« Et Papa, il vient quand ? » Un énième soupire de sa mère, lasse d’avoir toujours les mêmes questions. « Bientôt, Nyla. Bientôt. » Ca fait un peu plus d’un an maintenant que la princesse a posé les pieds au pays des kangourous, la terre de natale de sa mère. Un an qu’elle n’a pas vu son père, et qu’elle crève de l’absence de son frère. « T’as dit ça y’a six mois. T’avais dit qu’ils nous rejoindraient ! Tous les deux ! T’es une menteuse ! » Nyla, elle a une boule dans le creux de la gorge, et les larmes qui lui montent aux yeux. Elle a son père qui lui manque, lui, son idole, son modèle. Elle a besoin de le savoir à côté, de le voir la couvrir d’attention comme il a toujours fait. Et elle a besoin de son frère. Elle a besoin de Soren qui lui répète qu’elle est insupportable, mais qui cède à tout. Elle a besoin de lui, pour venir se blottir dans ses bras au moindre coup de blues. Elle semble choquée. Elle s’attendait pas à ce que sa fille lui balance en pleine tronche qu’elle ne tient pas ses promesses. En même temps, comment l’en blâmer ? Même Addsion Callahan n’a pas la moindre idée de quand elle reverra les deux hommes de sa vie. Elle est venue ici pour éloigner sa fille de toutes les emmerdes, de leur business, du danger. Elle voulait la préserver. Ca devait s’arranger rapidement. Rien n’a franchement changé, et l’éloignement se fait sentir. Nyla grandit vite, trop vite. Et pourtant, elle a encore le cœur d’une enfant, à réclamer après son père, et pourtant à déjà démontrer le même tempérament. Nyla, elle voit qu’elle a blessé sa mère. Elle voit bien ce regard un peu triste, sans doute même déçu, au fond de ses pupilles. Alors elle déglutit difficilement, prête à tourner les talons. « Nyla, reste là ! » Elle tourna brusquement la tête, des éclairs plein les yeux, avec les prémices d’une rébellion cachée au fond du regard. « Sinon quoi ? tu vas appeler Papa ? » une provocation un peu osée dans la bouche d’une môme de douze ans, mais ça lui passe bien au dessus. Elle comprend pas toujours les règles à la bienséance. Nyla, c’est l’enfant sauvage, semblable à un animal qui suit son instinct, mais certainement pas les règles. Elle jette un bref coup d’œil à Gemma, un regard désolé à la nouvelle copine, la nouvelle venue qu’elle prend comme un nouveau membre de la famille. Sans franchement lui demander son demander son avis, Nyla l’attrape par la main et court pour sortir de la maison, jusque sur leur grande terrasse qui donne sur l’océan. De ses bras tout frêles, elle prend sa planche de surf, direction la plage, malgré les protestations de sa mère qu’elle entend d’ici. Courant trop fort, vague trop grosse, qu’elle dit. Nyla, la seule chose qu’elle entend, c’est l’appel de la mer, l’odeur de l’iode qui lui chatouille le nez. « Viens, on se mettra toutes les deux sur ma planche. » Leurs petits bras autour de la grosse planche, et elles courent en direction des vagues, de cet appel puissant, semblable à la liberté. Un début un peu étrange pour une amitié destinée à être exceptionnelle.



Trois mois que les deux inséparables ont mis les pieds dans la cité des Anges. Trois mois qu’elles ont quitté l’Australie et leur vie de bohème de Byron Bay. La raison officielle ? Vous vouliez commencer vos études aux Etats-Unis, toutes les deux acceptées dans une grande université. La raison de la jeune Callahan ? Un peu plus complexe. Même en Australie ils l’ont retrouvé. Même en Australie certains ont cherché à régler leurs comptes avec sa famille. Personne aurait cru que qui que ce soit viendrait chercher à se venger dans la ville la paisible d’Australie. Faut croire que la rancune était tenace. Et l’enfant chérie a failli en faire les frais. Elle s’en souvient encore de cette soirée là. De la peur, du danger, de son cœur qui battait trop vite, de cette envie de hurler. Elle se souvient de l’adrénaline qui a pulsé dans ses veines au moment où elle faisait cogner son crâne contre le sol. Elle se souvient de sa tétanie et de sa tête, qui pourtant, fonctionnait un peu trop vite.
Un coup de coude dans les côtes et Nyla sursaute sous le rire de Gemma. « Quoi ? » « T’es ailleurs. » Elle réajuste son sac sur l’épaule en continuant son chemin en direction du bâtiment où elle a cours. « J’ai pas fini mon devoir. » Devoir dans l’une des matières de son cursus de criminologie. Cursus mineur choisi par pure curiosité. Comme une envie de regarder de l’autre côté du miroir. « Sérieusement, ton vrai choix, c'est quoi ? » Nyla, elle éclate de rire face à l’incrédulité de sa meilleure amie. Elle y croit toujours pas. En même temps, c’est vrai que c’’est un comble. « C’est le vrai choix. » Jusqu’à ce qu’elle ne se rende compte que ça ne lui correspond absolument pas. D’ici un ou deux mois pour changer pour autre chose. « Faut voir le bon côté, tu n'as qu'à passer un coup de tel pour passer de la théorie à la pratique » L’irlandaise lève les yeux au ciel en secouant la tête. « Ca y est, t’as fini de te moquer ? » Avec leurs deux familles, elles font la paire, et non, elle n’aurait pas le moindre mal à mettre ses cours en application. Encore heureux que son père ne sache rien. Avant de rentrer dans le batiment, Nyla se stoppe et pose ses lèvres sur la tempe de Gemma. « A plus tard, chaton. Essaie de survivre sans moi. » Un sourire taquin se dessine sur ses lèvres avant de disparaitre dans derrière la grosse porte d’entrée.

Elle hésite, Nyla, en sortant des cours, à se rendre chez lui. Elle hésite à aller frapper à sa porte. Ses pieds, eux, n’ont pas hésité. Ils l’ont conduit dans un taxi, et jusque devant sa porte. Elle sait pas vraiment ce qu’elle va dire. C’est plus simple de se taire ou de le taquiner quand vous êtes tous ensemble. C’est moins simple de lui faire face en tête. Parce qu’elle résiste pas. Elle veut même pas résister. Alors avant qu’elle l’ait franchement décidé, y’a son poing qui cogne contre la porte. Elle attend seulement quelques instants avant que la porte ne s’ouvre, pour laisser apparaitre un Nev surpris. Et comment. Elle a jamais osé se pointer ici. Elle savait même pas ce qu’il en penserait. Après tout, c’était quoi ? Juste un petit jeu quand il est venu en Australie ? Histoire d’une fois ? « Salut. » elle finit par réussir à articuler un simple mot, avec un sourire sur le coin des lèvres. Ce sourire faussement innocent, malicieux, dont elle seule à le secret. « Nyla. » c'est presque un murmure qui sort de sa bouche. Comme un prénom qu'il ose à peine prononcé. « J’te dérange ? » Il fait non de la tête, et se décale pour te laisser entrer, sans la quitter des yeux. C’est comme ça depuis que les deux filles sont revenues. Comme si quelque chose clochait. Comme s’il savait que c’était bien Nyla, mais sans franchement la reconnaitre. Ou c’est peut-être cette attitude plus femme qui le perturbe. C’est plus vraiment une ado. Pas non plus une femme, mais elle en a bien pris le chemin. Les bras finalement croisés sur la poitrine, un léger soupire s’échappe de ses lèvres. « Bon, je sais que j’te perturbe, mais tu vas dire quelque chose ? » Y’a une lueur qui passe dans les yeux de Nev, impossible à louper malgré le dixième de seconde. Nyla, elle a à peine le temps de réaliser qu’il a son visage entre ses mains, ses lèvres sur les siennes, et il la pousse déjà contre la porte désormais fermée. Ses lèvres la redécouvrent, la goutent, et elle se laisse aller sous ses baisers. C’est bien mieux que parler finalement.




Quelle idée que d’avoir accepté cette proposition de job. Elle en a des idées à la con, Nyla. Et elle a toujours le chic pour entrainer Gemma dans ses conneries. C’était censé être une bonne idée. Juste pour rire un peu. Pour pousser un peu Gemma à se lâcher. Juste danser sur un bar le temps d’une soirée. Rien de bien méchant. Cap ou pas cap ? Un jeu ancré dans leur amitié. Seulement maintenant, elles sont là, avec des fringues un peu courtes, à danser sur le bar ou servir des verres. Ça fait même pas une semaine qu’elle bosse dans cet endroit étrange. Elles ont pas l’intention de rester longtemps. De toute façon, Nyla a pas franchement envie de bosser. Y’a Papa qui ramène l’argent. Pourquoi s’emmerder à servir des boissons à une bande de vieux pervers ? Un coup d’œil à Gemma, et elle attrape des nouveaux verres à poser sur son plateau. Quelques boissons de distribuer et elle cherche quelques une de ses collègues. Comme si elles avait juste disparu depuis une bonne demie heure. Finalement, Nyla va balancer son plateau dans un coin pour aller attraper Gemma par le bras, qui s’apprêtait à danser avec une autre, sur le bar. « Viens par là. Y’a un truc qui tourne pas rond ici. Vraiment pas rond. La blonde dont j’me souviens jamais du nom, avec une tête chelou… Ca fait deux fois dans la soirée qu’elle disparait pendant une demie heure. A chaque fois elle revient par l’escalier, là. » qu’elle désigne d’un signe de tête. « Et cinq minutes après, y’a toujours un mec qui sort derrière. Et là, Cassie vient de passer par la même porte. » Elle flippe pas souvent Nyla. Peut-être même jamais, et c’est bien là le problème. Parce que la peur, ça pourrait l’empêcher de se foutre dans ses situations débiles, comme ce soir. « C’est notre dernier soir. On se casse après. » C’est pas vraiment une question. Elle a pas envie de savoir ce qu’il se passe derrière cette porte. Au fond, elle le sait déjà. Elle se doute que derrière cette porte, elles perdent leurs fringues, pour des danses plus sensuelles, pus privées, à l’abri des regards. Faut qu’elles dégagent d’ici, avant qu’elles aussi, soient appelées. Sinon, Nyla risque de se faire démonter. Par Soren, mais par la fratrie de sa meilleure amie. Et elle aimerait tout particulièrement éviter d’avoir à affronter Nev et Andrea. Encore moins en même temps.