Les gouttes sur son corps ciselé, assis sur le trottoir goudronné depuis un temps qu'il ne compte plus. Depuis que la pluie frappe le sol, torrent des nuages qui le trempe jusqu'aux os. Une heure. Deux. Peut-être simplement quelques minutes qui se sont écoulées, la notion du temps qui n'existe plus, le sablier dont les grains restent bloqués, silence qui sonne comme culpabilité. Alex, gamin des contrées suivi par l'ange de la mort qui ne cesse de tournoyer dans les quatre vents au dessus de sa tête. L'ange aux cornes qui le martyrise avec ses coups du sort, rire aiguë aux lèvres. Ange démoniaque qu'il ne peut balayer de la main, il est encré là, sur sa peau autrefois pure, autrefois lisse. L'épiderme qui n'était pas tranché par la culpabilité qui pèse dans son organe battant aujourd'hui. La culpabilité qui ronge, qui bouffe, dégouline dans les sueurs nocturnes, les cauchemars envahissants, monstruosités qui s'insèrent dans son imaginaire, violence que son cerveau lui fait endurer. Alex il est coupable, ses mains sont tâchées d'un sang rougeâtre qu'il n'arrive à enlever sous l'eau clair du robinet de sa cuisine. Un rouge qui lui colle à la peau depuis le soir où il a arraché la vie. Contre son gré. Parce qu'il est con, qu'il oublie que le monde ne tourne pas autour de lui, parce que c'est lui, qui tourne autour du monde. Le cerveau détruit par l'alcool, les verres qui ont pourri sa lucidité, volant qu'il n'a pas tourné, ou peut-être le feu qu'il a grillé. Infraction mortelle, simplement les débris de son âme ébranlée qui tente de guérir depuis ce soir-là. Et puis, sa soeur dans l'équation qu'il y rajoute, implication indirecte, son téléphone qu'il a fait vibrer quand la lune éparse pendait dans le ciel. Alors elle est venue, son visage lumineux dans la pénombre, alter-égo, pilier de son âme qui retient sa descente aux enfers. Elle est venue, la voix étranglée devant ses yeux à moitié fermés, bégaiements comme seul moyen de parole, Alex n'arrive plus à en placer une, seulement les mains qui tremblent pour exprimer son désarroi, le choc qui pulse entre ses veines. Alex n'écoute pas, n'écoute rien, sa soeur qui lui rétorque de la fermer pour la laisser réfléchir. Prendre la fuite ou tout perdre, jouer à pile ou face sans succès réel. La mort devant lui, la mort devant eux pour une seconde fois. Après le père envolé trop tôt dans des crimes contre l'humanité,  deux tours effondrées comme il l'est avec sa soeur. Famille soudée et pourtant désunie, rejet de la mère qui se perd dans des fantasmes de scène qu'elle n'atteindra plus. La vie qu'elle prend pour un immense théâtre, les enfants comme spectateurs malheureux sur le balconnet drapé de soie imaginaire. La mort fait toujours peur, faucheuse de son capuchon noir qui vient hanter les coeurs. Fauché, il l'est Alex. La haine qui l'engloutit, la rage dans chaque recoin de son être. Il est cassé, fracassé, le brun aux yeux d'émeraude, il pleure silencieusement les larmes cristallines de la culpabilité.