Ça fait maintenant sept mois que je suis en mission. Je n’ai plus contact avec Alice, et elle me manque. Son sourire, son énergie… Elle tout entier me manque, je suis un être coupé en deux. C’est la dur vie de jumeaux, l’autre est toujours une partie de votre vie. A chaque mission, j’ai du mal avec notre séparation, même si avec le temps, j’apprends à ne plus montrer qu’elle me manque. La guerre m’occupe l’esprit pour avancer, la présence de danger constant aussi…
Assis à l’arrière d’un camion, je souffle un peu. Ce n’est pas mon tour de garde dehors. Je peux me poser un peu pendant le trajet retour en direction de la base. En ce moment, c’est très tendu en Irak. La guerre fait rage et la plupart d’entre nous sommes fatigués de tout cela. Autant moralement que physiquement. Ma mission se termine dans un mois…
Mais…
Il y a cette explosion, ce souffle de l’enfer qui vient à s’animer et chambouler cette opération qui se déroulait si bien avant qu’elle n’arrive.
La mort.
La souffrance.
L’incompréhension.
La douleur.
Bien plus physique que mentale.
J’ai été projeté si loin du véhicule mais j’ai toujours eu plus de chances que la plupart des coéquipiers. Malgré la poussière, je vois la mort et la souffrance autour de moi.
Je me sens un peu lourd. La tête lourde surtout. La respiration haletante, j’essaie de remettre de l’ordre dans ma tête. J’ai du mal à réaliser ce qu’il vient de se passer, de ce que je vois sous mes yeux. J’ai peur de mourir sans avoir pu dire au revoir à ma sœur, à ma famille.
Cette idée me donne l’impulsion de me lever, mais la réalité me rattrape et la douleur se fait encore plus aigüe. Particulièrement dans ma jambe gauche. Impossible de la plier, impossible de poser le pied pour se relever.
La douleur est si forte qu’une larme coule le long de ma joue. Je grogne… avant de perdre conscience au milieu de ce champ de désolation.
…
…
…
…
Bip…
…
Bip… Bip…
Bip…
Bip… Bip… Bip…
Je suis mort ?
J’ai l’impression d’entendre le glas final, et cette lumière au-dessus de moi ? Elle m’aveugle… Puis il y a cet homme en blouse blanche, les lunettes sur le bout du nez.
Ah non, je ne suis pas mort, du moins, pas au paradis.
« Mr Collins, vous m’entendez ? »
- Hmmmm…
- Mr. Collins ? Avez-vous mal quelque part ?
- Vo…Vous… êt-es qui ?
- Je suis le Dr. Marks, vous êtes à l’hopital militaire. Il y a eu une attaque et vous avez été blessé, vous vous rappelez ?
- Pas … vraiment, non … »
Je ferme les yeux, à nouveau, je sombre…
[ … Some days later … ]
Je suis blessé à la cuisse. A vrai dire, j’ai de la chance selon le médecin. L’éclat de schrapnel n’a pas touché mon artère et mes ligaments sont intacts. Simplement, marcher comme avant, ce sera beaucoup plus difficile que je ne le pense. Une longue rééducation m’attend, il me l’a dit et la douleur me le confirme. Je n’ai jamais pleuré depuis la mort de mon père, mais là la douleur est insoutenable quand le kinésithérapeute me fait plier la jambe…
Au bout de presque deux mois, j’ai pu enfin améliorer mon état. J’ai encore mal, c’est un fait… Mais je peux marcher, courir très peu de temps. Mais j’ai le temps d’aller mieux. Ou presque… Frustré, j’ai volé… de la morphine. Incapable de rester en repos, c’est ma dose de morphine qui m’aide à courir, à me bouger.
Mais avec le médecin qui me freine, j’ai été « mis de côté ». Retour à Los Angeles pour une période indéterminée. Une pension temporaire pour m’aider, même si c’est bien peu à mes yeux. Je finis par descendre du car, le cœur battant. Je n’ai prévenu personne et j’arrive à la maison. J’ai beaucoup espéré retrouver Alice plus que les autres. Mais elle ne fut pas là.
Elle est partie en soirée.
Ah, c’est bientôt Noël ?
Vêtu de mon plus beau costume de cérémonie, je suis sorti de la maison. J’arrive, ma chérie.