui serait nécessaire et vital de s’injecter de l’insuline. « Merci au diabète de type un en plus tu as entraîné avec toi une intolérance au gluten, sympa les copains. »

►bagarre krav maga. ; 19 ans
Ô tout te souvient de ce jour maudit, où tu as pensé finir en prison à cause de cet abruti. Ce petit abruti qui te traumatisait à l'école, ce gosse ingrat qui reportait la violence verbale et physique, qu'il subissait, sur toi en pleine cours de récréation. Le jeune homme voulait seulement te titiller de son homophobie hors-norme, te montrer que malgré le temps qu'il s'était écoulé entre ces deux périodes n'avait rien changé pour lui. Tu serais à jamais, sa petite victime préférée.Tu éprouvais, à ta plus grande surprise, un excès de rage, de colère qui te fit sortir de tes gonds. Une unique pensée, la mort de ce type, effleurait ton esprit et te resserrait un peu plus le cœur. « Ton père, c'est toujours une petite salope ? ». La rancœur démesurée que tu éprouvais pris part de tout ton corps, les coups partaient seuls, tu te déchaînais, jusqu'à ce que ce minable fît face au sol. « Regarde moi bien dans les yeux, redis encore quelque chose comme ça, devant moi, en me regardant dans les yeux, je te crève, c'est clair ? ». Son impulsivité avait pris le dessus, on ne touche pas à ceux qu'elle aime, surtout après les maintes et maintes menaces qu'elle avait proférées envers lui à l'époque.

► l’échec est permis ; 20 ans

« Moi je n'étais rien, et voilà qu'aujourd'hui, je suis le gardien, du sommeil de ses nuits, je l'aime à mourir.  »

L’amour. The true Love. Elle n’y connaissait rien. Elle était bien sortie avec deux, trois garçons au lycée, mais sans plus. Des petites amourettes dont on retenait juste le nom. Des personnes qu’on pensait avoir aimées, à qui on s’était donné, pensant qu’un tel serait son premier amour. La réalité était bien différente. Personne n’avait fait naitre de petites, mais importantes, boules dans son ventre. Personne n’avait réussi à la faire taire. Personne ne pouvait se vanter de lui avoir coupé le souffle. Même lui, Matéo.
« Tu as raison, tout ce que tu me dis depuis le début, tout est vrai, mais je ne suis pas prête à sauter le pas et aller plus loin dans notre relation. On s’est lancé tellement vite qu’on s’est perdu en chemin. Je n’y arrive pas pour le moment et qui sait un jour.. Argh. Non, je n’ai pas le droit de dire ça, de te garder pour moi, te demander de m’attendre, je ne suis pas égoïste à ce point. Je crois que l’on est mieux en tant qu’amis, en tant que mon meilleur ami. Ok ? » - « Toujours pour toi ! » - « Bon je décale, à plus. » L’amertume d’une défaite, un échec cuisant, il lâchait dans un dernier souffle. « Je t’aime Blue. »

► la nuit infernale ; 22 ans
La demoiselle attendait, patiemment, plus les secondes passaient, plus la chaise paraissait dure et inconfortable. Cela faisait deux longues heures, deux longues heures, qu'il avait été admis au centre des soins intensifs. Blue n'en pouvait plus. L'attente et l'impatience de celle-ci ne faisaient pas bon ménage. Elle commençait à désespérer des non-réponses des médecins de garde cette nuit là. Elle s'énervait contre un tout ou un rien, la machine à boisson, les feuilles des plantes de la salle d'attente et sur ses cheveux qui ne voulaient pas aller dans son sens. « Putain, pourquoi c'est-il battu ce con, il est inutile. »

« Salut ma jolie, t'es plutôt sympathique à regarder. » Ah le métier de barmaid, on y voit de tout, quelquefois, c'est amusant d'autres fois, comme cet homme-ci, ce n'est pas la plus agréable des surprises. Cet homme me draguait lourdement, malgré plusieurs refus de ma part, il persistait. Diverses fois, mon patron l'avait mis dehors avec des interdictions d'entrées, mais selon les services, il arrivait, d’une main de maître, à se faufiler comme il le voulait. « Je suis en service monsieur, je me montre cordiale avec vous alors par pitié laissez-moi tranquille. » Je me souviendrais toujours de son sourire pédant et son regard imprégné de perversion. « Je m'en fous ! » Il ne faut jamais énerver ce genre de personne et là, il l'était. Sans aucune chance de m'échapper, il venait de m'attraper les cheveux violemment pour m'embrasser. « Blue ! » Et voilà un Matéo déchaîné, il ne faisait pas le poids, il le savait, mais un homme reste un homme.

Le temps était passé, Blue dormait au chevet de Matéo. Après une extrême négociation avec l'infirmière de garde cette nuit là, elle avait pu rentrer et le voir. Il était calme, paisible. Son état de santé générale s'était stabilisé, l'inquiétude qui avait pris part de Blue s'était évanouie lors du verdict du médecin en charge de ce patient bien trop stupide. Un simple problème interne avait-il dit. Un bobo qui allait vite guérir en soit.
« Blue, oh, Wheeler ! » – « Quoi ? Un problème ? » Une peur excessive avait envahi la demoiselle. Un réveil du genre, en plein milieu de la nuit, à l'hôpital après une intervention chirurgicale, c'est le mauvais plan. « Non, rien, ne reste pas sur ton pauvre fauteuil et amène ton petit cul par là ! » – « J’ai pas envie et puis non. »  - « Fait pas la coincée du cul comme ça, on a déjà dormi un milliard de fois ensemble. »