RECUEIL DE TÉMOIGNAGES
“Le divorce a changé des choses, c’est sûr, mais il a surtout été l’aboutissement d’une période nébuleuse faite de disputes et de reproches incessants. Du jour au lendemain, mes parents ont presque cessé de se parler. Ou disons qu’ils se contentaient du strict minimum et ce strict minimum avait un nom, ou plutôt deux : le mien et celui de ma sœur. Si ce n’était pas pour discuter des gardes alternées de leurs gamins, des résultats scolaires ou bien de la pension alimentaire, alors ils préféraient se confondre dans un long et profond silence.
Alors, oui, quand on voit ses parents rompre tout contact et s’en satisfaire, forcément, on s’interroge. Se sont-ils aimés un jour, pour que cela se solde de cette façon ? De quoi sommes-nous réellement le fruit ? Et surtout, pourquoi séparer notre vie à nous, les « gosses », en deux ?
C’était en l’an 2000. Je vivais encore à Londres et j’avais 12 ans, tandis que ma sœur allait sur sa... 9e année. Déjà à l’époque, elle et moi n’étions pas si proches que ça, et pourtant nous étions tous les deux les gamins les plus heureux du monde lorsque notre mère nous envoyait à Berlin, deux week-ends par mois. Dans ce magnifique appartement que l’on pourrait aussi bien trouver dans les plus belles rues de South Kensington. Des plafonds hauts, des lustres impressionnants, un mobilier et une décoration aussi classiques que l’est mon père… Je me suis toujours senti bien, là-bas. Sans doute parce que mon père avait une présence rassurante sans être oppressante pour autant ; j’ai bien conscience désormais qu’il a eu la place « idéale » dans le couple divorcé. Celui qui ne s’occupe pas de la scolarité, ou à peine. Celui qui reçoit ses progénitures le week-end, pour les distractions. Celui dont on ne veut ni ne peut se passer puisqu’il nous permet de souffler du train-train quotidien et surtout, d’une mère psycho-rigide.
Mon père est mon idéal à moi. Pas mon héros,
juste mon idéal. Celui dont je m’inspire jour après jour pour atteindre un autre idéal que lui-même a atteint : celui d’une vie faite de succès, de billets verts et de fierté.
Ma mère, à l’évidence, n’a pas eu la bonne place. Mais je crois que même si elle avait eu la bonne, cela n’aurait rien changé. Entre elle et moi, ça n’a jamais vraiment marché et ça ne marchera sans doute jamais. Elle m’a mise au monde, et ensuite… Enfin ce n’est pas comme si on pouvait commander la « bonne entente » avec quelqu’un, quand bien même nous sommes sorti de ses entrailles, si ?
Des petits détails aux grands faits, il y a tout un arc-en-ciel de choses que je ne supporte pas chez elle. C’est physique, c’est moral, c’est un peu de tout et de rien. Ses goûts vestimentaires, décoratifs. Ses passions, ses intérêts, ses désintérêts. Les bêtes poilues qui défilent dans son cabinet de véto, les mecs inintéressants qui défilent dans sa vie, et surtout le tout dernier, qui me sort littéralement par les yeux. De tout ça, j’en suis devenu allergique. Et pourtant, c’est elle qui m’a engendré, qui m’a élevé. Ce sont mes racines, celles dont je ne peux me couper et qui me rattacheront pour toujours à elle. Comme dirait un certain personnage de film, si quelqu’un lui faisait du mal, c’est sûr que je voudrais le tuer aussitôt, et en même temps, je pourrais vous nommer une centaine de personnes que j’aime plus que ma mère. L’ai-je déjà aimée ? Sans doute. Mais ce sentiment s’est étiolé avec le temps et aujourd’hui, j’ai l’impression de ne plus ressentir aucune affection à son égard, plutôt une aversion. En fait, je pense que ma mère n’était pas faite pour devenir mère. Qu’elle nous a fait Emma et moi parce que c’était ce que le monde attendait d’elle. Et pour être complètement honnête avec vous, prendre conscience de cela ne me fait ni chaud ni froid. Tout ce que je demande, c’est que l’on garde nos distances, elle et moi. Il y a plein de choses qu’elle ne sait pas sur ma personne et ce n’est pas prêt de changer.
Alors vous pouvez en tirer toutes vos conclusions psychologiques étranges, si ça vous chante. Que si je ne suis proche ni de ma mère, ni de ma sœur, c’est que je dois avoir aujourd’hui des relations conflictuelles avec les femmes. Que si aujourd’hui je ne crois plus en l’amour, c’est parce que j’ai souffert de la séparation de mes parents, sans rien y comprendre d’ailleurs. J’vous entends déjà, et c’est p’t’être vrai mais entre nous, vous ne savez pas tout, et ce qui compte, c’est le passé ou le présent ?”
Andreas Klein lui-même.
“Andreas et moi, c’est compliqué… Et je me demande souvent ce que j’ai fait, un jour, pour mériter autant d’acharnement de sa part.
Oh quand je suis loin, tout va bien dans le meilleur des mondes. J’entends même qu’il est un charmant jeune homme, bosseur et visiblement heureux de vivre. Mais ce n’est pas vraiment la facette que je vois de lui quand nous sommes dans la même pièce, et j’ai bien conscience qu’il m’en veut. Que
je suis la fautive à ses yeux, mais de quoi… Difficile à savoir, d’autant plus qu’il préfère être odieux en ma présence plutôt que de me dire directement ce qu’il a à me reprocher. Bon, vous me direz… Je ne suis pas particulièrement bavarde non plus, je ne l’ai jamais été. Le parent accessible et chaleureux, cela a toujours été Carsten et… ça le sera toujours.
Je crois que ça me manque, parfois. Cette alchimie mère-fils dont je suis témoin en fréquentant quelques amies qui ont elles aussi un fils. Alors j’essaye d’aller vers Andreas, de m’intéresser à lui… Vraiment, j’essaye, mais chaque fois, cela se résulte en un énième échec. Quand il n’a pas envie de discuter, ce n’est pas la peine de forcer. Et je crois que je me lasserai à lui courir après, si cela doit durer des années.”
Lauren Jones, mère d'Andreas.
“Quel affreux garnement, ce gosse. Je me souviens particulièrement de l'époque post-adolescence. Il sortait du lycée et n’avait qu’une envie, s’émanciper de sa mère en se trouvant un appart. Son père avait sûrement d’autres chats à fouetter en Europe alors Andreas a demandé l’aide financière de Lauren. Evidemment, elle a refusé. Vouloir partir à cet âge pour des raisons aussi légères que “je ne supporte plus ton nouveau mec” - ce nouveau mec étant moi, vous l’aurez compris - n’était pas recevable pour elle. Ce jour-là, j’ai tenté d’être ferme pour l’aider, trop peut-être, et en suis venu aux mains avec Andreas car il m’a répondu impoliment. Oh cela n’a pas été la seule claque qu’il a reçu mais que voulez-vous faire d’autre avec des jeunes aussi rebelles ? Ils ne comprennent que ça, l’action.
Andreas a d’ailleurs fui le domicile familial pendant 4 jours suite à cette altercation, simplement pour montrer son mécontentement. Allez savoir qui l’a recueilli pendant ces quelques jours, mais il est finalement revenu la queue entre les jambes, face à l’évidence que la vie ne pouvait pas toujours tourner dans son sens.”
Phill Williamson, ex-beau-père d'Andreas.
“Ah lui, il a bien trouvé sa place dans le monde spécial de la pub. Gand consommateur des bonnes choses de la vie, il sait aussi être sérieux quand il le faut et les supérieurs sont toujours satisfaits de son boulot, globalement. Jamais à court d’idées, toujours motivé… Ajoutez à cela son petit accent
british et sa façon de s’habiller, pas mal élégante et qui doit d’ailleurs lui venir tout droit de son pays d’origine, ça nous fait un mec avec lequel les filles aiment bien boire un café entre midi et deux, mais aussi un gars fort apprécié dans la boite.
En fait, j’ai du mal à lui trouver des défauts, de mon point de vue à moi. Il faut dire qu’il est assez irréprochable à l’agence… Mais je serais prêt à parier que ce n’est pas aussi rose dans sa vie privée. Andy est le premier à nous dire qu’il enchaîne les conquêtes mais est-ce qu’il n’en rajoute pas un peu sur les bords ? Ça serait bien son genre, à ce beau parleur. Entre nous, il a forcément des faiblesses ! Ou une fille qu’il aime, quelque part… Ce qui reviendrait au même. Je ne l’ai juste pas encore assez fréquenté à l’extérieur du bureau pour les connaître.”
Nathan Hart, collègue à Millennium Advertising, son ancienne boite.
“Il cache bien son jeu, mon frère. À jouer au plus fort toujours, et à faire croire que rien ne pourrait le toucher… Sauf que ce n’est pas le cas. Je connais le spécimen, moi. C’est un sensible qui prétend être intouchable, rien de plus ! Alors avec ses potes, ça marche, mais avec moi qui me le coltine depuis 23 ans…
Et puis, je connais son secret. Evidemment, il ne sait pas que je le sais. S’il le savait… Il aurait envie de me bâillonner pour l’éternité et de m’enfermer dans cette cave glauque avec laquelle il m’a tant de fois menacée. C’est sûr que ça ferait mal à sa réputation de tombeur de ces dames si le monde venait à savoir qu’il n’aime pas qu’elles… Mais moi, je l’ai toujours su. Ça se devine, ce genre de choses. Non pas qu’il soit super efféminé (même s’il est du genre à monopoliser la salle de bain le matin) mais… je ne sais pas comment expliquer, dans sa façon d’être, de réagir à certaines choses… je l’ai compris il y a déjà plusieurs années, bien avant de tomber sur lui et cet autre gars, dans son bar favori. Alors moi je m’en fiche, il fait bien ce qu’il veut et avec qui il veut, mais si maman venait à l’apprendre… ça aurait l’effet d’une bombe dans la famille. Plus fermée d’esprit qu’elle, vous mourrez !”
Emma Klein, petite sœur.
“Avant de finir dans les mêmes draps, on s’était croisés plusieurs fois en soirée. Ce que je m’étais dit à son sujet ? Qu’il était certes agréable à regarder, mais qu’il m’avait tout l’air d’être un brin macho, moqueur ou encore immature. J’ai du mal à le positionner, à ce niveau. Andreas, on l’entend rire à des kilomètres et c’est le roi des blagues pourries. Pour détendre l’atmosphère, vous pouvez toujours compter sur lui, mais pour ce qui est des conversations sérieuses...
L’autre matin, je lui ai demandé s’il avait déjà aimé une fille. Vous savez, d’un amour avec un grand A. J’étais curieuse. Après un vague soupir, il m’a dit que oui mais que ça n’avait plus aucune espèce d’importance à ce jour. J’ai donc supposé une peine de cœur. Il n’avait pas l’air chaud à l’idée d’en parler, ça c’est certain, mais vous connaissez les filles, ça ne lâche pas aussi facilement le morceau. Alors je lui ai demandé à quoi elle ressemblait, cette fille, parce que ça m’intéressait de savoir. Ô quelle chose fâcheuse n’avais-je pas osé demander. Il a commencé à marmonner, s’est levé, s’est rhabillé et a fini par s’échapper, inventant une “prochaine fois” pour adoucir un tant soit peu son départ hâtif. Sacrée délicatesse, hein.
En réfléchissant, je ne sais même pas ce que je répondrais, s’il voulait me revoir. Car je sais que l’on peut perdre nos plumes avec ces hommes qui ne savent pas parler, mais d’un autre côté...”
Lana Kendrick, aventure d’un soir qu'il évitera de rappeler.