La journée se termine déjà, enfin. Tu quittes ton travail, le coeur lourd, comme tous les jours depuis un certain temps déjà. Tu n'as jamais spécialement pris de plaisir dans ton travail, car il n'a rien de passionnant. Tu t'arranges pour que tout se passe bien dans la maison, ou la villa, des propriétaires ; tu préviens des problèmes, et tu obéis aux ordres. Tu n'es pas là pour t'amuser ou prendre du bon temps. Pour autant, c'est devenu comme un échappatoire en ces temps compliqués. Tu perds de vue tes soucis, tes tourments, car tu dois travailler, car tu ne peux pas te permettre de laisser ta vie personne découler sur ta vie professionnelle. Tu n'as aucun diplôme, aucune formation, et tu as réussi à te faire bien accepter comme homme à tout faire parmi les plus aisés de Los Angeles, tu ne peux donc pas te permettre de faire écrouler le peu de stabilité qui règne dans ta vie. Tu observes la vie, la ville, dans un silence qui t'est habituel. Ecouteurs dans les oreilles, tu laisses la musique t'imprégner, te faire oublier. Tu marches, et marches, et marches encore. L'envie de rentrer chez toi n'est pas présent. Loin de toi l'envie de te retrouver complètement seul avec toi-même dans une solitude extrême. Au moins quand tu es dehors, à arpenter les rues et ruelles, tu vois du monde, et tu as l'impression de vivre quelque chose. Douce illusion. Tu hésites quelques instants à contacter une de tes connaissances, un de tes amis. Tu te rétractes rapidement. Tu sais que tu ne seras pas de bonne compagnie ce soir, ni les soirs qui viennent. Alors tu te contentes de marcher, seul, mais pas trop, pensif, mais facilement ouvert à toute distraction aux alentours. Tu souris même, quand tu vois des gamins se poursuivre dans la rue en riant aux larmes ; ou quand un couple passe près de toi, avec cette lueur de bonheur et d'espoir dans les yeux. Tu n'as plus tout ça, si toute fois tu l'as une fois eu. Tu repères le foodtruck de l'autre côté de la rue et tu traverses alors, rangeant tes écouteurs. Marcher en mangeant, ça te fera du bien, tu penses. Tu t'approches du camion, il y a quelques personnes, une légère queue qui ne tardera pas à s'en aller. Tu te bloques un instant. Tu crois reconnaître une silhouette. Blonde, grande, fine. Tu es certain à présent, c'est Jillian. Le temps d'une seconde, tu penses à faire marche arrière, car elle ne t'a pas encore vu. Mais cette idée s'élimine rapidement de ton esprit. Tu te reprends, évacues les problèmes que tu peux avoir, et tu t'approches d'elle. "Quelle belle surprise, je crois que nos estomacs ont eu la même idée." Tu dis le sourire aux lèvres. T'es heureux de la voir, son visage t'avait manqué, et tu te rends soudainement compte que  tu ne lui as plus parlé depuis quelques jours déjà, une éternité pour vous. Tu ne t'en étais même pas rendu compte, tu sens un sentiment de culpabilité monter en toi. Tu la prends dans tes bras en déposant un baiser sur sa joue. Tu n'as plus de raison d'être tout seul pour cette soirée maintenant.