Tu te promènes un peu partout, alternant les passages entre l'intérieur et l’extérieur, analysant chaque recoins de la demeure et ses invités comme un chien errant. Les mains dans les poches, tu en sors une pour t'emparer d'un amuse-bouche, l'autre main collée à ton téléphone, tes doigts pianotant l'écran en attente d'une nouvelle notification. Quand les vibrations se font ressentir, tu le sors nonchalamment, esquissant un long sourire à la vue de ton prochain défi : sourire qui en dit long. Putain, qu'est-ce que t'aime ce jeu.
Plus qu'à trouver un bon moyen. Tu ne cherches pas longtemps la mariée quand un troupeau d'invité s'amarre devant l'estrade. Devant, enlacée par son probable époux, les mariés ont le droit à un discours quelque peu atypique au fur et à mesure que le discours d'un invité avance. Tu te retiens d'éclater de rire face au génie de la scène. Ce mec n'est sûrement pas non plus le bienvenue à la fête. Tu suis du regard la silhouette svelte de la mariée accourant vers l'intérieur, probablement honteuse du déroulement de la fête. Tu suis le pas, lentement, la perdant de vue rapidement, volontairement. Tu passes par les cuisines, sous les regards quelque peu interrogateurs du personnel de service, pour atterrir dans un coin calme, où se regroupe accessoires divers et la fameuse pièce montée s’avérant bien trop appétissante pour ton estomac d'ogre. Tu te rapproches, analysant les écritures argentés du château en sucre. Tu tiens le prénom de la belle, une avancée. Tu rebrousses chemin, saluant d'un coup de main les mêmes têtes te dévisageant tel un novice pickpocket. Cette fois-ci, ton pas se fait bien plus rapide, tu te retrouves à nouveau dans la pièce principale en direction des escaliers que tu montes à grandes enjambées. A l'étage, supposément réservé à la mariées et aux demoiselles d'honneur, tu en vois une sortir, une blonde au sourire évocateur, suivit quelques secondes plus tard par un amas de jeunes femmes affolées. Tu attends un peu avant d'ouvrir la porte, analysant de bas en haut les courbes d'une mariée posée sur le rebord du balcon, cigarette à la main. C'est vrai qu'elle est pas moche.. En tout cas, même énervée, voir hystérique, et les joues rougeâtres. Tu t'approches d'elle en silence, sors ton briquet en voyant sa peine en perdition face à ses pauvres allumettes. Elle sourit, te remercie même. Elle, abandonné par un mari probablement à la poursuite d'un chenapan, va tomber dans ton petit piège, pour sûre.
Tu sors ton téléphone, que tu poses discrètement sur une petite table près du rebord, presque caché par un bouquet de fleurs. " Sam, tu vas bien ? ". Bien-sûr que non, puisque tu es là, maintenant. Elle tourne lentement la tête, analysant ton faciès d'un œil plus précis. " Tu ne me reconnais donc pas ?" . Elle sourit à nouveau, avant de reprendre sa mine dure. Cette nana est sûrement au bout de sa vie après le désastre de tout à l'heure. Autant que sa cyclothymie actuelle lui serve un peu. " Oh mon Dieu ! Bruce, c'est vraiment toi ??" . Que.. quoi ? Bruce, genre Bruce Wayne ? Est-ce que t'as vraiment la tronche d'un Bruce, toi ? " Si je te dis.. "Quaterback ?" " Jouons aux devinettes tiens, puisque madame semble bien décidé à te livrer une identité sur un plateau en or. " Oh, tu sais, les années lycées me semblent tellement loin maintenant. " . Pétasse, elle doit avoir trente ans à tout casser. " En tout cas, merci pour l'invitation. Ma fiancée aussi voulait d'un beau et grand mariage de princesse, mais la vie en a décidé autrement, malheureusement." Tu perçois dans son regard un savoureux mélange de tristesse et d'empathie. A toi de jouer, en regardant l'horizon d'une mine dépitée. Elle s'excuse de sincères condoléances, de quoi te laisser le temps de rebondir. " Oh non ce n'est rien. Les années passent et on avance aussi. En tout cas, laisse moi te dire que les bougies te vont bien.". Les joues de la demoiselle rougissent, sa candeur et sa naïveté profonde la trompent. A croire que c'est plus simple de se taper une mariée qu'une débauchée du club. " Tu es magnifique. Il a beaucoup de chance de t'avoir. ". Cruel. " Je me dis que j'ai été débile de te lâcher. Quand on est jeune, on est con, et insouciant. On ne se rend pas tellement compte de la chance qu'on a et du jour au lendemain, boum, des regrets. Tu m'as beaucoup manqué, Samantha." Vraiment cruel. Putain, où sont les caméras ? Les pétales de roses ? Les audiences "soap-opéra" ? T'as bien une chance sur deux de te prendre une grosse claque dans la tronche, et pourtant, t'attends ce possible retournement de situation de la supposée nymphomane. Oh, John !. So cliché, nauséabond.