Joel & Harriet

J’étais finalement de retour à Los Angeles depuis quelques mois maintenant. Il y avait eu beaucoup de changements dans ma vie depuis mon départ. Douze ans. Et dire que je devais partir que pour la totalité de mes études, c’est-à-dire trois ans, mais mes plans ont changé. Ils ont plus que changé. J’ai remis les pieds en Californie, à plusieurs reprises au cours de ces longues années, mais ce n’était que pour une courte période. Cette fois-ci, j’étais de retour pour vrai et je ne pensais pas retourner à Londres d’ici peu. Ce n’est qu’en remettant les pieds à Los Angeles que je me suis rendu compte que la chaleur et le soleil californien m’avaient manqué. Lorsque Jack m’avait annoncé qu’il avait eu une offre d’emploi du côté des États-Unis, je l’ai immédiatement poussé à accepter l’offre, si c’était ce qu’il voulait. À ce moment-là, je n’avais pas pris de décision par rapport à mon futur, mais je ne voulais qu’une chose : qu’il soit heureux. Par contre, l’idée de partir avec lui me faisait beaucoup réfléchir. C’est pourquoi j’ai décidé de quitter mon poste à Londres pour entrer au bercail, avec Jack, au plus grand bonheur de mon frère. J’ai rapidement trouvé un poste, dans mon champ d’expertise, dans les jours qui ont suivi notre arrivée. Il m’arrivait de rester à la maison, afin de travailler sur mes dossiers, lorsque je n’avais aucun rendez-vous à l’horaire. C’est exactement ce qui s’est produit ce matin-là. Je suis alors restée à la maison, tranquille, alors que Jack avait quitté aux alentours de sept heures trente « Salut trésor. Dis, veux-tu passer à la maison? Fait longtemps que l'on s'est vu. » comment lui refusait une telle demande? Il avait raison. Ça faisait un moment que nous ne nous étions vus, et ce, même si j’étais arrivée, il y a plusieurs semaines. Au bout de quelques minutes, je suis arrivée à l’appartement de mon frère. J’ai frappé à la porte et j’ai attendu patiemment qu’il m’ouvre la porte.

Joel & Harriet

Autant j’avais eu besoin de partir de Los Angeles pour faire mes études en Angleterre, qu’après toutes ces années, j’étais heureuse d’être revenue en Californie, près de ma famille, près de chez moi. Même s’il m’arrivait fréquemment de visiter mon frère et mon neveu, j’étais toujours trop loin lorsqu’il y avait un problème. Ils le savaient que j’étais prête à prendre le premier avion, s’il arrivait quoi que ce soit, mais peut-être ne voulaient-ils pas me déranger? De toute façon, depuis les dernières semaines, je suis de retour, en compagnie de Jack. Eh oui, je n’aurais jamais pensé dire un tel truc, mais mon copain s’était déniché un emploi ici, à mon plus grand bonheur. La vie était bien à Londres, mais maintenant que j’avais ma famille et mon amoureux (secret) à mes côtés, je ne pouvais demander mieux. J’avais réussi à trouver un emploi, dans mon domaine d’expertise, j’avais des collègues en or. La vie est loin d’être parfaite, mais pour l’instant, je vivais sur un petit nuage. En arrivant chez Joel, j’ai attendu quelques instants avant qu’il m’ouvre la porte. Lorsque celle-ci s’est ouverte, un large sourire se dessina sur mon visage. Il sourit légèrement de son côté. Il a pris ma main et m’attira vers l’intérieur de la résidence. Une fois la porte refermée, il me sert contre lui. J’avais l’impression de ne pas avoir fait ce geste depuis des millénaires. Par contre, quelque chose clochait. Oui, nous étions habitués à nous serrer dans les bras de l’un et l’autre, mais là, c’était trop longtemps. Pas que j’allais me plaindre. Il m’avait énormément manqué depuis ma dernière visite, mais je le connaissais trop bien pour savoir que quelque chose clochait. « Joel… Qu’est-ce qui ne va pas? » Lui demandais-je, sur un ton inquiet.

Joel & Harriet

Même si j’avais passé plusieurs années à l’étranger, loin de ma famille, rien ne pouvait m’empêcher de savoir lorsque mon frère n’allait pas. Nous étions beaucoup trop proches pour que je passe aux côtés de quoi que ce soit. Nous avions l’habitude de nous serrer dans nos bras, mais là, c’était juste trop fort, trop longtemps. Quelque chose n’allait pas, mais quoi? Après lui avoir posé la question, il prit mon visage entre ses mains, caressa mes joues avec ces pouces avant de m’embrasser sur le front et de reculer. « Suis-moi, il faut qu'on parle. » J’ai hoché la tête, puis je l’ai suivi jusqu’au salon où nous nous sommes, tous les deux, assis sur l’un des canapés. Joel semblait nerveux. Mais qu’est-ce qui se passait? Je suis restée silencieuse. Je ne voulais pas le brusquer.  Il devait prendre le temps qu’il avait besoin. « Je... Écoute trésor... » Finit-il par me dire, puis il soupira et se prenant la tête entre ses mains. Il commençait sérieusement à m’inquiéter. « Tu sais que je déteste te mentir et que je ne te mentirai jamais, mais il y a des choses que je t'ai caché. », Mais qu’est-ce qu’il essayait de me dire? Qu’est-ce qu’il aurait pu me cacher? « Joel, tu sais que tu peux tout me dire, hein ? »  J’étais  inquiète d’apprendre quelque chose que je ne voulais peut-être pas savoir. Après tout, ce que nous ne savons pas, ne nous blesse pas. Mais une autre partie de moi voulait le savoir. Nous étions beaucoup trop avancés pour revenir en arrière.  

Joel & Harriet

Je ne savais pas ce que Joel s’apprêtait à me dire, mais il était dans tous ces états. Je ne l’avais jamais vu agir de la sorte et j’étais de plus en plus inquiète. « Je sais que je peux tout te dire. C'est dure pour moi, je sais que je vais te faire mal et ça me tue... », Mais qu’est-ce qu’il m’avait caché qui était si grave ? Mon frère s’est courbé vers l’avant et il a fermé les yeux. Il a soupiré puis il a ouvert la bouche. « Quand tu es partie il y a douze ans, il y avait une autre raison pour laquelle je ne voulais pas que tu partes. Et c'est cette même raison qui m'a empêcher de te le dire. Tu voulais tellement y aller, tu sentais quelque chose de magique à Londres. Je n'aurais jamais pu te le permettre. » Avait-il commencé à me dire. Il a tourné la tête vers moi, puis il a glissé sa main contre la mienne avant de la serre doucement. « Harriet... Trésor... Xavier est mort... » Je venais de recevoir un coup en plein visage… Mon frère était mort… depuis douze ans. Tout était plus clair maintenant. J’avais passé toutes ses années à essayer d’avoir de ses nouvelles et chaque fois, je n’avais aucune réponse. Lorsque je posais des questions à Joel à son sujet, il me répondait qu’il n’avait pas plus de nouvelles que moi et souvent, il s’empressait de changer le sens de la conversation. Mon regard fixait le vide, à présent. Je... J'ai pas pu te le dire, je voulais que tu restes dans cette joie que tu avais. Si Jack n'avait pas été là, j'aurais tellement eut peur de te perdre. Je n'ai aucune idée pourquoi on en a après notre famille. Après maman et papa assassiné à la maison... Dieu merci j'étais là. » Assassinés ? Mes parents avaient été assassinés ? Est-ce qu’il avait d’autres secrets de ce genre qu’il gardait pour lui. Je n’étais pas du genre à me fâcher facilement après mon frère, mais là, je ressentais un genre de mixte d’émotion se créer à l’intérieur de moi. J’étais sous le choc, j’étais inquiète, j’étais fâchée. Je ne savais pas ce qui allait arriver si j’essayais d’ouvrir la bouche. J’ai toujours su que quelque chose était arrivé avec mes parents, puisque Joel et moi, nous sommes retrouvés ici, l’année suivant leur disparition. Par contre, je n’ai jamais posé de questions, à savoir les vraies raisons de notre déménagement. La seule raison que je trouvais valable, à l’époque, dans ma tête de jeune fille de 12 ans, c’était Victor. Je n’avais jamais réellement posé des questions à ce sujet. Mais maintenant qu’il me parlait de ce qui s’était produit, ce fameux soir, j’avais l’impression de faire des liens dans ma tête, des liens qui ont toujours été là, mais qui n’avaient pas toute l’information requise pour se lier entre eux. « Si je n'étais pas rentré, il t'aurait tué aussi. » Joel s’est mis à pleurer. Je n’en étais indifférente. Il venait quand même de m’avouer des choses qu’il gardait à l’intérieur depuis 18 ans. De mauvais souvenirs pour que je sois heureuse. Je dois dire que je n’étais pas indifférente. Des larmes coulaient sur mes joues, mais au lieu de rester planter aux côtés en silence, je me suis approchée de lui et j’ai enlacé mes bras autour de son cou. « Shhh… Ça va aller... Je suis là et je ne vais nul part ! » Je devais m’occuper de lui, maintenant. Je devais laisser mes propres sentiments de côté, le temps que tout entre dans l’ordre.